11 décembre 2018

 

Des tempêtes de poussière observées sur Titan

 
Des tempêtes de poussière ont été révélées par la sonde Cassini-Huygens dans les régions équatoriales de Titan, la plus grande lune de Saturne, ce qui en fait le troisième corps du Système solaire où un tel phénomène est observé, après la Terre et Mars.

Titan montre certaines analogies avec la Terre, car un s'agit de la seule lune du Système solaire qui soit entourée d'une atmosphère dense, et aussi le seul corps, en dehors de notre propre planète, où des étendues stables de liquide existent en surface. Avec une différence toutefois : alors que nos rivières, lacs et mers sont remplis d'eau, sur Titan, il s'agit de méthane liquide. Dans ce cycle unique du méthane, les molécules d'hydrocarbures s'évaporent, se condensent en nuages et retombent en pluie sur le sol.
 

 

 

Vue prise par la sonde euroméenne Huygens Durant sa descente dans l'atmosphère
de Titan le 14 janvier 2005. Crédit : ESA/Nasa.

 

"Titan est une lune très active", indique Sébastien Rodriguez, astrophysicien à l'Université Paris Diderot (France) et auteur principal de l'article. "Nous le savions déjà pour sa géologie et son cycle d'hydrocarbures. Maintenant, nous pouvons ajouter une autre analogie avec la Terre et Mars : un cycle actif de la poussière. Sur Titan, cette poussière serait en fait constituée par des particules d'aérosols organiques produites dans l'atmosphère, et qui chuterait pour s'accumuler au sol. Ce que nous aurions observé avec Cassini, c'est que cette poussière organique pourrait être soulevée en de gigantesques nuages juste au-dessus des grands champs de dunes équatoriaux de Titan, comme cela peut se produire sur Terre".

Tout comme sur Terre, une météorologie active anime la surface de Titan, qui varie d'une saison à l'autre. Au moment de l'équinoxe, moment où le Soleil traverse son équateur, des nuages massifs peuvent se former dans les régions tropicales et provoquer de fortes tempêtes de méthane. Cassini a observé ce type d'évènements pendant plusieurs de ses survols de Titan.

Tempêtes de poussière

Lorsque l'instrument VIMS (Visual and Infrared Mapping Spectrometer) de Cassini a repéré de brefs sursauts de brillance au niveau de l'équateur durant l'équinoxe de printemps entre 2009 et 2010, Sébastien Rodriguez et son équipe ont d'abord pensé à des nuages de méthane. Cependant, une étude plus approfondie a rapidement révélé qu'il s'agissait de quelque chose de complètement différent.

"D'après ce que nous savons de la formation de nuages sur Titan, nous pouvons dire que de tels nuages de méthane, dans cette région et à cette période de l'année, ne sont pas physiquement possibles", dit Sébastien. "Les nuages de méthane convectifs qui peuvent se former dans cette région et à cette période seraient très opaques, constitués de particules bien plus grosses et devraient être situés à une altitude bien plus élevée que ce que nous révèle la modélisation du signal infrarouge de ces structures".
 

 

 
Les tempêtes de poussière sur Titan vues en infrarouge par le spectro-imageur VIMS à bord de la sonde Cassini.
NASA/JPL-Caltech/University of Arizona/University Paris Diderot/IPGP/S. Rodriguez et al. 2018.
 

La modélisation de leur signal infrarouge a ainsi montré que ces évènements singuliers sont confinés à proximité de la surface (moins de dix kilomètres d'altitude). De plus, leur signature chimique semble indiquer qu'il s'agit plus vraisemblablement d'une couche ténue de minuscules particules organiques solides en suspension. Comme celles-ci se trouvaient juste au-dessus des vastes mers de sable organique de Titan, il ne restait alors qu’une explication : ces évènements seraient en fait de gigantesques nuages de poussière organique soulevés depuis les dunes.

Sébastien Rodriguez n'est pourtant pas surpris par cette observation. "Nous pensons que la sonde Huygens, qui a atterri à la surface de Titan en janvier 2005, a soulevé une petite quantité de poussière organique à son arrivée, et que, compte tenu de l'origine atmosphérique de cette poussière, la surface de Titan devrait en être très largement recouverte", explique le scientifique. "Mais ce que nous avons vu ici avec Cassini est à une bien plus grande échelle. Près de la surface, la vitesse des vents doit être très forte pour soulever une quantité de poussière telle que nous la voyons dans ces tempêtes - environ cinq fois plus forte que la vitesse moyenne des vents estimée par les mesures de Huygens près de la surface et prédite par les modèles climatiques".

La puissance de ces tempêtes de poussière implique que le sable en dessous peut lui-même être mis en mouvement, et que les dunes recouvrant les régions équatoriales de Titan sont toujours actives et continuent d'évoluer.

Jean Etienne

Source principale :

Observational evidence for active dust storms on Titan at equinox. Nature Geoscience volume 11, pages727–732 (2018).
 

 
 
Vue d'artiste d'une tempête de poussière sur Titan. Crédit : Ron Miller.
 

 

 
 
 

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