28 janvier 2019

 

La plus ancienne roche terrestre découverte... sur la Lune !

 
Une équipe internationale de scientifiques vient de démontrer qu'un des échantillons lunaires ramenés par les astronautes de la mission Apollo 14 en 1971 était d'origine terrestre, et avait été arraché à notre planète suite à un violent impact de météorite il y a quatre milliards d'années.

Depuis plusieurs dizaines d'années déjà, les géologues avaient postulé que le seul moyen de découvrir des échantillons de roches terrestre de l'ère hadéenne, soit la période s'étendant de la formation de la Terre à l'apparition de la vie (4,5 milliards à 4 milliards d'années) serait de les rechercher sur la Lune. En effet, les mouvements et le constant brassage de la croûte terrestre font que plus rien ne se trouve dans son état d'origine, excepté certains fragments hypothétiques qui auraient pu être arrachés de notre planète et dont une partie aurait pu impacter la surface de notre satellite naturel, qui était alors trois fois plus proche de la Terre qu'aujourd'hui. La Lune, qui n'a jamais connu de mouvement tectonique, les conserverait ainsi indéfiniment.

Dirigé par le chercheur Jeremy Bellucci et le professeur Alexander Nemchin, les membres de l'équipe du Musée suédois d'histoire naturelle et de l'Université Curtin en Australie ont relevé le défi. Le résultat de leur enquête est un fragment de roche de 2 grammes composé de quartz, de feldspath et de zircon, des minéraux abondants sur Terre, mais très inhabituels sur la Lune. L'analyse chimique de l'échantillon montre qu'il s'est cristallisé dans un système oxydé de type terrestre, plutôt que dans les conditions de températures réductrices et plus élevées caractéristiques de la Lune.

"Il s'agit là d'une découverte extraordinaire, qui permet de brosser un meilleur tableau des débuts de la Terre et du bombardement qui a modifié notre planète à l'aube de l'apparition de la vie", a déclaré le Dr David A. Kring, chercheur principal du CLSE (Centre pour la science et l'exploration lunaires).
 

 

 
L'échantillon ramené par la mission Apollo 14. La flèche indique l'incrustation des cristaux de quartz feldspath et zircon ayant permis de conclure à une origine terrestre. Crédit : David A. Kring.
 

Il serait théoriquement possible que l'échantillon ne soit pas d'origine terrestre, mais qu'il se soit cristallisé sur la Lune. Toutefois, cette hypothèse ne résiste pas à l'analyse, car il serait alors nécessaire qu'il se soit formé à d'énormes profondeurs, dans le manteau lunaire, où des compositions rocheuses très différentes sont anticipées. Or il n'existe ni volcanisme ni tectonique des plaques sur notre satellite. Par conséquent, l'interprétation la plus simple est que l'échantillon provienne de la Terre.

Un scénario précis

Les résultats d'analyse fournis par les scientifiques donnent des détails supplémentaires sur l'historique de l'échantillon. La roche s'est cristallisée environ 20 kilomètres sous la surface de la Terre il y a 4,0 à 4,1 milliards d'années. Il a ensuite été excavé par un ou plusieurs évènements d'impacts importants et projeté dans l'espace. Des travaux précédents de la même équipe avaient démontré que les impacts d'astéroïde à cette époque pouvaient produire des cratères de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre sur la Terre, suffisamment profonds pour ramener à la surface des matériaux depuis ces profondeurs. Après avoir atteint la surface de la Lune, il a de nouveau été affecté par plusieurs autres événements d'impact, dont l'un l'a partiellement fondu il y a 3,9 milliards d'années et qui l'a probablement enterré sous la surface.

L'échantillon est donc le vestige d'une intense période de bombardements qui a façonné le système solaire au cours des premiers milliards d'années. Après cette phase, les impacts se sont faits moins violents et moins fréquents. L'évènement final s'est produit il y a environ 26 millions d'années, lorsqu'un petit astéroïde a percuté la Lune et produit le cratère de 340 mètres de diamètre en creusant la surface, où les astronautes de la mission Apollo 14 l'ont recueilli voici 48 ans.

Jean Etienne

Sources principales :

Terrestrial-like zircon in a clast from an Apollo 14 breccia. Earth and Planetary Science Letters, Volume 510, 15 March 2019, Pages 173-185 (à paraître).
Earth's Oldest Rock Found on the Moon ? SpaceRef, 24 janvier 2019.
Earth's oldest rock found on the Moon. Universities Space Research Association (USRA), 24 janvier 2019.
 

 

 
La Lune était beaucoup plus proche de la Terre qu’aujourd’hui lorsque le fragment de roche a été produit et éjecté de la Terre vers la Lune lors d’un événement important. Crédit : LPI / David A. Kring.
 

 

 
 
 

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