Un évènement qui a déclenché une frénésie
d'observation parmi les astronomes. "Les premiers résultats nous
ont révélé la quantité de lumière reflétée par l'objet. La courbe de
la lumière présentait de grandes variations, ce qui signifiait que
l'objet était probablement allongé et basculait". En effet, la
lumière qu'il réfléchit est multipliée par dix toutes les 7,3
heures, ce qui suggère un mouvement de rotation et une longueur dix
fois supérieure à sa largeur, une forme bien plus allongée que tout
ce qui est actuellement connu. En lui attribuant un albedo de 0,04,
commun à la plupart des astéroïdes, on obtient une longueur
d'environ 800 mètres pour une largeur de 80 mètres.
Une observation complétée en 2018 par Wesley C.
Fraser et ses collègues, qui démontrent que les études de la
rotation d'ʻOumuamua présentent des valeurs différentes, variant
entre 6,9 et 8,3 heures. Leur interprétation des variations
photométriques de l'astéroïde leur permet de conclure que sa
rotation est chaotique. Ils considèrent que ce type de mouvement a
été induit par un choc violent avec un autre astéroïde qui l'aurait
éjecté de son système stellaire.
Entrée en jeu de Spitzer
Un meilleur moyen de déterminer sa taille
serait de mesurer le rayonnement thermique, la quantité d’énergie
absorbée par Oumuamua, qui la renvoie dans l’espace aux fréquences
infrarouges, domaine d'observation dans lequel excelle le télescope
spatial Spitzer de la Nasa, dont l'équipe en charge collabore
étroitement avec Mueller. "Nous avons des protocoles
d'observation pour ce type de travail et, sur la base de modèles
d'astéroïdes et de données de réflexion de la lumière visible, nous
avons calculé que 33 heures d'observation devraient nous fournir des
informations précieuses", déclarait alors Mueller. En
considération de l'importance du sujet, et de l'improbabilité de
voir se représenter une telle occasion, le chercheur se voyait
attribuer une durée d'observation discrétionnaire de 33 heures. "Une
durée exceptionnellement longue, alors que la plupart des astronomes
seraient très heureux de ne passer qu'une heure avec ce télescope",
admettait Mueller sans dissimuler son enthousiasme.
En novembre 2017, soit un mois après la
découverte de Oumuamua, Spitzer était dirigé vers l'emplacement de
l'objet pendant 33 heures. Déception. L'analyse des données ne
révélait aucun signe de l'existence même de l'objet. "Mais nous
savons que même cela était important", explique Mueller. Ils
pouvaient maintenant définir une limite supérieure pour la quantité
de rayonnement thermique émise par un corps céleste.
Formation planétaire
La première conclusion a été qu'il ne pouvait
pas être très grand, environ 140 mètres de long au maximum. "Pour
un objet plus grand, le rayonnement thermique aurait été visible".
Une deuxième conclusion était que l'objet ne
pouvait pas émettre beaucoup de monoxyde de carbone ou de dioxyde de
carbone, car ces gaz sont très visibles dans les fréquences
infrarouges observées par Spitzer. De telles émissions seraient
attendues d'un objet ressemblant à une comète, et expliqueraient
également pourquoi Oumuamua accélérait à sa sortie du système
solaire : l'émission de gaz, induite par la chaleur du soleil,
agirait comme un propulseur. Mueller ajoute que "les observations
optiques ont montré qu'il n'émettait pas beaucoup de poussière non
plus, or la poussière se dégage lorsque l'eau s'évapore. Donc, ça ne
ressemblait pas à une comète. Ce pourrait être un objet rocheux
standard, peut-être avec une surface rugueuse qui le refroidirait".
Le sable fin en surface - comme celui trouvé sur la Lune – peut
servir d’isolant et l'aurait protégé de l'échauffement, ce qui est
plausible.
Plausible mais inattendu. En effet, les objets
interstellaires proviennent nécessairement d'un système stellaire,
duquel ils ont été éjectés. La plupart des comètes de notre Système
solaire proviennent du nuage d'Oort, des réactions de gravitation
pouvant s'y produire et précipiter certains objets vers le Soleil
ou, au contraire, vers l'espace interstellaire. Mais ces corps
contiennent des éléments volatiles, qui forment aussi la queue des
comètes. Ainsi, un visiteur stellaire est susceptible de contenir
ces substances volatiles. Or, Oumuamua ne présente pas cette
caractéristique. En conséquence, Oumuamua semble plutôt un objet
rocheux associé aux régions internes d'un système stellaire. Bien
sûr, il s’agit du premier objet interstellaire à être observé, et il
est parfaitement possible qu’il ne soit pas représentatif. "Mais
si d'autres objets interstellaires ressemblent à ceci, il y a
quelque chose qui cloche dans nos modèles de formation planétaire",
annonce Mueller. Il existe de grands espoirs d'observer d'autres
objets interstellaires comme Oumuamua dans un avenir proche. "Avec
une surveillance accrue des astéroïdes proches de la Terre, nous
allons certainement trouver plus de ces visiteurs en dehors de notre
propre système solaire", conclut le chercheur.
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