Dans le but de vérifier si les chevaux
domestiques actuels descendaient des chevaux de Botaï, ce que l'on
tenait pratiquement pour acquis, Ludovic Orlando, chercheur CNRS au
laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse
(CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/Université Paris
Descartes), a entrepris de séquencer les génomes de 20 de ces
chevaux, ainsi que de 22 chevaux provenant de toute l'Eurasie au
cours des 5000 dernières années, auxquels ont été ajoutés les
génomes de 18 chevaux anciens et de 28 chevaux modernes, afin de
saisir l'évolution biologique associée à la domestication. Car en
effet, il est quasiment impossible, en remontant depuis les espèces
actuelles, de retracer la lignée vers les origines tant sont
importantes les modifications apportées par les éleveurs depuis
plusieurs siècles.
L'arbre généalogique du cheval entièrement bouleversé
Le résultat est complètement inattendu. Non seulement les chevaux de
Botaï ne présentent aucune similitude avec les chevaux actuels, mais
ils s'avèrent être les ancêtres du cheval de Przewalski, qui, du
coup, ne peut plus être considéré comme une espèce sauvage !
L'étude a aussi mis en évidence certains changements survenus lors
du retour à l'état sauvage du cheval de Przewalski, comme la perte
d'un allèle impliqué dans l'apparition d'une robe léopard, observé
dans le cheval de Botaï, probablement éliminé par sélection
naturelle à la fois en raison d'une trop forte visibilité pour les
prédateurs, mais aussi parce qu'il entraîne une mauvaise vision
nocturne, un fait encore constaté de nos jours chez d'autres types
de chevaux tels les Apaloosas, une race créée par les Indiens Nez
Percés en Amérique du Nord aujourd'hui très répandue.
Mais alors, d'où proviennent nos chevaux domestiques actuels ? Eh
bien, il va falloir aller chercher ailleurs. En effet, aucun des 22
génomes de chevaux eurasiatiques séquencés lors de cette vaste étude
ne correspond aux chevaux de Botaï, ces derniers se fondant dans la
branche des chevaux de Przewalski. De plus, ces derniers provenant
d'une race domestiquée, on peut considérer qu'il n'existe plus,
aujourd'hui, un seul cheval sauvage sur notre planète !
L'origine de notre cheval domestique est donc aujourd'hui une
énigme, et au moins un autre foyer de domestication a existé, qui
reste à découvrir. Les chercheurs se concentrent actuellement sur
d'autres sites candidats, en Asie centrale mais aussi dans les
steppes pontiques du sud de la Russie, en Anatolie et dans
différents « refuges » au cœur de l'Europe.
Jean Etienne
Source principale :
Unsaddling old theory on origin of horses (CNRS).
Cette étude a été financée par l'ERC
(PEGASUS #681605), le Villum Fonden miGENEPI, le Danish Council for
Independent Research, Natural Sciences (4002-00152B), et les
initiatives d'excellence Chaires d'attractivité, Université de
Toulouse (OURASI). Il a impliqué 47 chercheurs représentant 28
institutions.
Outre le laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de
synthèse (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/Université
Paris Descartes) sont impliqués en France les laboratoires
Archéologies et sciences de l'Antiquité (CNRS/Université Paris Ouest
Nanterre La Défense/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Ministère
de la Culture) et Archéozoologie, archéobotanique : sociétés,
pratiques et environnements (CNRS/MNHN).
|