24 mai 2018

 

Une collision catastrophique à l'origine de la comète Tchouri

 
Lorsque la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenkoa, surnommée « Tchouri », a été visitée par la sonde européenne Rosetta en 2014, celle-ci a révélé une étrange structure bilobée, suggérant l'accrétion de deux objets distincts auparavant situés sur une même orbite. Il apparaît aujourd'hui qu'une violente collision en serait l'origine.

Depuis la visite de la comète de Halley en 1986, plusieurs noyaux cométaires ont été approchés par diverses sondes spatiales européennes, américaines, russes et japonaises. Or, la majorité d'entre eux sont apparus sous une forme allongée, voire même bilobée, comme la célèbre Tchouri. L'explication admise jusqu'à présent par les astronomes consistait en la jonction de deux anciennes comètes distinctes, des objets très peu denses et riches en éléments volatiles, de vitesse relative faible, permettant une approche en douceur et un contact qui ne les fasse pas exploser.

Pour plusieurs raisons, un tel contact ne pouvait majoritairement se produire que durant les premières phases de la formation du Système solaire, au sein même de la Ceinture de Kuiper, voici plus de 4 milliards d'années. Toutefois, un mystère demeurait : comment un objet aussi fragile que Tchouri, et d'autres, nés il y a si longtemps, auraient-ils pu survivre jusqu'à nous, alors qu'ils sont soumis constamment aux collisions dans les régions où ils évoluent ?
 
 
 
Le noyau de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenkoa observé par Rosetta. Crédit ESA.
 
Une équipe internationale coordonnée par Patrick Michel, chercheur CNRS au laboratoire Lagrange (CNRS/Observatoire de la Côte d'Azur/Université de Nice-Sophia Antipolis), apporte la réponse.

Grâce à des simulations numériques principalement effectuées sur le Mésocentre Sigamm de l'Observatoire de la Côte d'Azur, les chercheurs démontrent que lors d'une collision destructrice entre deux noyaux cométaires, seule une faible partie de la matière est pulvérisée à haute vitesse, réduite à l'état de poussières. Mais à l'opposé du point d'impact, les matériaux riches en éléments volatiles peuvent résister, et être éjectés à des vitesses relatives suffisamment faibles pour s'attirer et se ré-accumuler en formant de nombreux petits corps, qui s'agglutinent à leur tour pour n'en former qu'un seul. Un processus qui ne prend que quelques jours, voire quelques heures ! Et la comète ainsi produite préserve une faible densité et sa richesse en substances volatiles, comme Tchouri.

Ce phénomène serait possible même lors d'impacts à la vitesse d'1 km/s, typique dans la ceinture de Kuiper, l'anneau de comètes situé au-delà de Neptune, lieu de naissance de nombreuses comètes dont Tchouri. Ce type de collisions entre comètes se produisant régulièrement, Tchouri a pu se former à n'importe quel moment de l'histoire du Système solaire et pas forcément à ses débuts, comme cela semblait acquis, réglant le problème d'une aussi étonnante survie.

Ce nouveau scénario permet également d'expliquer la présence de trous et de couches stratifiées observés sur Tchouri : ceux-ci se seraient bâtis naturellement lors du processus de ré-accumulation, ou plus tard après sa formation.

Enfin, lors de la collision à l'origine de ce type de comètes, puisqu'aucune compaction ni échauffement significatifs ne se produisent, la composition primordiale est préservée : ces nouvelles comètes demeurent bien des objets primitifs. Même si Tchouri s'est formée récemment, l'analyse de sa matière nous permet bel et bien de remonter aux origines du Système solaire.

Jean Etienne

Source principale :

Comet Chury formed by a catastrophic collision, CNRS.

 
 
 
Image de l'étape finale d'une simulation, réalisée par les auteurs, d'une collision catastrophique entre comètes, montrant l'un des objets formés par la ré-accrétion de débris de la collision, avec une forme identique à celle de Tchouri. Crédit CNRS.
 

 

 
 
 

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