24 février 2017

 

Sept exo-terres pour une seule étoile !

 
Une équipe d'astronomes de l'Université de Liège (Belgique) ont mis en évidence la présence de sept planètes telluriques de type terrestre au sein du système planétaire de l'étoile Trappist-1, située à 40 années-lumière de nous, autrement dit notre proche banlieue. A l'échelle astronomique, bien entendu.

Trappist-1 a été révélé en mai 2016 par une équipe de recherche internationale dirigée par Michaël Gillon, astronome réputé de l'Université de Liège (ULg), chercheur qualifié FNRS. Il s'agit d'un système planétaire situé à quelque 40 années-lumière du Soleil, qui à l'époque de sa découverte, montrait la présence de trois planètes.

Mais aujourd'hui, Trappist-1 livre de nouveaux secrets, à même de concentrer l'attention des astronomes du monde entier. En effet, son examen et son suivi intensif, tant par plusieurs télescopes terrestres dont l'instrument liégeois Trappist-Sud (qui lui a donné son nom) que par le télescope spatial Spitzer de la Nasa ont non seulement renforcé les observations précédentes, mais ont aussi révélé l'existence de quatre planètes supplémentaires dans le système.

Cerise sur le gâteau, ces quatre planètes sont aussi de taille similaire à la Terre. Avec celles précédemment connues, cela porte le nombre à sept. Et sept exo-terres gravitant autour d'une seule étoile à 40 années-lumière, cela force le respect… et déchaîne les imaginations. Au point de débrider celles de certains journalistes, qui déjà évoquent quatre planètes habitées (?) situées à 400 années de voyage (??). Certains n'ont pas hésité à annoncer la découverte d'une civilisation extraterrestre vieille de 10.000 milliards d'années, probablement prête à nous envahir… Bon, passons cet intermède tragi-comique produit par "une certaine presse" et voyons l'aspect scientifique, bien plus passionnant que ces élucubrations.

De la pluralité des mondes habités, vraiment ?

Si le système Trappist-1 apparaît comme le plus grand trésor de planètes de taille terrestre jamais détectées autour d'une seule étoile, il est évident que la possibilité de l'apparition de la vie sur une grande échelle dans l'Univers s'en trouve renforcée. Selon les premières estimations, toutes seraient susceptibles de maintenir de l'eau à l'état liquide à leur surface, et trois d'entre elles tournent autour de leur étoile dans la zone définie – selon nos critères terrestres – comme "habitable". Autrement dit, Trappist-1 est le système qui possède à la fois le plus grand nombre de planètes telluriques et le plus grand nombre de mondes potentiellement habitables jamais découverts à ce jour.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les sept planètes découvertes n'ont jamais été aperçues, au sens littéral du mot, et qu'elles ne sont manifestées que par l'intermédiaire d'un "sursaut" sur une courbe capturée par un détecteur ultra-sensible. Autrement dit, on sait qu'elles existent, leur diamètre est évalué en fonction de la perte de luminosité lors de leur transit devant l'étoile autour de laquelle elles tournent, le reste des connaissances à leur sujet, y compris leur masse, n'étant que pures spéculations mathématiques.

Histoire d'une découverte

Cette découverte s’inscrit dans le cadre du projet SPECULOOS, un nouveau projet plus ambitieux de détection d’exoplanètes potentiellement habitables. Dirigé par Michaël Gillon, ce projet, soutenu par un ERC Starting Grant du Conseil Européen de la Recherche, est dans sa phase finale de préparation sur le site de l’Observatoire Européen Austral de Paranal (ESO) au Chili.

C’est fin 2015 que l’histoire commence, lorsque Michaël Gillon et les membres de son équipe, dont notamment Emmanuël Jehin, astronome à l’ULg, décortiquent les données acquises par le télescope liégeois TRAPPIST-Sud, situé au Chili. Ils venaient de poser l’œil sur un nouveau système exoplanétaire. Baptisé Trappist-1, et détecté grâce à la méthode des transits, le système présentait déjà des caractéristiques très intéressantes, à savoir la présence de trois planètes de température et taille similaire à la Terre, propices à une étude détaillée de leurs compositions atmosphériques avec la technologie actuelle.

