Le 8 juin 1783, une large faille de 25
kilomètres de longueur s'ouvre dans la région de Sida, dans le sud
de l'Islande, formant une suite de 130 cratères dont l'activité se
maintiendra jusqu'en février 1784. Cette catastrophe naturelle
entraîne la perte de 80 % du cheptel ovin, 50 % des bovins et 50 %
des chevaux par fluorose dentaire ou osseuse, conséquence des 8
millions de tonnes d'acide fluorhydrique rejetés. Pour la population
humaine l'effet est terrible, puisque 21 % des Islandais mourront de
famine dans l'année.
Durant les deux premières journées d'éruption,
le Laki libère la même quantité de gaz que la totalité de
l'industrie européenne d'aujourd'hui en une année, et en quelques heures, donne
naissance à un immense nuage de pluies acides qui s'abattent sur les
côtes méridionales de l'Islande, puis sur l'Europe et sur une partie
de l'hémisphère nord. A la différence d'autres éruptions tout aussi
puissantes comme celle de l'Eyjafjöll au printemps 2010, le Laki
projeta les trois quarts de ses gaz dans la troposphère, soit la
couche inférieure de l'atmosphère, où circulent justement les
nuages, les pluies et les vents de surface, contribuant à les
répandre.
Aujourd'hui, les scientifiques estiment que
122 millions de tonnes de dioxyde sulfurique ont été émis dans
l'atmosphère, soit l'équivalent du Pinatubo tous les trois jours. En
temps normal, les vents dominants auraient dû repousser ce nuage
toxique en direction du nord, malheureusement la météorologie n'est
pas une constante, et en ce mois du juin 1783, ce fut l'inverse qui
se produit…
Les conséquences de l'évènement furent
observées et décrites un peu partout en Europe dans de nombreux
rapports scientifiques, qui montrent que l'été 1783 fut
particulièrement anormal. Un peu partout, les témoins de l'époque
citent, à partir de mi-juin, la présence d'un épais brouillard sec à
l'odeur "d'œuf pourri" ou de soufre et évoquent une visibilité
extrêmement limitée qui persiste parfois jusqu'au mois de septembre.
La température relevée est en moyenne supérieure de 1 à 3°C
supérieure à la moyenne enregistrée durant la période 1970-2000. Par
ailleurs, l'étude met en corrélation l'itinéraire du nuage chargé de
dioxyde de soufre à travers l'Europe avec le pic de mortalité
observé dans les registres paroissiaux entre août-septembre et
janvier-février 1784.
Un évènement qui pourrait se reproduire
demain, dans dix ans, dans un siècle...
Jean
Etienne
Source principale :
Mortality induced by PM2.5 exposure following the 1783 Laki eruption
using reconstructed meteorological fields. Y. Balkanski, L.
Menut, E. Garnier, R. Wang, N. Evangeliou, S. Jourdain, C.
Eschstruth, M. Vrac & P. Yiou. Scientific Reports volume 8, Article
number: 15896 (2018). |