16 mars 2019

 

Certains virus dormants se réactivent pendant les vols spatiaux

 
Si une maladie virale peut se déclencher à tout moment, l'être humain est aussi porteur sain de nombreux virus, comme ceux de l'herpès. Une étude de la NASA révèle que ceux-ci sont réactivés chez plus de la moitié des astronautes participant aux missions de la navette spatiale et de la Station Spatiale Internationale.

Afin d'étudier l'impact physiologique des vols spatiaux, le Dr. Satish K. Mehta du Johnson Space Center de la NASA et ses collègues analysent régulièrement des échantillons de salive, de sang et d'urine prélevés sur des astronautes avant, pendant et après les vols spatiaux. L'équipe a ainsi mis en évidence le fait que certains virus "dormants" se réactivent durant un vol spatial, même si seule une petite proportion développe des symptômes, ce qui pourrait néanmoins représenter un risque important pour la santé lors de missions vers Mars et au-delà.

"Les astronautes de la NASA endurent pendant des semaines, voire des mois, l'exposition à la microgravité et aux radiations cosmiques, sans parler des forces G extrêmes subies lors du décollage et de la rentrée", explique le Dr Satish K. Mehta. "Ce défi physique est aggravé par des facteurs de stress plus connus, tels que la séparation sociale, l'isolement et un cycle veille-sommeil modifié."

"Durant les vols spatiaux, la sécrétion d'hormones du stress telles que le cortisol et l'adrénaline, qui sont connues pour atténuer les effets du système immunitaire, est en augmentation. Par conséquent, nous constatons que les cellules immunitaires des astronautes, en particulier celles qui combattent et éliminent normalement les virus, deviennent moins efficaces durant la mission, et parfois jusqu'à 60 jours après leur retour au sol."

 
Reconstruction en 3D du virus HSV-1

Le Dr Satish K. Mehta compare cette période à une sorte d'amnistie, durant laquelle les virus en sommeil peuvent se réactiver et refaire surface.

"À ce jour, 47 astronautes sur 53 (53%) effectuant des vols de navette spatiale courts et 14 sur 23 (61%) sur des missions plus longues de la Station Spatiale Internationale ont éliminé le virus de l'herpès dans leurs échantillons de salive ou d'urine", rapporte Mehta. "Ces fréquences, ainsi que la quantité, de l'excrétion virale sont nettement plus élevées que dans les échantillons prélevés avant ou après le vol, ou chez les témoins en bonne santé" annonce le chercheur, en précisant que "l'ampleur, la fréquence et la durée de l'excrétion virale augmentent toutes avec la durée du vol spatial."

Dans l’ensemble, quatre des huit virus de l’herpès humain connus ont été détectés. Celles-ci incluent les variétés responsables de l'herpès oral et génital (HSV), de la varicelle et du zona (VZV) - qui restent toute la vie dans nos cellules nerveuses - ainsi que le CMV et l'EBV, qui résident de manière permanente mais sans incident dans nos cellules immunitaires pendant l'enfance. Les virus CMV et EBV sont deux virus associés à différentes souches de mononucléose, surnommée "maladie du baiser".

Bien que généralement asymptomatique, six astronautes ont jusqu'à présent développé des symptômes mineurs induits par cette réactivation virale, sans gravité. Cependant, la poursuite de l'excrétion du virus après le vol pourrait mettre en danger les contacts immunodéprimés ou non infectés sur Terre, comme les nouveau-nés.

Selon Mehta, , le risque que la réactivation du virus de l'herpès pose pour les astronautes et leurs contacts peut devenir plus crucial, et la mise au point de contre-mesures contre la réactivation virale est essentielle au succès des missions humaines dans l'espace lointain au-delà de la Lune et de Mars.

Bien que le contre-mesure idéale soit la vaccination des astronautes, celle-ci n'est actuellement efficace que contre le virus de l'herpès de type VZV, et les chercheurs s'orientent plutôt vers la mise au point de schémas thérapeutiques ciblés pour les personnes souffrant des conséquences de la réactivation virale.

"Cette recherche présente également une pertinence clinique considérable pour les patients sur Terre. Déjà, nos technologies développées par des vols spatiaux pour la détection rapide de virus dans la salive ont été utilisées dans des cliniques et des hôpitaux du monde entier", annonce Mehta.

Jean Etienne

Source principale :

Herpes Virus Reactivation in Astronauts During Spaceflight and Its Application on Earth. Frontier in Microbiology, 7 février 2019. Etude complète. 

 

 
Répartition en pourcentage des astronautes libérant le VZV, EBV et CMV à différentes périodes de leur mission, et après des vols spatiaux de courte ou longue durée. Des échantillons de salive et d'urine ont été prélevés sur 112 astronautes (89 de courte durée et 23 de longue durée) avant, pendant et après le vol spatial. La salive a été analysée pour le virus Epstein-Barr (EBV) et le virus varicelle-zona (VZV), et l'urine a été analysée pour le cytomegalovirus CMV par dosage PCR en temps réel. Crédit : NASA.
Cliquer sur l'image pour agrandir.
 
 
 

 
Un instant unique : 13 astronautes sont réunis à bord du laboratoire japonais Kibo de la Station Spatiale Internationale le 14 avril 2010, soit les membres d'équipage de la navette Discovery (STS-131) et d'Expedition 23 de l'ISS. Crédit : NASA. Cliquer sur l'image pour agrandir.
 

 

 
 
 

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