10 janvier 2019

 

Premier succès canadien dans la chasse aux "sursauts radio rapides"

 
Les sursauts radio rapides répétitifs, ou FRB (Fast Radio Bursts) sont des suites de courtes impulsions radio, très brèves, mais surtout très énergétiques : en une milliseconde, elles produisent autant d'énergie que le Soleil en 10.000 ans. Mais avec une seule observation en 2012, leur nature restait mystérieuse.

Les premiers FRB détectés étaient tous ponctuels. Une soixantaine avaient été observés depuis 2007, et évoquaient plutôt des évènements cataclysmiques amenant la destruction de leur source, comme dans le cas de l'explosion d'une supernova, libérant ainsi la totalité de leur énergie en très peu de temps.

Pourtant, en 2012, le radiotélescope de 300 mètres d'Arecibo, à Porto-Rico, enregistrait une série de FRB successifs provenant d'une même origine, mettant en doute toutes les théories émises jusqu'alors sur leur cause.

Le clou était encore enfoncé durant l'été 2018, lorsque le nouveau radiotélescope CHIME, inauguré quelques mois plus tôt dans la vallée de l'Okanagan, en Colombie Britannique (Canada), qui n'était pourtant qu'en phase de pré-démarrage et ne fonctionnait qu'à une fraction de sa capacité, enregistrait une série de 13 FRB sur une période d'à peine trois semaines, dont un FRB répétitif. D'autres sursauts du même FRB répétitif étaient encore enregistrés au cours des semaines suivantes.
 

 

 
Le radiotélescope CHIME. Crédit : CHIME.
 
"Ils semblent prendre leur origine à environ 1,5 milliard d’années-lumière de la Terre, provenant peut-être d’un amas dense, comme un reste de supernova, ou encore d’un point situé près du trou noir central d’une galaxie", explique Cherry Ng, de l’Université de Toronto.

"Jusqu’à ce moment-là, nous ne connaissions l’existence que d’un seul FRB répétitif. La découverte de ce deuxième cas nous permet de croire qu’il pourrait y en avoir d’autres. Si nous pouvions étudier plus de FRB répétitifs et plus de sources, nous pourrions peut-être découvrir la provenance de ces phénomènes et leurs causes", indique Ingrid Stairs, membre de l’équipe CHIME et astrophysicienne à l’Université de la Colombie-Britannique.

Avant que CHIME commence à enregistrer des données, certains scientifiques se demandaient si la gamme de fréquences radio couverte par le télescope ne serait pas trop basse pour permettre la détection de tels sursauts radio rapides. En effet, la plupart des FRB avaient été reçus à des fréquences avoisinant les 1400 MHz, soit bien au-dessus de la gamme du radiotélescope, qui couvre les fréquences de 400 à 800 MHz.

Les résultats de l’équipe CHIME, divulgués dans deux articles publiés dans le magazine Nature le 9 janvier 2019 et présentés le même jour à l’occasion du congrès de la Société américaine d’astronomie, à Seattle, ont dissipé ces doutes puisque la majorité des 13 sursauts ont été détectés aux fréquences les plus basses couvertes par CHIME. Dans certains de ces cas, le signal était si clair qu’il est permis de croire que d’autres FRB auraient été encore détectables à des fréquences inférieures à 400 MHz.

Mais d'où émanent ces FRB ?

La majorité des 13 FRB détectés ont montré des signes de dispersion de leur spectre radio, un phénomène qui fournit des renseignements sur l’environnement d’une source électromagnétique. En étudiant l’étalement de cette dispersion, l’équipe CHIME a pu conclure que les sources de FRB sont des objets astrophysiques puissants se situant fort probablement dans des endroits ayant des caractéristiques particulières.

"Nous ne pouvons encore déterminer si les sources qui génèrent des FRB répétitifs sont différentes de celles qui ne semblent en générer qu’un seul. Il est possible que ce que nous pensons être aujourd’hui des FRB ponctuels ne se répètent que très rarement, mais qu’ils proviennent du même type de sources", avance Shriharsh Tendulkar, de l’Université McGill à Montréal, coauteur de l’étude.

"Un FRB pourrait provenir d’un amas dense, comme un reste de supernova, ou encore d’un point situé près du trou noir central d’une galaxie", explique Cherry Ng, membre de l’équipe et astronome à l’Université de Toronto. "Mais une chose est sûre : la dispersion observée nous indique qu’il s’agit d’un endroit spécial."

Une nouvelle piste sur leur origine

Les scientifiques tentent actuellement de rassembler les caractéristiques des signaux afin de les comparer et d'élaborer des modèles susceptibles de révéler les sources de ces sursauts encore empreints de mystère et donner une idée de leur environnement. Mais ils reconnaissent que la détection de FRB à basse fréquence, moins de 400 MHz, entraînera nécessairement la révision de certaines théories.

"Peu importe la source de ces ondes radio, il est intéressant de constater la vaste gamme de fréquences produites. Selon certains modèles, la source ne peut rien produire en deçà d’une certaine fréquence", précise Arun Naidu de l’Université McGill, également membre de l’équipe.
 

Jean Etienne

Sources principales :

Observations of fast radio bursts at frequencies down to 400 megahertz. Nature, 9 janvier 2019.
A second source of repeating fast radio bursts. Nature, 9 janvier 2019.
Radiotélescope CHIME (page officielle).
 

 

 
Le radiotélescope CHIME est constitué de quatre demi-cylindres de 100 x 20 mètres sans aucune pièce mobile, qui recompose l’image du ciel en traitant les signaux radio captés par plus de mille antennes, ce qui lui permet d’observer d’immenses portions du ciel en même temps.
Conçu à l'origine pour cartographier l'élément le plus abondant de l'univers - l'hydrogène - sur une bonne fraction de l'univers observable, ce télescope inhabituel est optimisé pour offrir une "vitesse de cartographie" élevée, ce qui nécessite un champ de vision instantané important (environ 200 degrés carrés).
Les signaux numérisés recueillis par CHIME seront traités pour former une carte tridimensionnelle de la densité de l’hydrogène, qui sera utilisée pour mesurer l’historique de l’expansion de l’univers.
Ces signaux peuvent être combinés pour une émission radio rapide et transitoire, faisant de CHIME un télescope unique pour la découverte de nouveaux FRB, ou Fast Radio Bursts, et la surveillance quotidienne de nombreux pulsars. Source : CHIME.
 
 
 

 
Illustration du premier FRB détecté en 2007, dont la source se situait à environ 3 milliards d'années-lumière, légèrement au sud du petit Nuage de Magellan. Radiotélescope de Parkes, Australie.
 

 

 
 
 

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