Une équipe d'astronomes de l'Université de
Liège (Belgique) ont mis en évidence la présence de sept planètes
telluriques de type terrestre au sein du système planétaire de
l'étoile Trappist-1, située à 40 années-lumière de nous, autrement
dit notre proche banlieue. A l'échelle astronomique, bien entendu.
Trappist-1 a été révélé en mai 2016 par une équipe de recherche
internationale dirigée par Michaël Gillon, astronome réputé de
l'Université de Liège (ULg), chercheur qualifié FNRS. Il s'agit d'un
système planétaire situé à quelque 40 années-lumière du Soleil, qui
à l'époque de sa découverte, montrait la présence de trois planètes.
Mais aujourd'hui, Trappist-1 livre de nouveaux secrets, à même de
concentrer l'attention des astronomes du monde entier. En effet, son
examen et son suivi intensif, tant par plusieurs télescopes
terrestres dont l'instrument liégeois Trappist-Sud (qui lui a donné
son nom) que par le télescope spatial Spitzer de la Nasa ont non
seulement renforcé les observations précédentes, mais ont aussi
révélé l'existence de quatre planètes supplémentaires dans le
système.
Cerise sur le gâteau, ces quatre planètes sont aussi de taille
similaire à la Terre. Avec celles précédemment connues, cela porte
le nombre à sept. Et sept exo-terres gravitant autour d'une seule
étoile à 40 années-lumière, cela force le respect… et déchaîne les
imaginations. Au point de débrider celles de certains journalistes,
qui déjà évoquent quatre planètes habitées (?) situées à 400 années
de voyage (??). Certains n'ont pas hésité à annoncer la découverte
d'une civilisation extraterrestre vieille de 10.000 milliards
d'années, probablement prête à nous envahir… Bon, passons cet
intermède tragi-comique produit par "une certaine presse" et voyons
l'aspect scientifique, bien plus passionnant que ces élucubrations.
De la pluralité des mondes habités, vraiment ?
Si le système Trappist-1 apparaît comme le plus grand trésor de
planètes de taille terrestre jamais détectées autour d'une seule
étoile, il est évident que la possibilité de l'apparition de la vie
sur une grande échelle dans l'Univers s'en trouve renforcée. Selon
les premières estimations, toutes seraient susceptibles de maintenir
de l'eau à l'état liquide à leur surface, et trois d'entre elles
tournent autour de leur étoile dans la zone définie – selon nos
critères terrestres – comme "habitable". Autrement dit, Trappist-1
est le système qui possède à la fois le plus grand nombre de
planètes telluriques et le plus grand nombre de mondes
potentiellement habitables jamais découverts à ce jour.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les sept planètes
découvertes n'ont jamais été aperçues, au sens littéral du mot, et
qu'elles ne sont manifestées que par l'intermédiaire d'un "sursaut"
sur une courbe capturée par un détecteur ultra-sensible. Autrement
dit, on sait qu'elles existent, leur diamètre est évalué en fonction
de la perte de luminosité lors de leur transit devant l'étoile
autour de laquelle elles tournent, le reste des connaissances à leur
sujet, y compris leur masse, n'étant que pures spéculations
mathématiques.
Histoire d'une découverte
Cette découverte s’inscrit dans le cadre du projet
SPECULOOS, un
nouveau projet plus ambitieux de détection d’exoplanètes
potentiellement habitables. Dirigé par Michaël Gillon, ce projet,
soutenu par un ERC Starting Grant du Conseil Européen de la
Recherche, est dans sa phase finale de préparation sur le site de
l’Observatoire Européen Austral de Paranal (ESO) au Chili.
C’est fin 2015 que l’histoire commence, lorsque Michaël Gillon et
les membres de son équipe, dont notamment Emmanuël Jehin, astronome
à l’ULg, décortiquent les données acquises par le télescope liégeois
TRAPPIST-Sud, situé au Chili. Ils venaient de poser l’œil sur un
nouveau système exoplanétaire. Baptisé Trappist-1, et détecté grâce
à la méthode des transits, le système présentait déjà des
caractéristiques très intéressantes, à savoir la présence de trois
planètes de température et taille similaire à la Terre, propices à
une étude détaillée de leurs compositions atmosphériques avec la
technologie actuelle.
