Les trous noirs sont des objets cosmiques
extraordinaires aux masses énormes mais aux dimensions extrêmement
compactes. La présence de ces objets affecte leur environnement de
manière extrême, déformant l'espace-temps et surchauffant les
matériaux environnants. "S'ils sont immergés dans une région
claire, comme un disque de gaz étincelant, nous nous attendons à ce
qu'un trou noir crée une région sombre semblable à une ombre - ce
que la relativité générale d'Einstein avait prédit, ce que nous
n'avions encore jamais vu", annonce Heino Falcke de l'Université
Radboud, Pays-Bas, et conseiller scientifique du programme EHT. "Cette
ombre, causée par la flexion gravitationnelle et la capture de la
lumière par l'horizon des événements, en dit long sur la nature de
ces objets fascinants et nous a permis de mesurer la masse énorme du
trou noir de M87."
Plusieurs méthodes de calibration et
d'imagerie ont révélé une structure en anneau avec une région
centrale sombre - l'ombre du trou noir - qui persistait au cours de
plusieurs observations EHT indépendantes. "Une fois que nous
étions sûrs d'avoir imagé l'ombre, nous pouvions comparer nos
observations à de vastes modèles informatiques incluant la physique
de l'espace déformé, la matière surchauffée et les champs
magnétiques puissants. De nombreuses caractéristiques de l'image
observée correspondent étonnamment bien à notre représentation
théorique", remarque Paul TP Ho, membre du conseil
d'administration de l'EHT et directeur de l'Observatoire d'Asie de
l'Est. "Cela nous rend confiants quant à l'interprétation de nos
observations, y compris notre estimation de la masse du trou noir."
Créer l'ISE était un défi de taille qui
nécessitait la mise à niveau et la connexion d'un réseau mondial de
huit télescopes préexistants déployés sur divers sites difficiles
d'accès à haute altitude. Ces sites comprenaient des volcans à
Hawaii et au Mexique, des montagnes en Arizona et la Sierra Nevada
espagnole, le désert d’Atacama au Chili et l’Antarctique.
Pourquoi observer l’horizon des évènements
d’un trou noir ?
Relativité générale et mécanique quantique se
combinent forcément dans une théorie fondamentale unifiée, qui n'a
pas encore été découverte. Et le seul endroit actuellement identifié
où cette unification est observable se situe précisément dans
l'horizon des évènements, entre le trou noir lui-même, où la
relativité générale ne fonctionne pas, et l'espace environnement,
qui y est soumis tout comme nous. Savoir jusqu'où exactement
fonctionne la relativité générale, et éventuellement ce qui se passe
ensuite, pourrait faire faire un bond de géant dans la connaissance
de la matière et de l'Univers.
Certes, le télescope Event Horizon n’est pas
uniquement conçu pour avoir une image qui va faire le tour du monde,
mais pour déterminer la forme et la dimension de cet horizon, dont
on sait qu'elles ont des effets très importants sur la masse et le
spin du trou noir.
Un autre objectif est d’étudier la physique de
l’accrétion qui est le processus par lequel le trou noir attire la
matière avoisinante. On sait que le trou noir est entouré d'un
anneau de matière en rotation autour de l'horizon des évènements,
nommé disque d'accrétion, et les scientifiques veulent comprendre le
début et le comportement des grands jets de plasma qui sont lancés
par les trous noirs au centre de la plupart des galaxies.
Un autre défi sera, grâce à cette image et son
interprétation, de vérifier l'hypothèse connue sous le nom de
"paradoxe de l'information", émise par Stephen Hawking, selon
laquelle la matière qui tombe dans le trou noir ne peut pas être
définitivement perdue et qu’elle fuite d’une manière ou d’une autre.
Jean
Etienne
Source principale :
First M87 Event Horizon Telescope Results. The Astrophysical
Journal Letters, 10 avril 2019.
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