15 février 2017

 

La première abeille artificielle a été créée

 
Pour la première fois, un drone miniaturisé de la taille d'un insecte a réussi à polliniser certaines fleurs grâce à un gel mis au point par un chimiste du National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST) au Japon.

Pour cette expérience, l'équipe de scientifiques a utilisé un drone à quatre hélices, d'une valeur de 100 dollars, disponible dans le commerce. Mais si cet objet peut facilement être téléguidé, soit par l'homme soit par l'ordinateur relié à un futur système de reconnaissance de formes, le réel défi consistait à inventer un dispositif capable de prélever le pollen des étamines d'une fleur, puis de le déposer sur le pistil d'une autre.

La solution est apparue à Eijiro Miyako, de l'AIST, sous la forme d'un gel semblant convenir à cette fonction. Et pourtant, cette découverte découle… de la sérendipité, c'est-à-dire du fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d'un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d'une recherche concernant un autre sujet.

Découverte fortuite

En effet, le gel utilisé dans les pollinisateurs artificiels est le résultat d’une mauvaise expérience. En 2007, Miyako travaillait sur des liquides qu’on peut utiliser comme des conducteurs électriques. L’une de ses tentatives fut de produire un gel aussi collant qu’une pommade pour les cheveux, et ce fut considéré comme un échec à cette époque. Ce gel a finalement été oublié pendant dix années au fond d'une armoire, et il y serait toujours s'il n'avait été retrouvé pendant un nettoyage. Et à la grande surprise du chercheur, il était resté parfaitement intact.

Intéressé par la possibilité de créer des insectes robotisés pour remplacer les abeilles dans certains cas (notamment dans des serres stérilisées) le chercheur a eu l'idée d'utiliser ce gel pour tenter de rendre pollinisateurs des insectes qui ne le sont habituellement pas, comme des fourmis. "Nous étions surpris qu’après 8 ans, le gel ionique ne se soit pas dégradé et il est resté visqueux. Les gels conventionnels sont principalement composés d’eau et ils ne durent pas très longtemps et donc, on a décidé de l’utiliser pour cette recherche", explique Miyako.

Pour déterminer si le gel pouvait se coller sur du pollen, Miyako a placé une gouttelette du gel sur le corps ds insectes, et ensuite, il les a libérés dans un bouquet de tulipes. Comparées avec les fourmis sans le gel, les fourmis "gélifiées" avaient beaucoup plus de pollen collé sur leur corps.

Passage à l'insecte artificiel

Pour réussir son expérience, Miyako avait ensuite besoin d’une machine volante suffisamment compacte pour la manœuvrer sur un champ de fleurs à la manière d’une abeille. Pour cela, il a utilisé un microdrone à quatre hélices, et a placé le gel sur sa partie ventrale. Mais celle-ci n'était pas suffisamment adhérente et ne retenait pas le gel. Il fallait trouver autre chose…

En travaillant avec ses collègues Masayoshi Tange et Yue Yu de l’AIST, Miyako a eu l'idée d'utiliser des poils de cheval pour imiter l’extérieur pelucheux d’une abeille. Les poils créent plus de surface pour le gel, et génèrent aussi de l'électricité statique aidant à maintenir les grains de pollen en place.

L’équipe a fait évoluer ces microdrones de la taille d'insectes enduits de poils et de gel entre des lys roses du Japon (Lilium japonicum). Ils ont prélevé le pollen sur les fleurs, et l'ont parfaitement déposé sur d'autres.

Il n'est évidemment pas question de remplacer les abeilles par ces mini-robots, car ce ne serait même pas des millions, ni des milliards, mais bien des trillions de drones qu'il faudrait fabriquer pour cela. Mais cette expérience, qui n'est qu'un premier pas, montre le potentiel des pollinisateurs artificiels dans certains domaines scientifiques.

Jean Etienne

Source principale :

Materially Engineered Artificial Pollinators (Chem Volume 2, Issue 2, p224–239, 9 February 2017 DOI: j.chempr.2017.01.008).

 

 

 
Le micro-drone, d'environ 1 cm de large. Crédit : AIST.
 
 
 

 
Le micro-drone au contact d'une fleur. Crédit : AIST.
 
 
 
 
Chargé de pollen, le micro-drone s'éloigne. L'opération a duré moins d'un quart de seconde. Crédit : AIST.
 

 

 
 
 

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