22 mai 2018

 

Plus personne ne connaît l'origine du cheval domestique !

 
Alors qu'il semblait acquis que nos chevaux domestiques descendaient des chevaux domestiqués voici 5500 ans lors de la culture Botaï des steppes d'Asie centrale et que le cheval de Przewalski restait la seule espèce sauvage encore existante, ces deux théories viennent de s'effondrer suite à une nouvelle étude. Avec une conséquence inattendue : plus personne ne sait d'où vient le cheval !

De nombreux vestiges de la culture Botaï des steppes d'Asie centrale remontant au chalcolithique, ou âge du cuivre, présentent des restes de huttes à moitié enterrées, mais aussi des traces d'enclos, de poteries en terre cuite dont les pores renferment encore des traces de lait de jument fermenté, ainsi que des centaines de milliers d'os chevalins. Mais surtout, environ 10 % des dents de chevaux découvertes présentent une usure vraisemblablement provoquée par une sorte de mors, démontrant qu'une domestication se produisait déjà.
 
 
 
Vestiges et os de chevaux mis au jour dans les steppes d'Asie centrale. Crédit CNRS.
 
Dans le but de vérifier si les chevaux domestiques actuels descendaient des chevaux de Botaï, ce que l'on tenait pratiquement pour acquis, Ludovic Orlando, chercheur CNRS au laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/Université Paris Descartes), a entrepris de séquencer les génomes de 20 de ces chevaux, ainsi que de 22 chevaux provenant de toute l'Eurasie au cours des 5000 dernières années, auxquels ont été ajoutés les génomes de 18 chevaux anciens et de 28 chevaux modernes, afin de saisir l'évolution biologique associée à la domestication. Car en effet, il est quasiment impossible, en remontant depuis les espèces actuelles, de retracer la lignée vers les origines tant sont importantes les modifications apportées par les éleveurs depuis plusieurs siècles.

L'arbre généalogique du cheval entièrement bouleversé

Le résultat est complètement inattendu. Non seulement les chevaux de Botaï ne présentent aucune similitude avec les chevaux actuels, mais ils s'avèrent être les ancêtres du cheval de Przewalski, qui, du coup, ne peut plus être considéré comme une espèce sauvage !

L'étude a aussi mis en évidence certains changements survenus lors du retour à l'état sauvage du cheval de Przewalski, comme la perte d'un allèle impliqué dans l'apparition d'une robe léopard, observé dans le cheval de Botaï, probablement éliminé par sélection naturelle à la fois en raison d'une trop forte visibilité pour les prédateurs, mais aussi parce qu'il entraîne une mauvaise vision nocturne, un fait encore constaté de nos jours chez d'autres types de chevaux tels les Apaloosas, une race créée par les Indiens Nez Percés en Amérique du Nord aujourd'hui très répandue.

Mais alors, d'où proviennent nos chevaux domestiques actuels ? Eh bien, il va falloir aller chercher ailleurs. En effet, aucun des 22 génomes de chevaux eurasiatiques séquencés lors de cette vaste étude ne correspond aux chevaux de Botaï, ces derniers se fondant dans la branche des chevaux de Przewalski. De plus, ces derniers provenant d'une race domestiquée, on peut considérer qu'il n'existe plus, aujourd'hui, un seul cheval sauvage sur notre planète !

L'origine de notre cheval domestique est donc aujourd'hui une énigme, et au moins un autre foyer de domestication a existé, qui reste à découvrir. Les chercheurs se concentrent actuellement sur d'autres sites candidats, en Asie centrale mais aussi dans les steppes pontiques du sud de la Russie, en Anatolie et dans différents « refuges » au cœur de l'Europe.

Jean Etienne

 

Source principale :

Unsaddling old theory on origin of horses (CNRS).

Cette étude a été financée par l'ERC (PEGASUS #681605), le Villum Fonden miGENEPI, le Danish Council for Independent Research, Natural Sciences (4002-00152B), et les initiatives d'excellence Chaires d'attractivité, Université de Toulouse (OURASI). Il a impliqué 47 chercheurs représentant 28 institutions.

Outre le laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/Université Paris Descartes) sont impliqués en France les laboratoires Archéologies et sciences de l'Antiquité (CNRS/Université Paris Ouest Nanterre La Défense/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Ministère de la Culture) et Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements (CNRS/MNHN).

 

 
 
Chevaux de Przewalski en Sibérie. Crédit CNRS.
 

 

 
 
 

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