Dès que cette énigme est apparue, les
chercheurs se sont mis au travail pour tenter de l'expliquer. Ils
ont d'abord vérifié à plusieurs reprises la précision de
l'instrument SAM utilisé pour la mesure de la concentration des
composants de l'atmosphère martienne : le spectromètre de masse
quadripolaire. Mais celui-ci fonctionne de manière impeccable. Ils
ont ensuite envisagé que des molécules de CO2 ou d'eau (H2O)se
soient brisées dans l'atmosphère sous l'action du rayonnement
ultraviolet, entraînant une hausse du taux d'oxygène de courte
durée, mais il faudrait pour cela que la concentration en eau
au-dessus du cratère Gale soit cinq fois plus importante que ce qui
a été mesuré pour produire l'oxygène supplémentaire tel qu'il a été
constaté, et de toutes façons, le CO2 se dissocie beaucoup trop
lentement pour produire cet effet sur une aussi courte période. De
plus, qu'est-ce qui provoque la diminution de ce taux d'oxygène
ensuite ? Le rayonnement solaire aurait-il pu décomposer les
molécules d'oxygène en deux atomes qui se sont envolés dans
l'espace? Non, car il faudrait au moins dix années pour cela…
"Nous avons réellement du mal à expliquer
cela", assume Melissa Trainer, scientifique spécialiste en
sciences planétaires au Goddard Space Flight Center de la NASA à
Greenbelt, dans le Maryland, qui a dirigé cette étude. "Le fait
que le comportement de l'oxygène ne soit pas parfaitement
reproductible à chaque saison nous fait penser que ce n'est pas un
problème lié à la dynamique de l'atmosphère. Il doit s'agir d'une
source et d'un puits chimiques que nous ne pouvons pas encore
prendre en compte".
Pour les astronomes qui étudient la Planète
Rouge, l'énigme de l'oxygène présente d'étranges similitudes avec le
comportement du méthane. Celui-ci est constamment présent dans l'air
à l'intérieur du cratère Gale en quantité tellement réduite
(0,00000004% en moyenne) qu'il est à peine perceptible, même par les
instruments les plus sensibles sur Mars. Pourtant, il a été mesuré
par le spectromètre laser accordable de SAM. L'instrument a révélé
que, même si le méthane augmente et diminue de manière saisonnière,
son abondance augmente d'environ 60% pendant les mois d'été pour des
raisons inexplicables, mais aussi de manière aléatoire et parfois
spectaculaire, pour une raison tout aussi inexpliquée. En tout état
de cause, au moins occasionnellement, les deux gaz semblent fluctuer
en tandem…
Aussi bien l'oxygène que le méthane peuvent
être produits aussi bien biologiquement (par des microorganismes)
qu'abiotiquement (par une chimie liée à l'eau et aux roches). Les
scientifiques étudient toutes les options, même s'ils ne disposent
d'aucune preuve convaincante de l'activité biologique sur Mars.
Curiosity ne dispose pas d’instruments permettant de déterminer de
manière définitive si la source de méthane ou d’oxygène sur Mars est
biologique ou géologique.
Un sol riche en oxygène, mais…
Après tout, la composition du sol martien est
connue pour être riche en oxygène, sous la forme de composés tels
que le peroxyde d'hydrogène et les perchlorates. Une expérience
conduite il y a plusieurs décennies que les atterrisseurs Viking
avait démontré que chaleur et humidité pouvaient libérer de
l'oxygène du sol, mais cette expérience s'était déroulée dans des
conditions assez différentes de l'environnement printanier martien,
et n'explique pas entre autres la chute du taux d'oxygène. Les
autres explications possibles ne correspondent pas non plus pour le
moment. Par exemple, une radiation du sol à haute énergie pourrait
produire un surplus d’oxygène dans l’air, mais il faudrait un
million d’années pour accumuler suffisamment d’oxygène dans le sol
pour rendre compte de l’augmentation mesurée en un seul printemps,
rapportent les chercheurs.
Jean Etienne
Sources principales :
With Mars Methane Mystery Unsolved, Curiosity
Serves Scientists a New One: Oxygen. Nasa, centre spatial Goddard,
12 novembre 2019.
Seasonal variations in atmospheric composition
as measured in Gale Crater, Mars. Advancing Earth and Space Science,
Geophysical Research : Planets, 12 novembre 2019.
|