Durant deux semaines à partir du 15 juin 2015,
le trou noir V404 Cygni était visible par instants au moyen d'un
simple télescope d'amateur, pourvu que son diamètre soit au moins
égal à 20 centimètres.
V404 Cygni est un trou noir d'environ 9 masses solaires situé à
7.800 années-lumière dans la constellation du Cygne. Il est
accompagné d'une étoile compagnon, et restait inactif depuis 1989.
Il s'est soudain réveillé le 15 juin 2015, lorsque son étoile
satellite s'en est rapprochée au cours de son orbite, franchissant
une distance critique aussi appelée "limite d'Eddington". Le trou
noir a ainsi "décapé" la surface de l'étoile, avant que l'ensemble
ne s'effondre dans une émission apocalyptique de radiations. Et
ainsi, pour la première fois, les astronomes ont pu observer la
lumière produite par cet événement au moyen de simples télescopes
optiques.
D'abord détecté par le télescope spatial Swift de la NASA,
l’évènement a été ensuite suivi par les chercheurs japonais qui ont
ensuite demandé aux scientifiques de 26 pays de pointer leurs
télescopes optiques sur V404 Cygni.
Une première qui fera date
Selon Mariko Kimura, astronome et principal chercheur de
l’Université de Kyoto (Japon), il s'agissait de la première fois où
des phénomènes physiques se manifestant dans le voisinage immédiat
d'un trou noir se révélaient au moyen de télescopes optiques, et
même modestes, plutôt qu'en faisant appel à des instruments beaucoup
plus complexes à rayons gamma ou infrarouges.
En réalité, rien ne peut s'échapper d'un trou noir, ce qui inclut
aussi la radiation lumineuse. Mais lors de l'absorption massive de
gaz, de poussières ou d'une étoile entière, un disque d'accrétion
peut apparaître à proximité de l'horizon des évènements, nom donné à
la limite au-delà de laquelle le point de non-retour est atteint.
Ces disques d'accrétion peuvent émettre des flux de plasma appelés
jets relativistes, dont les particules peuvent traverser une galaxie
entière à une température avoisinant les 10 millions de degrés.
Cette température infernale peut alors provoquer des émissions
lumineuses extrêmement puissantes au niveau du disque d'accrétion,
et ce sont ces "flashes" de lumière visible, dont la durée était de
quelque 100 secondes à 2,5 heures, que l'équipe de Kimura a observés
durant deux semaines en provenance de V404 Cygni. Certains d'entre
eux étaient tellement brillants qu'ils auraient sans peine pu être
visibles au moyen d'un simple télescope d'amateur de 20 centimètres.
Dans sa publication dans la revue Nature, l'équipe de Mariko Kimura
suggère que la puissante émission en rayonnement X provenant du
centre du disque d'accrétion ont irradié et réchauffé la partie
externe du disque, provoquant l'émission de rayonnement dans le
domaine visible. Une hypothèse qui reste à confirmer, cependant
notre compréhension des trous noirs pourrait progresser si de
nouveaux moyens d'observation s'ajoutent à ceux que l'on possède
déjà. La lumière visible, qui semblait jusqu'ici écartée, est l'un
d'entre eux.
Quel astronome amateur aura la chance de graver son nom au panthéon
des observateurs les plus célèbres pour avoir été le premier à
capturer l'image d'un trou noir ?
Jean Etienne
Source principale :
Repetitive patterns in rapid optical
variations in the nearby black-hole binary V404 Cygni
(Nature 529, 54–58 (7 janvier 2016) doi : 10.1038/nature16452).
|