Il y a une centaine de millions d'années, les
écosystèmes terrestres d'Afrique du Nord étaient dominés par de
grands prédateurs géants, avec en proportion très peu d'herbivores.
Ce qui soulevait un problème : comment autant de carnassiers
pouvaient-ils cohabiter ?
Une équipe de chercheurs conduite lar le Dr. Auguste Hassler, de
l'Université Claude Bernard de Lyon 1, a étudié les fossiles des
dépôts de Gadoufaoua au Niger (datés de 120 millions d'années) et de
la formation des Kem-Kem au Maroc (100 millions d'années), dont la
particularité est de présenter une nette surabondance de grands
prédateurs, comme les dinosaures théropodes géants, et de grands
crocodiles, aux côtés de très peu d'herbivores.
En particulier, l'accent a été mis sur les proportions des
différents isotopes du calcium dans les restes fossilisés, les dents
et les écailles de poissons essentiellement. Ce calcium est en effet
un indice extrêmement fiable du régime alimentaire, car chez les
vertébrés, celui-ci provient quasi-exclusivement de l'alimentation.
Et comparer la composition isotopique des proies potentielles
(poissons, herbivores…) à celles des dents de carnivores permet
ainsi de remonter au régime de ces derniers.
Les préférences alimentaires des individus analysés dans les deux
gisements sont nettement similaires. Les grands dinosaures
carnassiers (abélisauridés et carcharodontosauridés) se
nourrissaient essentiellement de proies terrestres, comme des
dinosaures herbivores, tandis que les spinosaures étaient
herbivores. Par contre, le régime du crocodile géant Sarcosuchus
était mixte, à la fois composé de proies terrestres et aquatiques.
L'évolution a donc conduit ces prédateurs vers un partage subtil des
ressources alimentaires, leur évitant une compétition qui aurait pu
leur être fatale.
Par le passé, certains fossiles considérés comme exceptionnels, qui
présentaient des traces de morsures ou un contenu stomacal préservé,
avaient déjà orienté les chercheurs à la recherche de leur type
d'alimentation, mais ils restaient rares. L'avantage de l'étude par
comparaison des différents isotopes du calcium est de produire un
panorama global des habitudes alimentaires à l'échelle de tout
l'écosystème, et ouvre ainsi des perspectives nouvelles pour l'étude
des chaînes alimentaires de cette époque lointaine.
Jean Etienne
Sources principales :
Supplementary material from "Calcium isotopes offer clues on
resource partitioning among Cretaceous predatory dinosaurs",
Figshare, 9 avril 2018.
Calcium isotopes offer clues on resource partitioning among
Cretaceous predatory dinosaurs, Proceedings of the Royal
Society, Biological Sciences, 11 avril 2018.
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