Rédigé il y a plus de trois millénaires, le
papyrus Cairo 86637 est un calendrier contenant des prévisions
basées sur des observations astronomiques combinant les périodes de
la Lune et… d'Algol, une étoile variable, (re)découverte en 1783.
Située à un peu plus de 92 années-lumière de la
Terre dans la constellation de Persée, Algol est une étoile de
magnitude 2 autour de laquelle orbite un compagnon moins lumineux
qui l'occulte lors de chaque passage, provoquant une baisse de
luminosité tous les 2 jours et 21 heures. Il s'agit donc d'une
binaire à éclipses, décrite pour la première fois par l'astronome
amateur John Goodricke en 1783.
Cairo 86637
Le papyrus égyptien Cairo 86637 renferme
diverses prévisions d'évènements heureux ou malheureux sur une
année, basées sur l'humeur des dieux pour les temps à venir.
Effectuant une étude statistique sur ces prévisions dont les dates
sont scrupuleusement mentionnées, les astronomes Lauri Jetsu et
Sebastian Porceddu, de l'Université d'Helsinki, ont pu déterminer
qu'elles se basent sur les cycles lunaires, mais aussi sur les
variations d'Algol, d'ailleurs personnifiée dans l'Egypte antique
par le dieu Horus.
Ce papyrus est sans doute le plus ancien
document historique faisant état d’observations d’une étoile
variable à l’œil nu. Chaque jour d’une année égyptienne était
divisée en trois parties dans ce calendrier, associées à un bon ou
un mauvais pronostic. "Les textes concernant les pronostics sont
reliés à des événements mythologiques et astronomiques", explique
Sébastian Proceddu.
L'analyse statistique révèle que deux périodes
statistiquement significatives de 29,6 et de 2,85 jours ont été
notées avec une grande précision. Le premier cycle de 29,6 jours est
claire ment celui de la Lune. Le deuxième représente la période de
variabilité d'Algol, avec cependant une légère erreur puisqu'il fait
mention de 2,867 jours, soit une différence de 0,017 jour ou 12
minutes. Mais cette erreur n'est qu'apparente, car ainsi que le
précise Lauri Jetsu, "nous pouvons expliquer pourquoi la période
d’Algol a augmenté d’environ 0.017 jours : la majoration de la
période au cours des trois derniers millénaires pourrait avoir été
causée par le transfert de masse observé entre les deux membres de
ce système binaire".
Cette observation, qui remonte à plus de trois
millénaires puisque le papyrus Cairo 86637 a été rédigé entre 1244
et 1163 avant notre ère, est la première qui confirme la majoration
de la période d'Algol, et fournit aussi une estimation du taux de
transfert de matière entre les deux étoiles.
Les anciens Égyptiens auraient donc fait des
mesures précises qui fournissent des données utiles pour les
astronomes contemporains ! "Il semble que la première observation
d’une étoile variable a été faite 3000 ans plus tôt qu’on ne le
pensait", ajoute Lauri Jetsu.
Jean
Etienne
Sources principales :
Shifting Milestones of Natural Sciences: The Ancient Egyptian
Discovery of Algol’s Period Confirmed. Plos One (étude
complète).
Ancient Egyptians described Algol's eclipses, University of
Helsinki.
Evidence of Periodicity in Ancient Egyptian Calendars of Lucky and
Unlucky Days, Cambridge Archaeological Journal.
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