3 avril 2019

 

La matière noire n'est pas constituée de trous noirs primordiaux

 
L'hypothèse selon laquelle la matière noire pourrait être constituée de micro-trous noirs apparus très peu de temps après le Big Bang et répandus à travers l'Univers vient d'être formellement démentie par une nouvelle expérience conduite au moyen du télescope Subaru, à Hawaii.

Selon le regretté Stephen Hawking, l'espace intergalactique pourrait être parsemé de micro-trous noirs, dits aussi trous noirs primordiaux. Ceux-ci se seraient formés non par l'effondrement gravitationnel d'une étoile, mais suite à la présence de régions extrêmement denses de l'Univers primitif. En effet, dans les premiers instants qui ont suivi le Big Bang, la pression et la température étaient si élevées que de simples fluctuations de la matière auraient suffi pour amorcer un effondrement gravitationnel très rapide. Alors que les régions de haute densité étaient dispersées par l'explosion, ces trous noirs primordiaux de moins de un dixième de millimètre de diamètre seraient restés stables, et devraient être encore présents aujourd'hui.

Selon une théorie, ces trous noirs primordiaux, par définition invisibles à nos instruments, pourraient constituer une partie, voire la totalité, de la matière noire constituant 85% de l'Univers, et échappant encore à l'observation.

Une équipe internationale de chercheurs, dirigée par le chercheur principal Masahiro Takada de l'institut Kavli pour la physique et les mathématiques de l'univers, le professeur Naoki Yasuda, candidat au doctorat, et des chercheurs du Japon, de l'Inde et des États-Unis, ont imaginé d'utiliser l'effet de lentille gravitationnelle afin de démontrer l'existence de ces trous noirs primordiaux dans l'espace intergalactique, précisément entre la galaxie d'Andromède et la Terre.
 

 

 

La lentille gravitationnelle, un effet suggéré pour la première fois par Albert Einstein, se manifeste par le fléchissement de la trajectoire des rayons lumineux provenant d'un objet lointain en raison l'unfluence par effet de gravitation d'un objet massif intermédiaire tel qu'un trou noir. Dans les cas les plus extrêmes, ce fléchissement, agissant comme une loupe, fait apparaître l'étoile d'arrière-plan beaucou plus brillante qu'elle n'est réellement.

Cependant, l'effet de lentille gravitationnelle recherché reste un évènement très rare, car il nécessite à la fois une étoile dans la galaxie d'Andromède, un trou noir primordial et un observateur sur Terre, le tout parfaitement aligné. Afin de maximiser les chances dans leur observation, les chercheurs ont mis à contribution la caméra numérique Hyper Suprime-Cam installée au foyer du télescope Subaru, à Hawaii, qui permet de capturer en une seule image à très haute résolution l'ensemble de la galaxie d'Andromède.

En tenant compte de la rapidité avec laquelle les trous noirs primordiaux devraient se déplacer dans l'espace interstellaire, l'équipe a pris plusieurs séries images afin de capturer le scintillement d'une étoile alors que sa luminosité augmentait puis se réduisait durant une période pouvant aller de quelques minutes à quelques heures en raison de l'interposition d'une lentille gravitationnelle.

A partir d'une série de 190 images consécutives de la galaxie d'Andromède saisies pendant une période ininterrompue de sept heures au cours d'une nuit particulièrement claire, l'équipe a exploré les données à le recherche de tels évènements. Statistiquement, il était estimé que les images auraient alors dû révéler environ 1000 passages de lentille gravitationnelle devant une étoile. Mais après un examen méticuleux, un seul cas a pu être identifié, un résultat qui démontre que les trous noirs primordiaux ne peuvent représenter plus de 0,1% de la totalité de la matière noire.

Moralité : si on ignore toujours de quoi est constituée la matière noire, on sait désormais un peu plus… ce qu'elle n'est pas.

Jean Etienne

Sources principales :

Microlensing constraints on primordial black holes with Subaru/HSC Andromeda observations. Nature Astronomy, 1er avril 2019.
Subaru Telescope helps determine that dark matter is not made up of tiny primordial black holes. Kavli Institute for the Physics and Mathematics of the Universe (Kavli IPMU), 2 avril 2019.
 
 

 

 
Lorsque le télescope Subaru sur Terre examine la galaxie d’Andromède, une étoile appartenant à la galaxie d'Andromède deviendra beaucoup plus lumineuse si un trou noir primordial passe devant elle. À mesure que le trou noir primordial continue à se désaligner, l'étoile deviendra également plus sombre (reviendra à sa luminosité d'origine). Crédit : Kavli IPMU. Cliquer sur l'image pour agrandir.
 
 
 

 
Données de l'étoile montrant des caractéristiques d'agrandissement par une lentille potentielle gravitationnelle, éventuellement par un trou noir primordial. Environ 4 heures après le début de la prise de données sur le télescope Subaru, une étoile a commencé à briller plus fort. Moins d’une heure plus tard, l’étoile atteignait sa luminosité maximale avant de s’atténuer. Crédit : Niikura et al.
 

 

 
 
 

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