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8 décembre 2018 |
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Un peu de nostalgie...
Voici un article paru dans Space News n°14 en 1996, téléchargeable à
l'époque uniquement sur BBS en Belgique, en France et au Canada
(vous vous souvenez de l'ancêtre d'Internet et des modems à 28,8
Ko/sec. ?). Je le laisse volontairement "dans son jus", c'est-à-dire tel
que je l'ai réalisé à l'époque. Ne vous étonnez donc pas de voir
apparaître certains anachronismes, notamment en ce qui concerne des
noms de personnes aujourd'hui disparues. |
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"Pourquoi l'Everest ? demanda-t-on à Hunt,
organisateur de la première expédition au sommet. Parce qu'il
existe... Pourquoi la Lune ? Parce que c'était possible. Donc on l'a
fait, parce qu'on essaie toujours de faire ce qui est possible,
juste pour voir." Le sans-faute du programme lunaire américain,
exception faite du drame d'Apollo 1 et de l'échec d'Apollo 13, avait
laissé l'Amérique comme désemparée par son succès. Passé les moments
d'euphorie des missions lunaires, moments qui ont tout de même duré
trois années tout au long desquelles trois milliards d'humains se
sont gargarisés des images de douze de leurs représentants
s'ébattant sur la poussière du sol lunaire, une question menaçante
s'impose. Une question fatale, qui carbonise les lèvres des médias
et qui se pose clairement: "et maintenant ? Quoi de plus ? Quoi
d'autre ? Que faire de tout cela ?".
Des instants merveilleux, la Lune en avait
tant apportés ! La victoire, d'abord, avec Apollo 11 dont l'impact
politique fut énorme. L'Amérique sortait d'une période troublée,
avec les assassinats des Kennedy et de King, les revers du Vietnam
et la contestation généralisée. La guerre froide, aussi. Surtout la
guerre froide. Le robinet à dollars avait coulé à flots, alimenté
par les turbines d'un complexe historico-politique qui faisait fi de
la donnée budgétaire. Mais alors que les astronautes des missions
Apollo successives bondissaient toujours sur la Lune, il vint un
moment où les Américains se retournèrent. Comme le vainqueur d'un
marathon qui se retourne pour voir où en sont les autres. Les
autres, c'était les Soviétiques, et ils n'étaient pas en vue. Car
ils n'étaient plus en course depuis longtemps, et ça, tout le monde
l'ignorait. Que s'était-il donc passé ?
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Peut-on croire qu'un programme aussi vaste et aussi complexe qu'un
débarquement sur la Lune ait été conçu en quelques semaines sous la
poussée d'un Président des Etats-Unis particulièrement dynamique?
Bien sûr que non. Kennedy entra en fonctions en janvier 1961. A ce
moment-là, le programme Mercury était en cours, le programme Gemini
était en chantier, et le programme Apollo déjà ébauché.
Korolev, à qui le Soviet Suprême avait
interdit d'accepter le prix Nobel, était à la fois plein d'amertume
et euphorique. Tout lui réussissait. Premier homme dans l'espace
avec Youri Gagarine, le 12 avril 1961. Etait-ce bien vrai ? Oui,
puisqu'en face on est terriblement vexé d'être les seconds ! Réponse
le 5 mai 1961 avec Alan Shepard, donc deux semaines plus tard à
peine. Seulement ? Oui, mais l'écart est grand quand même, car le
vol de Shepard est suborbital. Un saut de puce de quinze minutes,
dont cinq pour monter, cinq pour descendre, donc cinq petites
minutes dans l'Espace. Pas mal, mais tout de même, moins bien que
Gagarine avec ses 108 minutes. Bon, mais la fusée n'a pas explosé,
c'est toujours ça !
Grissom fera un autre saut de puce le 21
juillet (on en reparlera, de cette date...) mais la capsule coule,
l'astronaute américain est repêché de justesse. Plus tard, il sera
brûlé dans Apollo 1... Plutôt timide, la réaction yankee. Surtout
qu'en août de la même année, Titov reste 24 heures en l'air. 17
révolutions... Voilà les Russes qui s'installent déjà dans l'Espace.
Cette fois, il faut se réveiller. Réagir. Y aller vraiment! Terminé,
le petit entrechat dans l'Espace.
