Quelle est la forme de vie la plus abondante
sur Terre ? Récemment encore, les scientifiques plaçaient les
bactéries tout en haut de l'échelle, ce qui était rarement contesté.
Mais il s'agissait plus d'un préjugé que d'une réelle mesure et tout
le monde se trompait. La vérité est bien plus surprenante.
Comment la biomasse des océans se compare-t-elle
à la vie terrestre ? Comment la biomasse des plantes peut-elle
s'opposer à celle des champignons, des animaux ou des bactéries ?
Quels sont les animaux les plus abondants sur notre planète ? Un
nouveau type de recensement mondial basé sur la biomasse totale de
différentes formes de vie sur Terre suggère que la plupart de ce que
nous pensons savoir sur de telles questions repose sur des
recherches obsolètes, des estimations incomplètes ou simplement des
anecdotes non fondées.
Tout est parti d'un projet d'études différent.
Yinon Bar-On, chercheur dans le groupe du
professeur Ron Milo du
département des sciences végétales et de l'environnement de
l'Institut Weizmann (Israël), avait débuté une recherche visant à
déterminer l'influence globale des protéines de divers organismes
sur la biosphère. Voulant se fonder sur la littérature existante, il
s'est alors aperçu que les données dont il avait besoin manquaient.
Une absence de chiffres qui devait le conduire dans une quête
intensive de deux ans qui le mènerait finalement, lui et le
professeur Rob Phillips du California Institute of Technology, à une
compilation d'une "distribution de la biomasse sur Terre". Pour
comparer la biomasse des bactéries à celle du plancton ainsi que
celle des termites, des arbres, des animaux et des humains, ils ont
évalué les unités de carbone représentant chaque groupe, chiffrées
en gigatonnes (Gt, ou milliards de tonnes).
On apprend dans cette étude que la biomasse
totale des plantes domine de loin la vie sur toute la planète.
Ainsi, si la plupart des scientifiques pensaient jusqu'à présent que
les bactéries dominaient la biomasse, cette affirmation est
maintenant invalidée. Même si les océans couvrent 71 % de la surface
de la planète, il est maintenant établi que la biomasse terrestre
est de 10 à 100 fois plus importante que la biomasse marine, une
belle vengeance de l'évolution de la vie, qui a pourtant pris
naissance… dans la mer. Les arthropodes (crabes, araignées et
insectes) constituent le groupe d'animaux ayant la biomasse la plus
élevée, suivi des poissons. Les humains, quant à eux, pèsent quelque
0,06 gigatonne de carbone, soit sensiblement la même quantité que
les termites.
L'impact de l'homme sur l'environnement
apparaît aussi sous un nouvel angle. Ainsi, l'étude montre que nous
avons probablement décimé près de la moitié de la biomasse
terrestre, et que la biomasse de l'ensemble du bétail (0,1 Gt)
représente près de 15 fois celle des mammifères en liberté (0,007
Gt), dominée par les bovins et les porcs.
Ceci est également vrai pour les oiseaux
sauvages et domestiques, pour lesquels la biomasse de volailles
domestiques (0,005 Gt, dominée par les poulets) est environ trois
fois plus élevée que celle des oiseaux sauvages (0,002 Gt). En fait,
les humains et le bétail dépassent tous les vertébrés réunis, à
l'exception des poissons.
L'impact de la civilisation humaine sur la
biomasse mondiale ne s'est pas limité aux mammifères, mais a
également profondément modifié la quantité totale de carbone
séquestrée par les plantes. Un recensement mondial du nombre total
d’arbres donne à penser que la biomasse végétale totale (et,
indirectement, la biomasse totale sur Terre) a diminué environ deux
fois par rapport à sa valeur précédant le début de la civilisation
humaine. La biomasse totale des cultures par l'homme est estimée à
10 Gt environ, ce qui ne représente que 2 % de la biomasse végétale
totale existante.
Jean Etienne
Source principale :
The biomass distribution on Earth, Proceeding
of the National Adademy of Sciences of the United States of America.
doi.org/10.1073/pnas.1711842115, 19 juin 2018.
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