25 mars 2019

 

Le lent voyage de Jupiter à travers le Système solaire révélé par les Troyens

 
Les planètes géantes gazeuses observées dans d'autres systèmes stellaires sont souvent situées très près de leur soleil, ce qui avait un moment laissé supposer qu'elles y avaient pris naissance avant de s'en éloigner progressivement. Une modélisation de la distribution des astéroïdes troyens de Jupiter démontre le processus inverse.

Une équipe de chercheurs de l'Université de Lund (Suède) et d'autres institutions ont effectué des simulations informatiques afin d'en apprendre davantage sur le parcours de Jupiter à travers notre Système solaire, depuis sa formation voici quelque 4,5 milliards d'années. A cette époque, ce qui allait devenir la géante gazeuse que l'on connaît venait de se former par accrétion de poussières cosmiques entourant notre jeune Soleil dans un disque de gaz et de particules, n'était pas plus grand que notre propre planète.

Actuellement, Jupiter est accompagnée dans sa course autour de notre étoile de deux groupes d'astéroïdes, dits "Troyens", qui partagent l'orbite de la planète aux alentours des points de Lagrange L4 et L5, soit 60° en avance ou en retard par rapport au Soleil. Au 30 mai 2018, 7031 Troyens étaient connus. Mais tandis que le point de Lagrange L4 en regroupe 4595, le point de Lagrange L5 n'en compte que 2436, à peu de chose près la moitié. Et on ne pouvait s'expliquer cette différence. C'est pourtant cette asymétrie qui est devenue la clé de la compréhension des chercheurs de la migration de Jupiter.
 

 

 
Position des astéroïdes troyens (L4 et L5) par rapport à Jupiter.
 
"Cette asymétrie a toujours été un mystère dans le système solaire", explique Anders Johansen, professeur d'astronomie à l'université de Lund. En effet, la communauté des chercheurs n’avait pas été en mesure d’expliquer pourquoi les deux groupes d’astéroïdes ne contiennent pas le même nombre d’astéroïdes. Cependant, Simona Pirani et Anders Johansen, ainsi que d'autres collègues, ont maintenant identifié la raison en recréant le cours des événements de la formation de Jupiter et la façon dont la planète s'est progressivement dessinée dans ses astéroïdes troyens.

Grâce à des simulations informatiques approfondies, les chercheurs ont calculé que l'asymétrie actuelle n'aurait pu se produire que si Jupiter s'était formé quatre fois plus loin dans le Système solaire, et avait ensuite migré vers sa position actuelle. Au cours de ce lent voyage, les forces de gravitation de la planète ont entraîné plus d'astéroïdes devant elle qu'en arrière.

Selon les calculs, la migration de Jupiter aurait duré environ 700.000 ans, soit environ 2 à 3 millions d'années après sa formation comme sous forme d'un astéroïde de glace, loin du Soleil. Son voyage vers l'intérieur du Système solaire a suivi une trajectoire en spirale durant laquelle la planète, tout en prenant du volume par accrétion de nombreux petits corps épars, se rapprochait progressivement de notre étoile. Cette trajectoire en spirale s'explique par les forces de gravitation des gaz environnants dans le Système solaire.

"C’est la première fois que nous pouvons prouver que Jupiter a été formée loin du soleil, puis a migré vers son orbite actuelle. Nous avons trouvé des preuves de la migration des astéroïdes troyens gravitant autour de Jupiter", explique Simona Pirani, doctorante l’astronomie à l’Université de Lund et l’auteure principale de l’étude.

Les simulations montrent en effet que les astéroïdes troyens ont été attirés par Jupiter alors que celle-ci n'était qu'une jeune planète sans atmosphère gazeuse, ce qui signifie que ceux-ci étaient probablement constituée de blocs de construction de composition similaire à ceux qui ont formé le noyau de la planète.

En 2021, la NASA lancera la sonde Lucy, qui se placera en orbite autour de six satellites troyens de Jupiter. Après une longue phase d'approche comprenant deux assistances gravitationnelles de la Terre, Lucy devrait successivement étudier les deux groupes d'astéroïdes troyens entre 2027 et 2033. "Nous pouvons en apprendre beaucoup sur le noyau et la formation de Jupiter en étudiant les astéroïdes Troyens", annonce Anders Johansen.

Les auteurs de l'étude suggèrent également que la géante gazeuse Saturne ainsi que Uranus et Neptune auraient pu migrer de la même manière.

Jean Etienne

Sources principales :

Forskare avslöjar Jupiters okända resa. Université de Lund, 22 mars 2019.
Consequences of planetary migration on the minor bodies of the early solar system. Astronomy & Astrophysics, 12 février 2019.
 

 

 
La sonde Lucy, de la NASA, dont le lancement est prévu pour 2021. Crédit : NASA.
 
 
 

 
Trajectoire prévue de la sonde Lucy. Crédit : NASA.
 

 

 
 
 

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