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John Glenn |
John Glenn, toute l'Amérique le porte à bout de
bras, priant qu'il réussisse. En février 1962, la grosse fusée
Atlas, de conception belge... Eh oui! Karl Bossaert, l'Anversois
naturalisé Américain, vous connaissez ? Il l'a conçue, et dans les
années '50, encore... Pour la Défense américaine. Comme quoi...
Cette fusée, elle envoie John Glenn sur orbite. Gagné ! Glenn se
révèle un astronaute et un pilote hors pair. Normal: comme objet
personnel, il avait emporté... son permis de conduire ! Sa
popularité sera telle qu'un jour, il essaiera de devenir président
des Etats-Unis. Il sera sénateur, et pour toujours, le premier
Américain en orbite.
Quatre mois plus tard, en juin 1962, Carpenter
réédite l'exploit, trois petits tours, et puis revient. L'honneur
est sauf, les techniciens sortent leurs cigares, New York ses
confettis. Ils sont à peine balayés que, patatras ! Le concepteur en
chef Korolev frappe à nouveau avec le tir groupé de deux cosmonautes
dans deux vaisseaux, Nicolaïev et Popovitch.
La liste s'allonge. Aujourd'hui, elle en
compte des centaines. Un exploit tout de même pour l'époque, auquel
répondra la NASA toute neuve avec la suite du programme Mercury. Il
y aura Shirra, six orbites, puis Cooper, 22 tours du monde. C'est
moins que les Soviétiques, mais la balle est à nouveau dans le camp
américain.
Pas pour longtemps. La réplique fuse,
originale. De nouveau un tir groupé, avec Bykovski, et surtout,
Valentina Terechkova, la première femme de l'Espace. On n'en n'avait
vraiment pas besoin pour montrer qu'une femme pouvait faire aussi
bien qu'un homme, mais le coup médiatique porte. L'Amérique est
sexiste, même si le mot n'était pas encore inventé. Et elle est
agacée : elle n'y avait pas pensé. Le porte-parole de l'époque de la
NASA déclare que rien ne justifie l'envoi d'une femme dans l'Espace,
qu'il n'en n'est pas question actuellement aux USA. Formidable
maladresse, il devra démissionner sous les huées féministes. Il
faudra tout de même attendre vingt ans avant que Sally Ride ne monte
à bord de la navette...
Si l'Amérique fut terrassée par l'assassinat
de son Président, le 22 novembre 1963 à Dallas, ce drame n'eut pas
la moindre influence sur la conduite du programme spatial. Les vols
Mercury, qui consistaient à envoyer un homme dans un module avec
pour toute mission : voler, tout simplement, étaient terminés. Il
était temps de passer à la suite, avec le projet Gemini, deux
hommes, deux missions : sortir dans l'Espace, et effectuer des
rendez-vous, conditions sine qua non en vue d'un débarquement
lunaire. Le programme devait démarrer en 1965. Et l'Espace, le
nouveau Président Johnson, grand ami de Von Braun, adorait.
Avec Johnson, il l'avait assuré, le bon peuple
approuvait, l'argent ne manquerait jamais. Il fallait écraser les
Rouges. Toute la question était de savoir, pendant cette relative
accalmie où l'Amérique tentait de faire son deuil de Kennedy, ce que
les Russes, plus que jamais imprévisibles, allaient sortir de leur
manche.
En octobre 1964, ils frappèrent à nouveau. Un
gros coup ! Voskhod 1, trois hommes dans une même capsule ! Une
version améliorée du Vostok de Gagarine, le Voskhod hébergeait
Komarov, Feoktistov et Egorov. Mais dans quelles conditions ! En
réalité un grand leurre, aujourd'hui dénoncé par ses promoteurs !
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Intérieur de
l'étroit vaisseau Voskhod 1. Roskosmos. |
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Feoktistov était précisément le bras droit de Korolev. Ingénieur, il
est opposé au débarquement sur la Lune. Il estime que le programme
soviétique n'a pas la rigueur de l'américain, qu'il n'en offre pas
toutes les garanties de sécurité, qu'il ne possède pas de fusée
lunaire suffisamment au point. Ne pensons plus à cela, disait-il, et
construisons d'emblée une grande station spatiale permanente où nous
ferons du bon travail, du travail durable, rentable. Les Américains
ne visent que la Lune pour le moment, nous les devancerons où ils ne
nous attendent pas ! Il avait raison sur toute la ligne. Mais trop
tôt. Staline l'aurait fusillé pour moins que cela, mais Korolev, qui
ne pouvait se passer de lui, lui donna une sucette : le vol à trois.
