10 mai 2019

 

Peut-il encore y avoir de la vie sur Mars aujourd'hui ?

 
La recherche de la vie sur Mars ne devrait pas se concentrer exclusivement sur le passé lointain, affirment certains chercheurs, convaincus que dans un lointain passé, la planète Mars devrait être considérée comme un "berceau" encore plus favorable à l'apparition de la vie que ne l'était la Terre. De même, ils estiment que sa présence sur notre propre planète pourrait avoir une origine martienne, arrivée il y a longtemps au sein de roches projetées dans l'espace suite à un impact.

Sur Mars, les conditions ont drastiquement changé lors de la disparition du champ magnétique de la planète voici quelque 3,7 milliards d'années, selon les observations de la sonde MAVEN de la NASA. En effet, les particules chargées provenant du Soleil ont alors pu littéralement balayer l'atmosphère martienne jadis très épaisse, transformant la Planète rouge en un monde froid et sec tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Une tournure peut-être pas si dramatique pour la vie

Cependant, ce changement drastique de l'environnement ne signifie pas nécessairement que Mars soit devenue une planète morte. "Si Mars a abrité la vie il y a 4 milliards d'années, Mars abrite encore la vie", déclare Michael Finnery, cofondateur de The Genome Partnership, une organisation à but non lucratif qui gère les progrès du génome. "Donc, s'il y avait eu de la vie sur Mars, elle aurait peut-être bougé, elle s'est peut-être cachée un peu, mais elle est probablement toujours là", a insisté Finney le mois dernier lors d'une table ronde tenue à la conférence Breakthrough Disc à l'Université de Californie (Berkeley).
 

 

 
Valles Marineris (latin signifiant « les vallées de Mariner », en l'honneur de Mariner 9) est un vaste système de canyons à proximité de l'équateur de la planète Mars. Crédit : NASA.
 

Un des endroits les plus prometteurs pour la recherche de la vie est le sous-sol martien. Bien que la surface de la planète rouge ne contienne plus actuellement d'eau liquide, excepté peut-être, quelques écoulements temporaires le long de certaines pentes réchauffées par le Soleil, le sous-sol martien recèle probablement beaucoup de matière humide dans ses sables aquifères. Notamment, les observations de l'orbiteur européen Mars Express suggèrent qu'un grand lac pourrait se cacher sous le pôle sud de la planète rouge.

Comment détecter la vie ?

On pourrait comparer la situation à celle de notre propre planète. Ainsi, une mission extraterrestre pourrait aisément mettre en évidence une forme de vie terrestre rien qu'en scrutant notre atmosphère, et conclure que la Terre est habitée. Il n'existe pas de preuve aussi nette dans l'atmosphère martienne, mais les scientifiques ont récemment repéré des indices intrigants. Par exemple, le robot Curiosity de la NASA a traversé deux panaches de méthane à l'intérieur du cratère Gale (154 km de diamètre) qu'il explore depuis son arrivée en 2012. Il a également mis en évidence que les concentrations de méthane dans l'atmosphère martienne varient en fonction des cycles saisonniers. Plus de 90% du méthane atmosphérique terrestre étant produit par des microbes et autres organismes, il est donc possible que le gaz soit une signature de la vie martienne moderne.
 

 

 
Visualisation d'un dégagement de méthane dans l'atmosphère de Mars début 2009, pendant l'été de l'hémisphère nord martien. Crédit : NASA.
 

Cependant, les scientifiques restent circonspects sur le sujet. En effet, certains processus abiotiques peuvent également générer du méthane, comme la réaction provenant du contact d'eau chaude avec certains types de roches. Et même si le méthane observé sur Mars est biogénique, les créatures qui l'ont créé pourraient être mortes depuis longtemps. Les scientifiques n'écartent pas la possibilité que les panaches de méthane de la planète rouge proviennent de gaz piégé sous la surface depuis un temps indéterminé.

