Objectif Mars, et au-delà
A mesure que les projets de voyage vers Mars
se dessinent, un intérêt croissant se manifeste pour comprendre le
comportement des microbes dans un environnement clos. "Les
occupants seront enfermés dans de petits habitacles où ils ne
pourront pas ouvrir une fenêtre, sortir ou faire circuler de l'air
frais", prévient Hartmann. "Nous sommes vraiment préoccupés
par la façon dont cela pourrait affecter ces microbes".
Aujourd'hui, le Centre national d'information
sur la biotechnologie gère une base de données accessible au public
contenant les analyses génomiques de nombreuses bactéries isolées de
l'ISS. L'équipe de Hartmann a utilisé celles-ci pour comparer les
souches de Staphylococcus aureus et de Bacillus cereus de l'ISS à
celles de la Terre.
S. aureus, ou staphylocoque doré, est
relativement commune sur la peau humaine ou dans le nez des
personnes en bonne santé, et résistante aux antibiotiques, dont la
méticilline. Elle peut toutefois provoquer des pneumonies ou des
septicémies. Dans les cas graves, elle peut induire un choc toxique
et entraîner le décès du patient. B. cereus est une bactérie
pathogène rencontrée le plus souvent dans les produits riches en
amidon, comme les céréales. Les infections dûes à cette bactérie
sont généralement bénignes.
"Sur votre peau, ces bactéries sont très
heureuses", annonce Hartmann. "Votre peau est chaude et
contient certaines huiles et produits chimiques organiques que les
bactéries aiment beaucoup. Mais si vous sous en débarrassez, elles
se retrouvent dans un environnement très différent. Les surfaces
d'un bâtiment sont froides et stériles, ce qui est extrêmement
stressant pour elles".
Pour s'adapter à de telles conditions, les
bactéries sélectionnent certains gènes plus avantageux ou mutent.
Dans l'ISS, ces gènes ont potentiellement aidé les bactéries à
réagir au stress, leur permettant ainsi de se nourrir, de se
développer et de fonctionner dans un environnement hostile.
Aucune conséquence néfaste constatée
"D'après les résultats de l'analyse
génomique, il semblerait que les bactéries s'adaptent à la vie, sans
pour autant devenir pathogènes", a déclaré Ryan Blaustein,
stagiaire postdoctoral au laboratoire de Hartmann et premier auteur
de l'étude. "Nous n'avons rien vu de particulier concernant la
résistance aux antibiotiques ou la virulence des bactéries de la
station spatiale."
Bien que ce soit une bonne nouvelle pour les
astronautes et les touristes potentiels de l’espace, Hartmann et
Blaustein sont conscients que des personnes puissent introduire
involontairement des maladies dans les stations spatiales. "Partout
où vous allez, vous apportez vos microbes avec vous", déclare
Hartmann. "Les astronautes sont des personnes en excellente
santé. Mais comme nous projetons d'étendre le vol spatial à des
touristes qui ne répondent pas nécessairement à leurs critères, nous
ignorons ce qui peut se passer. Nous ne pouvons pas garantir qu'une
personne infectée placée dans un tel environnement fermé ne
transmettra pas sa maladie à d'autres personnes. C’est un peu comme
quand on tousse dans un avion et que tout le monde tombe malade",
conclut-il.
Jean
Etienne
Sources principales :
Space
microbes aren't so alien after all ? Northwestern
University, 8 janvier 2019.
Pangenomic
approach to understanding microbial adaptations within a model built
environment, the International Space Station, relative to human
hosts and soil. mSystems, DOI : 10.1128/mSystems.00281-18, 8
janvier 2019.
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