Korolev savait très bien que Feoktistov, comme
tous les fêlés de l'espace, ne rêvait que d'une chose : aller y
faire un tour. Il lui demanda de faire un "truc". Par exemple,
redessiner le Vostok, ou plutôt le réaménager, poussant ceci,
enlevant cela, retirant tout ce qui n'était pas trop nécessaire. La
sécurité ? Pas de place. Et d'ailleurs, il n'y avait même plus un
seul centimètre carré de disponible. Si les trois cosmonautes
avaient revêtu des scaphandres, ils n'auraient même pas pu rentrer
dans Voskhod. "Vous voyez ? Nos vaisseaux sont tellement sûrs que
nous n'avons même plus besoin de combinaisons spatiales!" Voskhod
emporta les trois hommes, mais pas de scaphandres: il n'y avait pas
de porte- bagages...
Le vol, style trois sardines dans une (petite)
boîte de conserve, le plus inconfortable de toute l'histoire
spatiale, réussit. Et démoralisa complètement les Américains, qui
étaient persuadés que les Soviétiques en étaient déjà au stade
Apollo (vol à trois), alors qu'eux-mêmes n'avaient pas encore débuté
Gemini (vol à deux)... Et leurs services secrets, roulés dans la
farine, n'apportèrent aucun démenti, au contraire : ils affirmèrent
que le débarquement lunaire était imminent.
En fait de débarquement, c'est Krouchtchev qui
est débarqué, au moment même où Voskhod atterrit. Korolev perd son
appui, il craint le pire, il a raison, mais il ne le sait pas
encore. Cinq mois plus tard, nouvelle gifle, Voskhod 2 est sur
orbite avec deux hommes, dont Léonov, le premier à sortir dans
l'Espace. Il a toutes les peines à en revenir; son scaphandre est
trop raide, trop gros, il y chipote pour le dégonfler, manque de
mourir, mais rentre cahin-caha avec son compère Belaïev. Il se pose
à des centaines de kilomètres du point prévu, en pleine tempête de
neige. Les loups entourent la capsule, la radio ne marche plus
depuis belle lurette, on mettra un temps fou à les retrouver.
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Voskhod 2,
surmonté de la reconstitution du sas gonflable. Roskosmos. |
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Et encore une première dans le camp soviétique,
une ! Les Américains se demandent s'ils ne doivent pas enterrer
leurs ambitions. La sortie dans l'Espace, ils ne la prévoient pas
avant un an, et encore, la capsule Gemini, contrairement à Voskhod,
ne comporte pas de sas, il faudra tout dépressuriser, un point pour
les Russes ! Parlons-en, de ce sas ! On le sait aujourd'hui, sur le
Voskhod, le sas était une baudruche gonflée fixée à l'extérieur...
On l'ignorait alors, mais Léonov était l'homme
désigné pour être le premier à marcher sur la Lune. En cas de
victoire sur les Américains. Il volera encore (avec eux !) mais
n'ira jamais sur la Lune. Aujourd'hui, il est responsable de
l'entraînement des cosmonautes à la Cité des Etoiles. Il est leur
porte-parole dans le monde entier. Il a des amis partout, même en
Amérique. Il est affable, sympathique et chaleureux (l'auteur de ces
lignes l'a rencontré), on est presque désolé pour lui...
Ce qu'on lui a fait faire en hélicoptère pour
simuler un atterrissage lunaire, aucun autre astronaute n'aurait
voulu le faire. Léonov, un héros, mais qui était du mauvais côté...
Il ne regrette rien, conserve toute son émotion à l'évocation de
Korolev. "Un homme comme lui en valait mille comme moi. Quand il
était le patron, notre confiance était absolue. Il nous appelait ses
petits aigles."
Seulement voilà... les choses ne vont plus
très bien pour Korolev, privé de son appui principal. Brejnev ne
comprend rien à l'Espace, et malgré lui, laisse les embrouilles se
développer. Une rivalité paralysante s'instaure entre plusieurs
concepteurs, qui ont tous leur petite idée-miracle. Korolev a bien
la sienne, mais il ne peut rien dire, et les incompétents se
bousculent au portillon.
Ou plutôt les vautours, devrait-on dire, car
Korolev est malade.
Interrompant le rythme effréné que les
soviétiques avaient maintenu jusqu'ici, plus personne n'est envoyé
dans l'Espace durant une période incroyablement longue de deux ans.