Les nouvelles observations réalisées en 2016 par l’équipe vont
accentuer cet intérêt en révélant au fur et à mesure d’autres
planètes. Leur nombre exact et leurs caractéristiques orbitales
restaient confus jusqu’à l’automne 2016, lorsque l’équipe a pu
utiliser le télescope spatial Spitzer de la NASA pour observer le
système en continu durant trois semaines. Ces observations spatiales
ont révélé que ce sont en fait sept planètes qui orbitent autour de
l’étoile. Ces planètes, nommées Trappist-1b, c, d, e, f, g et h dans
l’ordre croissant de leur distance par rapport à leur étoile,
présentent toutes des tailles semblables à la Terre. "Le système
Trappist-1 est le plus grand trésor de planètes de taille terrestre
jamais détectées autour d’une seule étoile, déclare Michaël Gillon.
C’est un système planétaire fascinant, non seulement par le nombre
de planètes qu’il abrite, mais aussi parce qu’elles présentent des
caractéristiques fort similaires à celles de notre Terre !".
Selon les résultats publiés dans la revue Nature, trois des planètes
se trouvent dans la zone habitable du système. On entend par "zone
habitable" la gamme de distances à une étoile pour laquelle une
planète rocheuse comme la Terre pourrait abriter de grandes
quantités d’eau liquide sur la majeure partie de sa surface. Et qui
dit eau liquide dit vie, du moins sur Terre ! "A titre de
comparaison, notre système solaire abrite deux planètes de taille
terrestre, dont une seule, la Terre, dans sa zone habitable. Avec
ses sept planètes de taille terrestre, dont trois dans sa zone
habitable, Trappist-1 apparaît comme un système planétaire d’une
richesse incroyable. Son étude sera passionnante !", annonce Michaël
Gillon.
L’étoile Trappist-1 est une naine ultra-froide, c'est-à-dire une
étoile beaucoup plus petite et froide que le Soleil. Ceci explique
pourquoi, malgré qu’elles soient nettement plus proches de leur
étoile que la Terre du Soleil, les planètes du système Trappist-1
pourraient toutes abriter de l’eau liquide sur au moins une partie
de leur surface. A cet égard, les trois planètes e, f et g, qui
orbitent dans la zone habitable, sont les plus prometteuses. "Alors
que les autres planètes du système ne pourraient avoir de l’eau
liquide que sur une petite partie de leur surface, ces trois
planètes e, f, et g pourraient abriter des océans semblables à ceux
de la Terre", explique Julien de Wit, diplômé de l’ULg, actuellement
en post-doctorat au MIT et responsable de l’étude de atmosphères des
planètes Trappist-1.
Prochaine étape, déterminer la composition des atmosphères
Grâce à leurs données actuelles, les chercheurs ont pu mesurer très
précisément le rayon des planètes, mais aussi obtenir une première
estimation de la masse de six d’entre-elles. "Nous continuons à
observer intensivement le système depuis le sol et l’espace",
explique Emmanuël Jehin, astronome à l’Université de Liège et
co-responsable du projet TRAPPIST. "Nous devrions disposer
prochainement de masses suffisamment précises pour bien contraindre
la composition des planètes. De plus, nous espérons déterminer
prochainement l’existence et l’étendue de leurs atmosphères".
Ces observations pourront se faire par l‘intermédiaire du télescope
spatial Hubble, mais il faudra attendre le lancement du James Webb
Space Telescope, prévu en 2018 par la Nasa et l’ESA, pour pousser
les recherches encore plus loin et espérer déterminer la composition
de ces atmosphères, voir y détecter les signes chimiques d’une
activité biologique à la surface des planètes. "On va pouvoir
comparer les planètes les unes aux autres, et faire ce que l’on
appelle de la planétologie comparée. D’ici cinq à dix ans, nous
devrions en savoir beaucoup plus sur ces planètes : de quoi elles
sont faites, comment elles se sont formées, quelles sont leurs
conditions de surface, etc. Et, qui sait, peut-être aurons-nous
alors détecté des traces de vie sur l’une ou plusieurs d’entre elles
? Si c’est le cas, nous ne regarderons jamais plus les étoiles de la
même façon…", ajoute Michaël Gillon.
Cette découverte marque un tournant important dans l’exploration
spatiale et fait de Trappist-1 une cible importante dans la
recherche de vie extraterrestre dans l’Univers, ces mondes
représentant nos meilleures chances actuelles de détecter de la vie…
ailleurs.
Jean Etienne
Source principale :
Seven temperate terrestrial planets around the nearby ultracool
dwarf star TRAPPIST-1 (Nature 542, 456–460 (23 février 2017)
doi:10.1038/nature21360).
Projet
SPECULOOS.
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