A la recherche de l'ADN

Deux nouvelles missions devraient décoller pour Mars en 2020, de la NASA et de l'ESA, dédiées à la recherche de signes d'une vie passée sur la Planète rouge. Mais certains chercheurs poussent à élargir la chasse à la vie martienne existante. L'un d'entre eux est le biologiste moléculaire Gary Ruvkun, basé à l'Hôpital général du Massachusetts et à la faculté de médecine de Harvard.

Ruvkun est l'un des trois principaux chercheurs du projet SETG (Search for Extra-Terrestrial Genomes), qui développe un instrument permettant de détecter la vie passée ou présente sur base de la détection d'ADN ou d'ARN sur Mars, mais aussi sur d'autres mondes extraterrestres. Celui-ci faisait aussi partie du groupe de discussion Breakthrough Discuter avec Finney et plusieurs autres chercheurs. Il a également prononcé un discours lors de la conférence, exposant les arguments en faveur de l’installation de l’instrument SETG sur les futurs rovers de Mars et autres explorateurs robotiques.

Le chercheur justifie cette orientation par l'hypothèse de la panspermie, qui suggère que la vie se soit largement répandue dans le Système solaire, et peut-être dans la galaxie, par des moyens naturels… ou même artificiels. En effet, s'il est parfaitement possible que la vie terrestre ait eu une origine étrangère, il y a de fortes chances pour qu'elle se soit épanouie de la même façon sur Mars. Ruvkun considère la panspermie comme très probable ; au cours de sa conférence, il s'est même décrit comme un "fanatique religieux" de cette idée. Ruvkun a cité comme preuve à l'appui l'émergence très précoce de l'ATP synthase, l'enzyme qui fabrique l'adénosine triphosphate, une molécule de stockage d'énergie.

L'ATP synthase est un complexe protéique enzymatique qui se trouve dans les crêtes mitochondriales, la membrane des thylakoïdes, et la membrane plasmique des bactéries et des archées. Le rôle de cette protéine membranaire est de synthétiser l'adénosine triphosphate (ATP) à partir du gradient électrochimique de protons entretenu par la chaîne respiratoire et d'adénosine diphosphate (ADP), ainsi que de phosphate inorganique, selon la réaction suivante :

ADP + Pi → ATP.

Les ATP synthases, parfois appelées « sphères pédonculées », constituent 15 % de la masse protéique de la membrane mitochondriale. Elles peuvent être considérés comme de véritables turbines (ou moteurs) moléculaires. Elles sont indispensables à la vie des organismes car l'ATP produit constitue la « monnaie énergétique » des cellules.

L'ATP synthase remonte à la base de l'arbre de la vie sur Terre, ce qui signifie que cette molécule complexe était déjà opérationnelle il y a environ 4 milliards d'années, a déclaré Ruvkun. "Ce n'est pas juste que la vie s'est mise à travailler," a-t-il déclaré. "C'est comme si cela devait entrer en action très rapidement, et c'est pourquoi la théorie de la panspermie est si attrayante." Si la panspermie se confirme, toutes les formes de vie que nous découvrirons sur Mars, ou n'importe où ailleurs dans notre Système solaire, seront probablement liées à nous, raisonnent Ruvkun et d'autres chercheurs. C'est-à-dire que de tels organismes utiliseront l'ADN ou l'ARN comme molécule génétique, ce qui devrait devenir la voie royale des généticiens dans la recherche de la vie extraterrestre. "Ce serait vraiment idiot de ne pas s'orienter dans la recherche d'ADN sur Mars", martèle Ruvkun.

Jean Etienne

Sources principales :

Could There Be Life on Mars Today ? Space.com, 9 mai 2019.
The 6 Most Likely Places to Find Alien Life. 16 mai 2012.
7 Biggest Mysteries of Mars. 18 mai 2016.
7 Theories on the Origin of Life. 24 mars 2016.
 

 

 
Mars. Crédit : NASA.
 

 

 
 
 

Retour

Commentez cet article dans le forum