Silence inhabituel qui traduit bien le désarroi des Russes, pourtant
tenu caché, comme toujours. La formidable machine que les Russes
avaient mise en route pour conquérir l'Espace avant les Américains
est minée de l'intérieur, par les querelles intestines et une
bureaucratie de plus en plus envahissante et handicapante. Envoyer
une capsule ne nécessite pas la même organisation qu'un débarquement
lunaire où sont exigées souplesse et rapidité d'exécution des
milliers de sous-traitants impliqués.
Korolev, privé de son Nobel, contesté par
Feoktistov que son voyage n'a pas calmé, condamné à rester dans
l'ombre ; Korolev ne va pas bien. Il doit se faire opérer. Il meurt
sur la table d'opération en janvier 1966.
Vassili Michine est un disciple de Brejnev, il
est désigné pour lui succéder. Mais il n'a pas son talent. Il exige
la mise au point rapide de la fusée lunaire N1. Dame! Les Américains
sont si près du but...
La N1 sort enfin des limbes et de son hangar.
Elle est monstrueusement compliquée, lourde, avec un labyrinthe de
tuyères qui ne font pas du tout la confiance des cosmonautes. Les
essais se feront à vide. Heureusement pour eux...
En février 1969, cinq mois avant la date
prévue pour le premier débarquement lunaire américain, à Baïkonour,
la première fusée N1 est mise à feu. Et explose. L'aire de lancement
est complètement détruite. Au second essai, deux semaines plus tard,
elle volera durant 70 secondes, avant d'exploser. La Lune était
perdue. |
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La gigantesque
fusée N1. Roskosmos. |
Vassili Michine, pourtant, ne s'avouait pas
vaincu. Il s'entêta avec la N1. "Les Américains seraient les
premiers ? Soit, mais nous, on fera mieux." Ses cosmonautes
resteraient un mois sur la Lune. La première N1 devait contenir à la
fois le module de commande et le module d'atterrissage, et deux
hommes. Le cosmonaute aurait dû quitter le Soyouz et, via une
échelle, se glisser dans le module lunaire, alors que son compagnon
restait en orbite. Il aurait été seul sur la Lune, mais Léonov s'y
préparait. Un deuxième homme sur la Lune aurait été le bienvenu,
mais la N1 supporterait mal ce poids supplémentaire, d'autant
qu'elle ne supporta même pas ce qui lui fut demandé initialement, à
vide, heureusement.
Michine changea d'avis, décidant de faire
partir deux N1, une avec les hommes, l'autre avec le matériel,
effectuant un rendez-vous en orbite lunaire avant de tenter
l'atterrissage. Bref, être seconds, mais brillants seconds. En
réalité, du bricolage.
Avant d'être autorisée à emporter des hommes,
on décida que la N1 devait voler huit fois à vide, avec succès. Un
troisième essai fut tenté en août 1969, cette fois, elle vola 107
secondes... avant d'exploser, et avec elle, tous les espoirs et tous
les délires des concepteurs, Michine en tête.
Exit la Lune, et pour de bon ! Aujourd'hui,
Michine gagne sa vie comme il peut, en donnant des conférences. On
lui créa un poste pour ça en 1974. Il doit se battre avec les
autorités pour obtenir la clé d'un hangar où se trouvent ses rêves
brisés, démontés, éparpillés, rouillés, et où croupissent des
modules lunaires qui n'ont jamais servi. Stupéfiant mais vrai !
Feoktistov avait eu raison.
On l'écoutera enfin. Quant à reconnaître sa
défaite devant les Américains, pas question. Qui sait ? Avec un peu
d'empressement, tout peut encore arriver, la Lune n'est pas tout.
L'Union Soviétique ne compte désormais plus sur sa force mais sur un
échec de l'autre. Et en attendant de voir, à contre- coeur, ce dont
les Américains sont capables, elle commence à envisager de
construire sa station spatiale.
Komarov inaugure à cette fin le premier
Soyouz. Il devait rejoindre une station Saliout, mais un panneau
solaire ne fonctionne pas. On lui donne l'ordre de rentrer. Mais la
capsule est déstabilisée, on ne comprend pas pourquoi Komarov ne
réagit pas. On ouvre un parachute auxiliaire. Qui s'emmêlera avec un
autre, le principal restant bloqué. Komarov tombe comme une brique.
