L'intérêt d'une telle observation est énorme, car
il englobe tous les plus grands mystères de la physique actuelle :
ondes gravitationnelles, relativité générale, température et
accélération de particules infiniment plus énergétiques que celles
atteintes au Grand Collisionneur du CERN. C'est pourquoi des
chercheurs de l'Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec
l'Institut Paul Scherrer (PSI) de Villigen, l'Institut of High
Energy Physics de Pékin et le Centre National de la recherche
nucléaire de Swierk en Pologne, ont construit l'instrument POLAR,
envoyé en 2016 sur le laboratoire spatial Chinois Tiangong-2, afin
d'analyser les sursauts gamma.
Organisé ou chaotique ?
"Notre collaboration internationale a
construit et envoyé dans l'espace le premier détecteur
d'astroparticules POLAR, assez puissant pour mesurer la polarisation
des sursauts gamma et tenter d'en découvrir la source", explique
Xin Wu, professeur au Département de physique des particules de la
Faculté des sciences de l'UNIGE. Son système de fonctionnement est
simple. Il s'agit d'un carré de 50 x 50 cm2 constitué de
1600 barres de scintillateur qui permet de faire entrer en collision
des photons avec des atomes. Lorsqu'un photon percute une barre en
entrant dans POLAR, il expulse un deuxième photon qui provoque une
autre collision visible. "Si les photons sont polarisés, nous
observons une conformité de direction entre les deux impacts de
photons", poursuit Nicolas Produit, chercheur au département
d'astronomie de la Faculté des sciences de l'UNIGE. "Au
contraire, s'il n'y a pas de polarisation, le second photon issu de
la première collision partira dans n'importe quelle direction de
manière totalement aléatoire."
De l'ordre naît le chaos
En six mois d'observation, POLAR a détecté 55
sursauts et les scientifiques ont analysé les oscillations des 5
sursauts les plus brillants. Et les résultats sont pour le moins
surprenants. "Lorsqu'on analyse la polarisation d'un sursaut
gamma dans son ensemble, nous constatons une polarisation très
faible, ce qui favorise certaines théories", annonce Merlin
Kole, chercheur au Département de physique des particules de la
Faculté des sciences de l'UNIGE.
Mais face à ce premier résultat, les
scientifiques se sont penchés plus en détail sur un sursaut gamma
très puissant, qu'ils ont pu découper en tranches temporelles de
deux secondes. Et là, surprise ! Non seulement les photons
apparaissent très polarisés dans chaque tranche, mais en plus,
chaque tranche oscille dans une direction différente ! Ce qui
explique la vision globale du sursaut gamma très chaotique et peu
polarisé. "Ceci démontre que dans le processus de création d'un
trou noir, il y a des phases successives qui font évoluer la
direction de polarisation dans différentes positions, mais nous ne
savons pas encore pourquoi", continue Merlin Kole.
Ces premiers résultats confrontent les
théoriciens à de nouveaux éléments qu'ils devront intégrer dans
leurs projections, sévèrement remises en cause. "Nous voulons
également construire un POLAR-2, plus grand et plus précis, afin de
pouvoir encore creuser dans cette organisation chaotique des trous
noirs, pour enfin découvrir leur source et éclaircir les mystères de
cette physique très énergétique", explique Nicolas Produit.
Jean
Etienne
Sources principales :
Detailed
polarization measurements of the prompt emission of five gamma-ray
bursts. Nature Astronomy, 14 janvier 2019.
In-orbit instrument performance study and calibration for POLAR
polarization measurements. Nuclear Instruments and Methods
in Physics Research Section A n° 900, 21 août 2018.
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