28 mars 2017

 

La grande extinction Permien-Trias : tout le monde s'est trompé !

 
Une des plus grandes extinctions, qui a vu disparaître plus de 95% des espèces marines lors de la limite Permien-Trias il y a 250 millions d'années, était attribuée à une hausse conséquente des températures terrestres. Une nouvelle recherche invalide ce scénario.

En collaboration avec l'Université de Zurich, une équipe de chercheurs de l'Université de Genève (UNIGE), a découvert que cette extinction s'est produite sur un très bref laps de temps, à l'occasion d'une courte période glaciaire qui a précédé le réchauffement climatique global. Cette découverte constitue une avancée importante, car pour la première fois, non seulement les différentes étapes d'une extinction de masse ont pu être comprises et déterminées avec précision, mais aussi, le rôle majeur des explosions volcaniques en lien avec ces processus climatiques a pu être démontré.

Une recherche qui remet aussi en cause les théories scientifiques impliquant l'augmentation du CO² dans ces phénomènes, et ouvre par la même occasion la voie à une nouvelle vision de l'histoire climatique de la Terre.

La clé des cendres volcaniques

L'équipe du professeur Urs Schaltegger, du Département des sciences de la Terre et de l'environnement de la Faculté des sciences de l'UNIGE, travaille depuis de nombreuses années en collaboration avec l'équipe de Hugo Bucher de l'Université de Zürich sur les datations absolues de ces épisodes sur la base de la détermination précise de l'âge des minéraux contenus dans les cendres volcaniques. Cela permet d'établir une chronologie exacte et détaillée de l'évolution climatique terrestre, notamment lors de la limite Permien-Trias, il y a 250 millions d'années, théâtre d'une des plus grandes extinctions de masse. Comment s'est-elle passée ? En combien de temps la biodiversité marine s'est-elle éteinte ?

Une technique fondée sur la désintégration radioactive de l'uranium

Les chercheurs ont travaillé sur les couches de sédiments du bassin de Nanpanjiang, en Chine du Sud. Celui-ci a la particularité d'être extrêmement bien préservé, ce qui permet une étude précise de la biodiversité et de l'histoire climatique du Permien et du Trias. "Nous avons effectué plusieurs coupes de centaines de mètres des sédiments du bassin et nous avons déterminé les positions exactes des lits de cendres contenus dans ces sédiments marins", explique Björn Baresel, premier auteur de l'étude.

Ainsi que l'expose Urs Schaltegger, ils ont ensuite appliqué une technique de datation absolue fondée sur la désintégration radioactive naturelle de l'uranium : "Dans les coupes sédimentaires, nous trouvons des couches de cendres volcaniques qui contiennent du zircon, un minerai qui lui-même contient de l'uranium. Celui-ci a la particularité de se désintégrer en plomb au fil du temps à une vitesse très bien connue. C'est pourquoi, en mesurant les concentrations d'uranium et de plomb, il nous est possible de dater une couche de sédiment à 35.000 ans près, ce qui est déjà extrêmement précis pour ces périodes de plus de 250 millions d'années".

La glace responsable de l'extinction de masse

En datant les différentes couches de sédiments, les chercheurs ont réalisé que l'extinction de masse à la limite Permien-Trias est représentée par une lacune de sédimentation, ce qui correspond à une période de baisse du niveau de l'eau de mer. La seule explication à ce phénomène est qu'il y avait alors de la glace qui stockait l'eau et que cette période de glaciation d'une durée de 80.000 ans était suffisante pour éliminer les espèces marines.

Les scientifiques de l'UNIGE expliquent cette chute de la température globale par l'injection stratosphérique de grands volumes de sulfure de dioxyde qui réduisent l'intensité du rayonnement solaire. "Nous possédons ainsi la preuve que les espèces ont disparu lors d'une période glaciaire et que celle-ci a été causée par l'activité des premiers volcans des Traps de Sibérie", ajoute Urs Schaltegger. Cette période glaciaire a été suivie par la formation de dépôts de calcaires formés par des bactéries, signifiant le retour de la vie sur Terre à des températures plus modérées. La période de réchauffement climatique intense, liée à la mise en place d'immenses volumes de basalte des Traps de Sibérie et que l'on croyait jusqu'alors être responsable de l'extinction des espèces marines, intervient finalement 500.000 ans après la limite Permien-Trias et, à l'inverse de ce que l'on pensait jusqu'ici, a contribué à la réémergence de la vie.

Jean Etienne

Source principale :

Timing of global regression and microbial bloom linked with the Permian-Triassic boundary mass extinction: implications for driving mechanisms, Scientific Reports 7, Article number: 43630 (2017)
doi: 10.1038/srep43630.

 

 
 
Limite Permien-Trias dans des sédiments marins peu profonds, caractérisée par une lacune de sédimentation importante entre des shales noires du Permien et des dolomites du Trias. Cette lacune documente une phase de régression reconnue globalement et probablement liée à une période de climat froid et de glaciation.
Crédit : Hugo Bucher, Université de Zürich.
 

 

 
 
 

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