"Ce n'est pas tous les jours que l'on découvre
quelque chose de nouveau dans notre Système solaire", annonce Marc
Kuchner, astrophysicien au centre Goddard Space Flight Center de la
NASA à Greenbelt, dans le Maryland, "c'est presque sur le pas de
notre porte".
"Les scientifiques pensaient que Mercure,
contrairement à la Terre ou à Vénus, est trop petit et trop proche
du soleil pour capturer un anneau de poussière", a déclaré Guillermo
Stenborg, spécialiste du Soleil au laboratoire de recherche navale
de Washington . "Ils s’attendaient à ce que le vent solaire et les
forces magnétiques du soleil balayeraient tout excès de poussière
sur l’orbite de Mercure."
Mais Stenborg et ses collègues ont démenti
cette hypothèse en analysant les images transmises par STEREO-A,
l'un des deux satellites du programme
STEREO (Solar TErrestrial
RElations Observatory, ou Observatoire des relations Soleil-Terre),
en orbite autour de l'astre du jour depuis 2006. A l'origine, les
chercheurs ont créé un modèle basé sur ces photos dans le but
d'occulter les traces de poussières qui y étaient présentes, et qui
pouvaient compliquer la compréhension des données collectées non
seulement par STEREO, mais aussi par
Parker Solar Probe récemment
lancée par la NASA, ainsi que par d'autres programmes d'observation
du Soleil.
Et… surprise ! Lorsque le modèle a été
appliqué à l'ensemble de l'imagerie STEREO, les astronomes ont
trouvé beaucoup plus de poussières qu'escompté.
"Il ne s'agissait pas d'une observation
localisée", déclare le co-auteur de l'étude Russell Howard,
également spécialiste de l'énergie solaire au Laboratoire de
recherche navale. "Tout autour du Soleil, quelle que soit la
position de la sonde, nous pouvions constater la même augmentation
de 5% de la luminosité, ou de la densité de la poussière. Il y avait
donc bien quelque chose là-bas, et un quelque chose qui s'étend tout
autour du Soleil."
L'équipe de recherche a calculé que l'anneau
de poussière s'étendait sur une largeur d'environ 15 millions de
kilomètres.
Une population d'astéroïdes inconnue ?
Vénus, quant à elle, entraîne un anneau de
poussières moins large, environ 10 millions de kilomètres, mais plus
épais. Cependant, ces formations sont très diffuses. A titre
d'exemple, la densité de l'anneau orbital de Vénus n'est que de 10%
supérieure à celle de l'espace environnant, et si toute la matière
qu'il contient était rassemblée, on obtiendrait un astéroïde de
seulement 3,2 kilomètres de diamètre.
Dans une étude séparée, Kuchner et son
compatriote astrophysicien du centre Goddard, Petr Pokorný, ont
cherché à comprendre l'origine de la poussière composant l'anneau
orbital de Vénus. Ils ont ainsi modélisé toutes les sources
potentielles auxquelles ils pouvaient penser : objets de la ceinture
d'astéroïdes principale entre la Terre et Mars (la principale source
de l'anneau entraîné par la Terre), comètes en provenance du nuage
d'Oort, comètes de la famille Jupiter, etc. Mais aucune ne
fonctionne, selon les chercheurs.
De simulation en simulation, les scientifiques
ont finalement identifié le coupable présumé : une population
d'astéroïdes inconnus s'étant introduits en orbite solaire dans la
trajectoire de Vénus. Encore fallait-il pouvoir le démontrer.
Le duo de chercheurs a donc construit un autre
modèle, qui suit une population de 10.000 astéroïdes hypothétiques
dans l'orbite de Vénus à travers 4,5 milliards d'années d'histoire
du Système solaire. Dans cette simulation, environ 800 de ces roches
spatiales ont survécu jusqu'à aujourd'hui, ce qui suggère qu'une
telle population pourrait bien exister dans la trajectoire orbitale
de la planète sœur de la Terre.
Que de tels objets aient échappé à la
détection n'est pas surprenant. En effet, il est très difficile de
repérer les astéroïdes à l'intérieur de l'orbite terrestre, car ils
se perdent dans les reflets aveuglants su Soleil, expliquent les
chercheurs.
La prochaine étape consistera à identifier et
à observer ces astéroïdes insaisissables. "S'il y a quelque chose
là-bas, nous devrions pouvoir le trouver", a déclaré Pokorny. Leur
existence pourrait être vérifiée avec des télescopes spatiaux comme
Hubble, ou peut-être des imageurs spatiaux interplanétaires
semblables à ceux de STEREO. Les scientifiques devront ensuite
répondre à d'autres questions : combien y en a-t-il et quelle est
leur taille ? Est-ce qu'ils perdent continuellement de la poussière
ou n'y a-t-il eu qu'un seul événement de dissolution ?
Jean Etienne
Sources principales :
Evidence for a Circumsolar Dust Ring Near
Mercury's Orbit. The Astrophysical Journal Letters, 21 novembre
2018.
Co-orbital Asteroids as the Source of Venus's
Zodiacal Dust Ring. The Astrophysical Journal Letters, 12 mars 2019.
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