Il s'écrase, mais ce n'est pas le choc qui le tue : il était déjà
mort sur orbite, victime d'une dépressurisation. On ne s'en n'était
pas aperçu. Un formidable cafouillage. Le premier mort de l'Espace,
nous sommes en avril 1967.
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Soyouz 1 au sol,
ou ce qu'il en reste. A droite, des débris de parachute brûlent
toujours...
Roskosmos. |
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C'était un peu la seconde mort de Korolev.
L'Union Soviétique est au plus bas, alors que la tortue américaine
arrive en force. 1965, 1966, deux grandes années qui se révèlent
chasse gardée des Américains. Tout leur réussit, les vols Gemini se
succèdent, ils bâtissent la route de la Lune à coups de sorties et
de rendez-vous successifs. Le sprint final fut une apothéose, la
tortue cravachait de plus belle, elle pensait le lièvre sur ses
talons, le triomphe prenait tournure. Mais elle était seule dans la
course. Simplement, elle l'ignorait.
Gemini, ce fut dix missions humaines. Parmi
les pilotes, de futurs marcheurs lunaires. Quelques émotions lors de
certains vols permirent de déceler celui qui possédait le plus de
sang-froid, un certain Neil Armstrong. La route était dégagée,
malgré le drame d'Apollo 1, où trois astronautes (Grissom, White et
Chaffee) brûlèrent dans l'incendie foudroyant de leur cabine
alimentée en oxygène pur, lors d'une répétition au sol, le 27
janvier 1967. Chaque camp avait eu ses morts, mais le vainqueur
émergeait.
Tout alla alors très vite. Apollo 7 permet de
tester la capsule en orbite terrestre. Tout va bien. Apollo 8 envoie
les premiers astronautes autour de la Lune, quelques semaines après
que la fusée lunaire soviétique explose... On ne le saura,
répétons-le, que 20 ans plus tard.
Ce vol est un superbe cadeau de Noël pour une
Amérique qui a besoin de se remonter le moral: au Vietnam,
l'enlisement est complet. Apollo 9 teste le module lunaire dans la
banlieue terrestre. Apollo 10 sera la répétition générale. Deux
astronautes se glissent dans le LEM qui descend vers la Lune, mais
avec interdiction formelle de se poser. Frustrant, mais l'un des
deux (Young) y retournera et marchera plus tard.
Le 15 juillet 1969, le sol tremble une fois de
plus au Kennedy Space Center. Une immense fusée blanche décolle,
elle porte Apollo 11, le monde entier s'arrêtera de respirer pendant
quatre jours.
Mais une sonde lunaire soviétique, Luna 15,
part quasiment en même temps. Et si elle était habitée ?
Oseraient-ils? On apprend qu'en fait il s'agit d'un robot, censé se
poser sur la Lune, y gratter un peu de poussière et la ramener,
histoire de dire aux Américains qu'il n'était pas nécessaire
d'envoyer des hommes pour récolter des échantillons, et que l'Union
Soviétique est arrivée finalement la première en économisant les
risques. Dur, très dur de perdre...
Et c'est la dernière, l'ultime humiliation :
Luna 15 s'écrase dans la Mer des Crises, tandis qu'Armstrong, d'une
voix maîtrisée, déclare : "Allo Houston, l'Aigle s'est posé !" Où
celà ? Juste à côté, dans la Mer de la Tranquillité. La Crise contre
la Tranquillité. Cela ne s'invente pas, ces choses- là !
Et c'est alors la nuit éblouissante,
émouvante, la nuit blanche du 20 au 21 juillet 1969. Quand la
première empreinte humaine se grave sur le sol lunaire, il est
quatre heures du matin. Heure belge. Un 21 juillet, fête nationale.
Jean
Etienne, 1996
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Apollo 17, la
dernière mission lunaire. La course est gagnée, plus la peine de
courir... Nasa. |
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Le site
d'alunissage d'Apollo 11, vu par une sonde lunaire américaine
quelques années plus tard. Le vaisseau, les instruments déposés et
les traces de pas des astronautes sont nettement visibles. Nasa. |
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Observation par
satellite des traces produites au cours des missions Apollo 11 et
12.
Cliquez sur l'image pour agrandir. Crédit Nasa. |
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Observation par
satellite des traces produites au cours des missions Apollo 14 et
13.
Cliquez sur l'image pour agrandir. Crédit Nasa. |
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Observation par
satellite des traces produites au cours des missions Apollo 16 et
17.
Cliquez sur l'image pour agrandir. Crédit Nasa. |
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