8 mars 2019

 

Clap de fin pour la nébuleuse Eta Carinae, dite "l'Homuncule"

 
L'aussi superbe que légendaire nébuleuse entourant l'étoile Eta Carinae, sur laquelle convergent bien des télescopes amateurs comme professionnels de l'hémisphère sud, disparaîtra bientôt. Du moins, à notre regard…

La nature si particulière de l'étoile a été découverte en 1847, lorsqu'une gigantesque éruption en a éjecté une énorme masse de gaz qui ont pris la forme bien caractéristique appelée l'Homuncule (le petit homme). Eta Carinae est alors devenue la deuxième étoile la plus brillante dans le ciel, après Sitius. Visible même en plein jour avec un instrument adéquat, elle est facile à distinguer des autres "variables bleues" de la même catégorie, dont elle constitue le modèle.

 

 
La nébuleuse Eta Carinae. Cliquer sur l'image pour agrandir. Crédit : Hubble.
 

Mais en plus de faire d’Eta Carinae l’un des astres les plus majestueux et les plus photographiés du ciel nocturne, la nébuleuse de l’Homoncule renferme de l’information sur son étoile mère, aussi bien sur l’énergie responsable de son expansion que sur sa structure bipolaire et sa composition chimique.

Pourtant, la nébuleuse se soustraira à nos regards d'ici un petit quart de siècle...

Une récente étude rédigée par l'astronome brésilien Augusto Damineli et ses collaborateurs de l'Université de Montréal, suggère en effet que l’Homoncule sera occulté par l’augmentation de la luminosité d’Eta Carinae elle-même. En cause, la rapide courbe de croissance de l'étoile, qui en 2036, apparaîtra dix fois plus brillante que la nébuleuse, ce qui ne permettra plus de la distinguer des autres étoiles variables lumineuses bleues.

Dans ce travail, la courbe de luminosité, depuis l'ultraviolet jusqu'au proche infrarouge, est analysée à l'aide d'observations au moyen du télescope spatial Hubble, ainsi que d'une surveillance intense à l'observatoire de La Plata, combinées à une photométrie publiée antérieurement. "Nous avons développé une méthode permettant de séparer l'objet stellaire central dans les images au sol en utilisant la photométrie HST et en l'appliquant aux données au sol plus nombreuses, ce qui conforte l'hypothèse selon laquelle la source centrale s'éclaircit plus rapidement que l'Homuncule, qui lui, reste presque constant", cite l'article.

L'analyse de la courbe de lumière ne montrant aucune preuve d'une éjection supplémentaire de matière, il est vraisemblable que l'augmentation de la luminosité du noyau stellaire est dû à la dissipation d'une masse poussiéreuse située devant l'étoile centrale, qui agit comme un coronographe naturel. Cette dernière semble donc être beaucoup plus stable qu'on le pensait, puisque sa variabilité apparente n'est pas intrinsèque à l'étoile.

L'équipe de scientifiques prévoit que la phase d’éclaircissement, due principalement à la dissipation de la poussière, s’achèvera vers 2032 (+/- 4 ans).

Il y a pourtant un bon côté à ce changement

D’ici 2032, le nuage occultant sera dissipé, de sorte que l'éclat de l'étoile centrale n'augmentera plus, mais submergera l’Homoncule lui-même, estiment les chercheurs. Ce qui permettra de réaliser des études plus approfondies sur Eta Carinae elle-même, et même de démontrer qu’il ne s’agit pas d’une, mais de deux étoiles. "Cet astre unique a récemment fait l’objet de plusieurs révélations, mais il s’agit là d’une des découvertes les plus importantes", explique Anthony Moffat. "Cela pourrait enfin nous permettre d’étudier la véritable nature de la région centrale de l’étoile et même de démontrer qu’il s’agit d’un système binaire dans lequel deux étoiles gigantesques interagissent."

Jean Etienne

Sources principales :

Distinguishing Circumstellar from Stellar Photometric Variability in Eta Carinae. Université Cornell, 4 janvier 2019.
Goodbye to a beauty in the night sky. Université de Montréal, 29 janvier 2019.

Etude complète en PDF, à télécharger ici.
 

 

 
Evolution d'Eta Carinae d'ici 2034 (+/- 4 ans). Crédit : Université de Montréal.
 

 

 
 
 

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