22 janvier 2019

 

Avons-nous identifié des "visiteurs" intergalactiques ?

 
Les astronomes connaissent une vingtaine d'étoiles dites "hypervéloces", animées d'une vitesse telle qu'elles pourraient un jour s'échapper de notre galaxie. Mais une nouvelle étude montre que la plupart d'entre elles se précipitent vers le centre galactique au lieu de s'en éloigner, et devraient ainsi provenir d'autres galaxies.

Les étoiles suivent un mouvement de rotation autour du centre galactique à une centaine de kilomètres par seconde, et leurs mouvements individuels fournissent une quantité d'informations sur l'histoire passée de notre Voie Lactée. Parmi ces étoiles, une vingtaine ont été qualifiées d'hypervéloces, atteignant ou dépassant les 1000 kilomètres par seconde. On pensait jusqu'ici qu'elles étaient apparues près du centre galactique, pour ensuite être projetées vers le bord de la Voie Lactée via des interactions avec le trou noir situé en son centre. C'était trop simple...

Gaia

Lancé le 19 décembre 2013, l'observatoire Gaia de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) avec pour mission de mesurer la position, la distance et le mouvement des étoiles, a permis d'en savoir plus sur ces astres atypiques; Et surprise, la plupart de ces étoiles hypervéloces ne s'éloignent pas du centre galactique, mais au contraire s'y précipitent !
 

 

 
Les sept étoiles en rouge s’éloignent de la galaxie et pourraient voyager assez vite pour éventuellement échapper à sa gravité. Étonnamment, l'étude a également révélé treize étoiles, indiquées en orange, qui se précipitent vers le centre de notre galaxie. Crédit : ESA - Marchetti et al. - Hubble.
 

"Sur les sept millions d'étoiles précisément étudiées par Gaia, nous en avions trouvé vingt qui pourraient voyager assez rapidement pour échapper à la Voie Lactée", explique Elena Maria Rossi, une des des auteures de l'étude basée à l'Université de Leiden (Pays-Bas). Cependant, "plutôt que de s'éloigner du centre galactique, la plupart des étoiles hypervéloces que nous avions identifiées semblent se précipiter vers lui", ajoute le co-auteur de l'étude Tommaso Marchetti. "Celles-ci pourraient être des étoiles originaires d'une autre galaxie, fonçant à travers la Voie Lactée."

Il est possible que ces intrus intergalactiques proviennent du Grand nuage de Magellan, une petite galaxie en orbite autour de la Voie lactée, ou qu'ils proviennent d'une galaxie encore plus éloignée. Si tel est le cas, ils portent l’empreinte de leur site d’origine, et les étudier à des distances beaucoup plus rapprochées que leur galaxie mère pourrait fournir des informations sans précédent sur la nature des étoiles dans une autre galaxie, ce que l'on pourrait comparer à une étude du matériel martien apporté à notre planète par certaines météorites.

"Les étoiles peuvent être accélérées à des vitesses élevées quand elles interagissent avec un trou noir supermassif", explique Elena Maria Rossi. "La présence de ces étoiles pourrait donc être le signe de tels trous noirs dans les galaxies voisines. Mais les étoiles ont peut-être aussi fait partie d'un système binaire, projetées vers la Voie lactée lorsque leur étoile compagnon a explosé en tant que supernova. De toute façon, les étudier pourrait nous en dire plus sur ce type de processus dans les galaxies voisines."

Une autre explication pourrait être que ces étoiles "sprinteuses" pourraient être natives du halo de notre galaxie, avant d'être accélérées et repoussées vers l'intérieur suite à des interactions avec l'une des galaxies naines tombées dans la Voie Lactée au cours de son histoire. Des informations complémentaires sur l'âge et la composition de ces étoiles pourraient aider les astronomes à clarifier leur origine.

A terme, "nous prévoyons d'obtenir des mesures de vélocité 3D complètes pour jusqu'à 150 millions d'étoiles", explique Anthony Brown, co-auteur, président du conseil d'administration du Gaia Data Processing and Analysis Consortium. "Cela nous aidera à trouver des centaines, voire des milliers, d'étoiles hypervéloces, à comprendre leur origine plus en détail et à les utiliser pour étudier l'environnement du centre galactique et l'histoire de notre galaxie", ajoute-t-il.

Jean Etienne

Sources principales :

Gaia spots stars flying between galaxies. The Royal Astronomical Society, 2 octobre 2018.
A hypervelocity star with a Magellanic origin. Monthly notices of the Oxford University, 4 octobre 2018.
 

 

 
Le Grand Nuage de Magellan, galaxie satellite de la Voie Lactée.
 

 

 
 
 

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