10 février 2019

 

Les atmosphères tumultueuses d'Uranus et Neptune

 
Avec une période de révolution de respectivement 84 et 165 années et des saisons beaucoup plus longues que sur Terre, qui se mesurent en décennies plutôt qu'en mois, on pourrait penser qu'Uranus et Neptune montrent une météorologie n'évoluant que lentement. Il n'en est rien.

Les tempêtes de Neptune

Une nouvelle image de Neptune fournie par le télescope spatial Hubble montre une violente tempête, apparaissant comme une tache sombre vers le haut du disque. Apparu durant l'été austral de la planète en septembre 2018, ce n'est pas une rareté puisqu'il s'agit du quatrième et dernier mystérieux vortex de ce type capturé par Hubble depuis 1993. Deux autres phénomènes du même type avaient été découverts par la sonde Voyager 2 en 1989 alors qu'elle se préparait à franchir l'orbite de Neptune avant de quitter notre Système solaire.
 

 

 
Cette image de la caméra à grand champ du télescope spatial Hubble de Neptune, prise en septembre et novembre 2018, montre une nouvelle tempête sombre (en haut au centre).
Crédits: NASA, ESA, A. Simon (Centre de vol spatial Goddard de la NASA), MH Wong et A. Hsu (Université de Californie à Berkeley).
 

Actuellement, seul Hubble possède à la fois le pouvoir séparateur et la sensibilité à la lumière bleue nécessaires pour suivre cette caractéristique insaisissable au moyen d'autres instruments, qui apparaissent et s'estompent rapidement. Andrew Hsu, étudiant de premier cycle à l'Université de Californie à Berkeley, estime que ces taches sombres apparaissent tous les quatre à six ans à différentes latitudes et disparaissent au bout de deux ans environ.

A droite de cette tempête, ou vortex, on peut apercevoir des "nuages compagnons". Ceux-ci ont toujours été observés accompagnant les vortex précédents. Ces nuages brillants se forment lorsque le flux d'air ambiant est perturbé et dévié vers le haut au-dessus du vortex sombre, ce qui provoque la congélation et la cristallisation des gaz de méthane constituant l'atmosphère. Ils ressemblent aux nuages en forme de "crêpe" qui se forment sur Terre lorsque l'air est soulevé au-dessus des montagnes, le vortex jouant sur Neptune le rôle de montagnes. Le long et mince nuage à gauche du point sombre est une caractéristique transitoire qui ne fait pas partie du système d'orage.

Actuellement, le processus de formation de ces tempêtes est inconnu. Mais tout comme la grande tache rouge de Jupiter, les tourbillons sombres tournent dans une direction anticyclonique et semblent aspirer de la matière provenant de niveaux plus profonds dans l'atmosphère de la géante gazeuse.

Les observations précédentes de Hubble avaient montré que dès 2016, un accroissement de l'activité atmosphérique et des nuages avait précédé l'apparition du vortex. Les images suggèrent que les tourbillons se développent probablement beaucoup plus bas dans l'atmosphère de la planète, et ne deviennent visibles que lorsque le sommet de la tempête atteint des altitudes plus élevées.

La calotte polaire d'Uranus

Une planète géante gazeuse ne peut évidemment, par défaut d'une surface solide, posséder une calotte glaciaire. Cependant, les dernières images d'Uranus transmises par Hubble montrent une caractéristique spectaculaire : une vaste calotte nuageuse recouvrant le pôle nord.

 
 

 
Cette image d'Uranus de la caméra à grand champ du télescope spatial Hubble, prise en novembre 2018, révèle une vaste et lumineuse calotte de nuages orageux sur le pôle nord de la planète.
Crédits: NASA, ESA, A. Simon (Centre de vol spatial Goddard de la NASA), MH Wong et A. Hsu (Université de Californie à Berkeley).
 

Les scientifiques pensent que cette particularité unique est le résultat de l'axe de rotation d'Uranus, incliné à 97,8°. En effet, durant l'été, le Soleil darde ses rayons directement sur le pôle nord de la planète et ne se couche jamais. Uranus approche actuellement du milieu de la saison estivale de son hémisphère nord et cette calotte nuageuse pourrait s'être formée du fait des changements saisonniers du flux atmosphérique.

A proximité de cette calotte peut être observé un vaste nuage de méthane et de glace, parfois suffisamment brillant pour être photographié par des astronomes amateurs. Une étroite bande de nuages entoure la planète au nord de l'équateur, dont le confinement dans une forme aussi mince demeure un mystère.

Uranus et Neptune sont classées comme planètes géantes gazeuses. Elles sont dépourvues de surface solide, mais plutôt constituées de couches d'hydrogène et d'hélium entourant un intérieur riche en eau, entourant probablement lui-même un noyau rocheux. Le méthane atmosphérique absorbe la lumière rouge mais permet à la lumière bleu-vert de se disperser dans l'espace, donnant à chaque planète une teinte cyan.

Ces images ont été fournies par le programme OPAL (Outer Planet Atmospheres Legacy), un projet à long terme dirigé par Amy Simon du Centre de vol spatial Goddard de la NASA à Greenbelt, dans le Maryland, qui consiste à photographier chaque planète extérieure de notre Système solaire au moment où elles sont au plus proche de la Terre afin d'en étudier les changements saisonniers, ainsi que de capturer des évènements relativement transitoires, tels l'apparition du vortex de Neptune.

Tout comme les météorologues ne peuvent prédire le temps qu'il fait sur la Terre en étudiant quelques instantanés, les astronomes ne peuvent suivre les tendances atmosphériques sur les planètes du système solaire sans observations répétées régulières. Les astronomes espèrent que la surveillance à long terme des planètes extérieures par Hubble les aidera à résoudre les mystères qui persistent à propos de ces mondes lointains.

L'analyse de la météo sur ces mondes aidera également les scientifiques à mieux comprendre la diversité et les similitudes des atmosphères des planètes du système solaire, y compris la Terre.

Jean Etienne

Sources principales :

Hubble Reveals Dynamic Atmospheres of Uranus, Neptune. Nasa, centre Goddard, 7 février 2019.
Outer Planet Atmospheres Legacy (OPAL). Mikulski Archive for Space Telescopes.
Uranus, site de la Nasa.
Neptune, site de la Nasa.
 
 

 

 
Uranus apparaît dans cette vue en fausses couleurs du télescope spatial Hubble de la Nasa prise en août 2003. La luminosité des anneaux faibles et des lunes sombres de la planète a été améliorée pour améliorer la visibilité. Le plan de l'écliptique était ici horizontal, l'inclinaison de l'axe de rotation de la planète à 97,8° apparaît nettement.
Crédits: NASA / Erich Karkoschka (Université d'Arizona).
 

 

 
 
 

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