15 novembre 2019

 

L'étonnant pont géant de Léonard de Vinci

 
Beaucoup l'ignorent, mais le pont géant dont Léonard de Vinci avait dressé les plans il y a 500 ans, s'il avait été réalisé, aurait pu être considéré comme la huitième merveille du monde.

Génie universel et précurseur, Léonard de Vinci a produit de nombreux plans de machines ou d'appareils dans de nombreuses disciplines dont beaucoup n'ont pu être réalisés de son vivant, faute d'une technologie suffisamment élaborée. Mais l'un des plus spectaculaires est aussi l'un des plus ignorés : le pont de Constantinople.

En 1502, Bayezid II, huitième sultan Ottoman, sollicita auprès des architectes des propositions pour la construction d'un pont qui aurait relié Constantinople, l'actuelle Istanbul, à la région voisine de Galata, de l'autre côté du détroit reliant la Mer Noire au bassin méditerranéen. Da Vinci était l'un de ceux qui avaient répondu à cet appel.

Le pont proposé aurait atteint une longueur de 280 mètres, ce qui paraît peu aujourd'hui, pourtant il se serait agi d'un record du monde pour l'époque. Mais l'exploit n'est pas là. Alors que les ponts étaient alors conçus de plein cintre et qu'une telle longueur aurait nécessité au moins dix piliers pour en supporter le poids, la conception de Da Vinci consistait en une seule arche, aplatie au sommet, suffisamment grande pour permettre à n'importe quel voilier de passer au-dessous. Et un autre détail laisse pantois, pour ne pas dire incrédule : le grand ingénieur n'avait prévu aucun liant, aucun ciment pour assembler les pierres (seul matériau de construction suffisamment solide connu à l'époque), le tout devant tenir par la seule force de pression et de gravitation.
 

 

 
Dessin original de Leonard de Vinci, et projection par les chercheurs du MIT. Crédit : MIT.
 

Le projet de Da Vinci n'ayant pas été retenu, le pont n'a jamais été construit. Mais aurait-il été possible ? Pour le déterminer, une équipe du MIT (Massachussetts Institute of Technology) a entrepris d'en construire une maquette en tout point fidèle, 500 fois plus petite que le véritable pont, mais réunissant les mêmes contraintes.

Pour cela, l'équipe, conduite par Karly Bast a imprimé en 3D 126 blocs afin de représenter les milliers de blocs de pierre que le pont d'origine aurait requis. Les chercheurs ont ensuite assemblé les éléments en les faisant reposer sur un échafaudage, sans les fixer entre eux. Puis lorsque la "clé de voûte" a été mise en place et l'échafaudage retiré, l'ensemble est parfaitement resté en place. "C'est le pouvoir de la géométrie, le pont tient par simple compression", s'enthousiasme Karly Bast.

Le plan de Da Vinci prévoyait aussi de reposer à ses deux extrémités sur des structures en culées en "V" destinées à le stabiliser face à des mouvements latéraux, probablement parce qu'il savait que la région était sujette aux tremblements de terre. Bast et son équipe ont donc construit la maquette entre deux plates-formes mobiles, et ont simulé ce qu'il se produirait lorsqu'elles s'écarteraient l'une de l'autre, comme cela peut aussi arriver lorsqu'une structure particulièrement lourde est construite sur un sol fragile. Le pont a parfaitement résisté au mouvement, même s'il s'est légèrement déformé après avoir été très étiré.

"Da Vinci a-t-il réalisé ce croquis à mains libre en une poignée de secondes, ou bien s'agit-il de quelque chose devant laquelle il s'est vraiment assis et à laquelle il a profondément réfléchi ? C'est bien difficile à savoir", se demande Blast. Mais une telle conception suggère qu'il a passé bien du temps à y réfléchir, se convainc la chercheuse. La seule chose dont on soit certain, c'est que ce pont, qui aurait été le plus long et le plus audacieux du monde à l'époque, aurait aussi été incroyablement solide.

Les conclusions de cette recherche ont été présentées lors d'une conférence de l'International Association for Shell and Spatial Structures (IASS) de Barcelone, et fera l'objet d'une future publication.

Jean Etienne

Source principale :

Engineers put Leonardo da Vinci's bridge design to the test. MIT (Massachussetts Institute of Technology), 10 octobre 2019. 

 

 
Karly Bast, étudiante en maîtrise en ingénierie, présente la maquette d'un pont conçu par Léonard de Vinci, qu'elle a utilisé avec ses collègues pour prouver la faisabilité de la conception. Crédit : Gretchen Ertl.
 

 
 
 
 

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