Les nouvelles observations réalisées en 2016 par l’équipe vont accentuer cet intérêt en révélant au fur et à mesure d’autres planètes. Leur nombre exact et leurs caractéristiques orbitales restaient confus jusqu’à l’automne 2016, lorsque l’équipe a pu utiliser le télescope spatial Spitzer de la NASA pour observer le système en continu durant trois semaines. Ces observations spatiales ont révélé que ce sont en fait sept planètes qui orbitent autour de l’étoile. Ces planètes, nommées Trappist-1b, c, d, e, f, g et h dans l’ordre croissant de leur distance par rapport à leur étoile, présentent toutes des tailles semblables à la Terre. "Le système Trappist-1 est le plus grand trésor de planètes de taille terrestre jamais détectées autour d’une seule étoile, déclare Michaël Gillon. C’est un système planétaire fascinant, non seulement par le nombre de planètes qu’il abrite, mais aussi parce qu’elles présentent des caractéristiques fort similaires à celles de notre Terre !".

Selon les résultats publiés dans la revue Nature, trois des planètes se trouvent dans la zone habitable du système. On entend par "zone habitable" la gamme de distances à une étoile pour laquelle une planète rocheuse comme la Terre pourrait abriter de grandes quantités d’eau liquide sur la majeure partie de sa surface. Et qui dit eau liquide dit vie, du moins sur Terre ! "A titre de comparaison, notre système solaire abrite deux planètes de taille terrestre, dont une seule, la Terre, dans sa zone habitable. Avec ses sept planètes de taille terrestre, dont trois dans sa zone habitable, Trappist-1 apparaît comme un système planétaire d’une richesse incroyable. Son étude sera passionnante !", annonce Michaël Gillon.

L’étoile Trappist-1 est une naine ultra-froide, c'est-à-dire une étoile beaucoup plus petite et froide que le Soleil. Ceci explique pourquoi, malgré qu’elles soient nettement plus proches de leur étoile que la Terre du Soleil, les planètes du système Trappist-1 pourraient toutes abriter de l’eau liquide sur au moins une partie de leur surface. A cet égard, les trois planètes e, f et g, qui orbitent dans la zone habitable, sont les plus prometteuses. "Alors que les autres planètes du système ne pourraient avoir de l’eau liquide que sur une petite partie de leur surface, ces trois planètes e, f, et g pourraient abriter des océans semblables à ceux de la Terre", explique Julien de Wit, diplômé de l’ULg, actuellement en post-doctorat au MIT et responsable de l’étude de atmosphères des planètes Trappist-1.

Prochaine étape, déterminer la composition des atmosphères

Grâce à leurs données actuelles, les chercheurs ont pu mesurer très précisément le rayon des planètes, mais aussi obtenir une première estimation de la masse de six d’entre-elles. "Nous continuons à observer intensivement le système depuis le sol et l’espace", explique Emmanuël Jehin, astronome à l’Université de Liège et co-responsable du projet TRAPPIST. "Nous devrions disposer prochainement de masses suffisamment précises pour bien contraindre la composition des planètes. De plus, nous espérons déterminer prochainement l’existence et l’étendue de leurs atmosphères".

Ces observations pourront se faire par l‘intermédiaire du télescope spatial Hubble, mais il faudra attendre le lancement du James Webb Space Telescope, prévu en 2018 par la Nasa et l’ESA, pour pousser les recherches encore plus loin et espérer déterminer la composition de ces atmosphères, voir y détecter les signes chimiques d’une activité biologique à la surface des planètes. "On va pouvoir comparer les planètes les unes aux autres, et faire ce que l’on appelle de la planétologie comparée. D’ici cinq à dix ans, nous devrions en savoir beaucoup plus sur ces planètes : de quoi elles sont faites, comment elles se sont formées, quelles sont leurs conditions de surface, etc. Et, qui sait, peut-être aurons-nous alors détecté des traces de vie sur l’une ou plusieurs d’entre elles ? Si c’est le cas, nous ne regarderons jamais plus les étoiles de la même façon…", ajoute Michaël Gillon.

Cette découverte marque un tournant important dans l’exploration spatiale et fait de Trappist-1 une cible importante dans la recherche de vie extraterrestre dans l’Univers, ces mondes représentant nos meilleures chances actuelles de détecter de la vie… ailleurs.

Jean Etienne

Source principale :

Seven temperate terrestrial planets around the nearby ultracool dwarf star TRAPPIST-1 (Nature 542, 456–460 (23 février 2017) doi:10.1038/nature21360).

Projet SPECULOOS.

 

 

 
Représentation (supposée) des sept planètes de type terrestre mises en évidence autour de Trappist-1. Si leurs physionomies sont purement imaginaires, leurs diamètres sont respectés, du moins en l'état actuel de nos connaisances. Crédit : Nasa / ESA.
 

 

 
 
 

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