18 février 2019

 

Les chondrites carbonées ont participé à l'apport d'eau sur la Terre primitive

 
Véritables fossiles de la formation du Système solaire, ces météorites incorporaient des minéraux hydratés ainsi que des matières organiques qu'elles ont apporté sur notre planète en cours de formation, voici 4,5 milliards d'années.

Une étude internationale, conduite par des équipes de chercheurs de l'Institut des Sciences de l'Espace, du Conseil national de recherche espagnol (CSIC) et de l'Institut d'études espagnoles de Catalogne, a révélé que les chondrites carbonées, une classe de météorites, ont joué un rôle important dans l'enrichissement en eau de la Terre primordiale, car elles ont facilité le transport des éléments volatils qui se sont accumulés sur les régions externes du disque dit protoplanétaire à partir duquel les planètes ont été formées il y a plus de 4,5 milliards d'années.

Les chondrites, qui représentent 87% des météorites retrouvées sur Terre, proviennent d'astéroïdes dont le matériau constitutif s'est formé voici 4,47 milliards d'années, en même temps que le Système solaire, mais trop petits (moins de quelques dizaines de kilomètres) pour que les couches internes se modifient ultérieurement, contrairement aux planètes dont la pression interne due aux forces de gravitation a provoqué de multiples modifications structurelles. Ces petits astéroïdes sont donc restés dans leur état originel et ont engendré des météorites essentiellement pierreuses, les chondrites, constituées d'un mélange de silicates et de métal (alliages de fer et de nickel). Elles sont ainsi considérées comme des fossiles de la formation de notre Système solaire.

Aussi, leur étude donne des indices très précieux sur les phases finales d'accrétion des premiers corps qui ont formé les planètes. Les météorites analysées au cours de cette étude appartiennent à la catégorie des chondrites carbonées (5% des chondrites), dont la particularité est de renfermer du carbone parfois sous une forme organique (par exemple des acides aminés). Elles proviennent de la collection Antartic de la NASA, dont l'Institut des sciences de l'espace de la SCCI est le seul centre espagnol référentiel, et des météorites tombées à Murchison (Australie) en 1969 et à Renazzo (Italie) en 1824.
 

 

 
Fragment de la météorite de Murchison, tombée le 28 septembre 1969 près du village de Murchison, en Australie. Cliquez sur l'image pour agrandir. Source : Commons.
 

"Les chondrites constituent un héritage fossile de la création des planétésimaux, et fournissent des informations sur l’accrétion des premiers blocs de construction des planètes, ainsi que sur tout ce qui s’est passé dans leurs profondeurs peu après leur formation", explique Josep M. Trigo-Rodríguez, chercheur au CSIC, et travaillant à l’Institut des sciences de l’espace, auteur principal. "Dans cette étude, nous voulons faire un pas en avant et continuer à identifier les processus d’incorporation de l’eau survenus dans le disque protoplanétaire".

Un autre chercheur du CSIC ajoute en substance que si l'origine de l'eau sur Terre suscite un vif débat, cette nouvelle étude démontre que les météorites carbonées étaient capables de la transporter de manière très efficace dans leurs matrices. Cette eau semble provenir de deux types d'objets, comme des astéroïdes et des comètes renfermant des matériaux hydratés, qui se sont formés à différentes distances du Soleil. Il y a 4 milliards d'années. Jupiter et Saturne, qui étaient alors beaucoup plus proches du Soleil qu'elles le sont actuellement, ont progressivement migré vers leurs emplacements actuels, déstabilisant toute une population d'astéroïdes formant alors ce que nous nommons le "système de transition". Ceux qui ont pu échapper à la force d'attraction des deux géantes gazeuses ont été rejetés vers les planètes internes et vers d'autres régions du Système solaire, formant la ceinture d'astéroïdes telle que nous la connaissons et véhiculant de l'eau et des matières organiques.

L'étude souligne également les implications directes sur l'origine de l'eau sur Terre. "Nos calculs indiquent que, coïncidant avec le bombardement intensif produit par la déstabilisation gravitationnelle de la ceinture principale d'astéroïdes, des milliards de tonnes de chondrites carbonées ont atteint la Terre voici 3,8 milliards d'années, transportant l'eau dans leur matrice ainsi que d'autres éléments volatiles sous forme de minéraux hydratés", poursuit Trigo-Rodríguez.

Deux missions en cours

Deux missions sont actuellement en cours afin de ramener sur Terre des échantillons provenant d'astéroïdes primitifs : OSIRIS-Rex de la NASA, et Hayabusa-2 de la JAXA (Agence japonaise d'exploration aérospatiale). Ces roches devraient fournir aux chercheurs des éléments primitifs moins altérés que ceux apportés par les météorites s'écrasant à la surface terrestre.

Jean Etienne

Sources principales :

Las condritas carbonáceas aportan pistas sobre la llegada de agua a la Tierra. Consejo Superior de Investigaciones Cientificas (CSIC), 14 février 2019.

Accretion of Water in Carbonaceous Chondrites: Current Evidence and Implications for the Delivery of Water to Early Earth. Trigo-Rodríguez, JM, A. Rimola, S. Tanbakouei et al. Space Sci Rev (2019) 215: 18. https://doi.org/10.1007/s11214-019-0583-0. Space Science Reviews, 12 février 2019. 

 

 
Fragments de la météorite d'Allende, tombée le le 8 février 1969 dans l'État de Chihuahua au Mexique. Il s'agit de la plus grosse chondrite carbonée jamais trouvée sur Terre (près de 2 tonnes).
Collection privée de l'auteur de l'article.
 
 
 

 
Prélèvement d'échantillons de météorites en Antarctique. Crédit : Katherine Joy / ANSMET.
 

 

 
 
 

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