Les deux lobes ont probablement orbité l'un
autour de l'autre, à l'instar de nombreux objets dits binaires de la
ceinture de Kuiper (et même de la ceinture d'astéroïdes, beaucoup
plus proche), jusqu'à ce qu'un processus quelconque les réunisse
dans ce que les scientifiques ont démontré être une "fusion douce".
Pour que cela se produise, l'essentiel de la vitesse orbitale doit
s'être dissipée pour que les deux objets se rejoignent délicatement, mais les
chercheurs ignorent encore si celle-ci a été absorbée par les
faibles forces aérodynamiques résultant du gaz présent dans
l'ancienne nébuleuse solaire, ou par élimination du moment cinétique
suite à l'éjection d'Ultima et de Thulé de certains matériaux.
Cependant, l'alignement des axes des deux
objets suggère qu'avant la fusion, les deux lobes devaient être
synchrones, ce qui signifie qu'ils devaient se faire face alors
qu'ils orbitaient autour d'un centre de gravité commun.
"Nous examinons les vestiges bien conservés
d'un passé ancien", a déclaré le chercheur principal de New
Horizons, Alan Stern, du Southwest Research Institute à Boulder, au
Colorado. "Il ne fait aucun doute que les découvertes faites sur
Ultima Thule vont faire avancer les théories de la formation du
Système solaire."
Une géographie complexe
Outre le mystère de sa formation, les
scientifiques étudient aussi les caractéristiques de surface
d'Ultima Thulé, telles des endroits plus lumineux que les plaines
environnantes, les collines et les vallées, ainsi que des cratères
et autres dépressions. La plus grande d'entre elles, d'une largeur
de 8 kilomètres, a été surnommée le cratère du Maryland, et s'est
probablement formée à la suite d'un impact. D'autres dépressions,
plus petites, pourraient s'être creusées à la suite de la
sublimation de glaces souterraines, que la très faible force de
gravitation de l'astre n'aurait pu ensuite combler.
Ultima Thule ressemble à de nombreux autres
objets observés dans la ceinture de Kuiper par sa couleur et sa
composition. Il est très rouge, plus rouge encore que la planète
naine Pluton, qui mesure elle quelque 2500 kilomètres de diamètre et
qui avait été visitée par la même sonde en 2015. Il s'agit en fait
de l'objet du Système solaire extérieur le plus rouge jamais visité
par un vaisseau spatial. Les données ont permis de déterminer que
cette teinte est due à la modification des matériaux organiques à la
surface de l'astre, comprenant des traces de méthanol, de glace
d'eau et d'autres molécules organiques, un mélange très différent de
ce qui est habituellement observé dans la plupart des objets
explorés auparavant par des engins spatiaux.
La transmission des données enregistrées à
bord de New Horizons n'est toutefois pas terminée, et se poursuivra
jusqu'à la fin de l'été 2020, l'éloignement de la sonde
(actuellement 6,6 milliards de kilomètres) imposant un rythme de
communication très lent (moins de 200 bits/seconde). Entretemps,
l'engin poursuit ses observations sur d'autres objets de la Ceinture
de Kuiper, trop éloignés pour révéler des découvertes aussi
spectaculaires, mais permettant d'estimer certaines caractéristiques
telles leur luminosité. New Horizons continue également à
cartographier le rayonnement de particules chargées et la poussière
dans la ceinture de Kuiper, tout en s'enfonçant dans l'espace
lointain à la vitesse de 53.000 km/heure.
Jean
Etienne
Source principale :
NASA’s New Horizons Team Publishes First Kuiper Belt Flyby Science
Results. NASA, 16 mai 2019.
Voir aussi (en français) :
Nouvelles
images en haute résolution d'Ultima Thule par New Horizons. 23
février 2019.
Le plus grand lobe
d'Ultima Thule est plat comme une crêpe. 12 février 2019.
Zoom sur Ultima Thule. 26 janvier 2019.
Les hypothétiques lunes d'Ultima Thule. 8
janvier 2019.
Les surprises d'Ultima Thule. 2 janvier 2019.
Mission réussie et premiers résultats pour New Horizons. 1er janvier
2019.
Ultima Thule, un mystère à résoudre. 27 décembre 2018.
Alea Jacta Est pour New Horizons, à six milliards de kilomètres. 19
décembre 2018. |