23 mai 2019

 

Un monstre galactique né de deux étoiles mortes

 
Deux étoiles mortes depuis probablement plusieurs milliards d'années sont entrées en contact et ont fusionné, entraînant un redémarrage de leur fournaise nucléaire et la naissance d'un nouvel astre d'une énorme puissance de rayonnement.

Au moyen des images produites par le télescope spatial WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer) de la NASA, une équipe d'astronomes de l'Université de Moscou a découvert une nébuleuse gazeuse comportant une étoile brillante en son centre. Mais curieusement, celle-ci émettait presque exclusivement du rayonnement infrarouge, et aucune lumière visible. "Nos collègues à Moscou ont réalisé que cela plaidait déjà pour une origine inhabituelle", explique le Dr Götz Gräfener de l'Institut Argelander pour l'astronomie (AIfA) de l'Université de Bonn.

Les chercheurs de l'Université de Bonn ont alors analysé le spectre de l'étoile et ont démontré que l'énigmatique objet céleste ne contenait ni hydrogène ni hélium, une caractéristique typique des naines blanches.
 

 

 
Images infrarouges WISE de la nébuleuse correspondant à différentes échelles d'intensité. L'étoile est représentée par le cercle au centre. Crédit : NASA.
 

Vie et mort d'une étoile

Les étoiles comme notre Soleil génèrent leur énergie par la fusion nucléaire de l'hydrogène. Lorsque cet hydrogène est consommé, la réaction se poursuit par la fusion de l'hélium. Cependant, la masse de ce type d'étoile est insuffisante pour produire la température nécessaire à la fusion d'éléments plus lourds. Hydrogène et hélium entièrement consommés, le processus s'arrête et l'étoile se refroidit pour se transformer en une naine blanche, qui s'éteindra ensuite par manque de combustible.

Habituellement, la vie d'une étoile de ce type est terminée à ce stade. Mais pas pour J005311 - c’est ainsi que les scientifiques ont baptisé leur nouvelle découverte dans la constellation de Cassiopée, à 10.000 années-lumière de la Terre. "Nous supposons que deux naines blanches se sont formées à proximité l'une de l'autre il y a plusieurs milliards d'années", explique le professeur Norbert Langer d'AIfa. "Elles se sont placées en orbite l'une autour de l'autre, engendrant des distorsions dans l'espace-temps que nous appelons des ondes gravitationnelles. Ce faisant, elles ont perdu de leur énergie. En retour, la distance qui les séparait s'est de plus en plus réduite, jusqu'à ce qu'elles fusionnent."

A partir de ce moment, la masse du nouvel astre était devenue suffisante pour amorcer la fusion d'éléments plus lourds que l'hydrogène ou l'hélium, et la fournaise stellaire s'est rallumée : l'étoile a ressuscité d'entre les morts. "Un tel événement est extrêmement rare", souligne Gräfener. "Il n'y a probablement même pas une demi-douzaine d'objets de ce type dans toute notre galaxie, la Voie Lactée, et nous en avons découvert un."

Toutes les données convergent vers cette hypothèse

Même si cette observation résulte d'un coup de chance extraordinaire et si son interprétation reste à confirmer, les chercheurs sont convaincus de leur hypothèse.

D'une part, l'étoile au centre de la nébuleuse gazeuse est 40.000 fois plus brillante que notre Soleil, et beaucoup plus brillante qu'une naine blanche. En outre, son spectre indique que J005311 produit un vent stellaire extrêmement fort - il s'agit du flot de matière qui émane de la surface stellaire, généré par le processus de fusion. Seulement, avec une vitesse mesurée de 16.000 kilomètres par seconde, le vent de J005311 est si rapide que ce facteur à lui seul ne suffit pas à l'expliquer. Cependant, les naines blanches fusionnées devraient avoir un très fort champ magnétique tournant. "Nos simulations montrent que ce champ agit comme une turbine, ce qui accélère encore plus le vent stellaire", déclare Gräfener.

Une étoile en fin de vie...

Malheureusement, la résurgence de J005311 ne durera pas longtemps. Dans seulement quelques milliers d'années, l'étoile aura transformé tous les éléments en fer et s'estompera à nouveau. Les processus de fusion ayant entraîné une augmentation de sa masse de l'ordre de 1,4 fois celle du Soleil, l'étoile subira un destin exceptionnel : sa puissance de rayonnement ne suffisant plus à équilibrer sa force de gravitation, elle s'effondrera brutalement sur elle-même. Dans le même temps, les électrons et les protons qui constituent sa matière fusionneront en neutrons, ce qui produira une supernova dont la résultante sera une nouvelle étoile à neutrons, un astre de seulement quelques kilomètres de diamètre, mais plus lourd que l'ensemble de notre Système solaire.

Jean Etienne

Sources principales :

A massive white-dwarf merger product before final collapse. Nature, 20 mai 2019.
Stellar Waltz With Dramatic Ending. SpaceRef, 22 mai 2019.
 

 

 
Images infrarouges WISE de 22 microns à différentes échelles d'intensité (panneaux a et b) comparées à une image optique IPHAS H alpha où la nébuleuse n'est pas visible (panneau c). Crédit : NASA.
Cliquer sur l'image pour agrandir.
 
 
 

 
Crédit : NASA.
 

 

 
 
 

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