3 février 2017

 

Exercice de haute voltige et coup de frein autour d'Alpha du Centaure

 
Le 12 avril 2016, jour du 55ème anniversaire du premier vol humain dans l'Espace, le milliardaire russe Iouri Milner ainsi que Stephen Hawking et Mark Zuckerberg ont présenté leur projet Breakthrough Starshot Initiative, consistant à envoyer des sondes ultra-miniaturisées vers l'étoile Alpha du Centaure à 20% de la vitesse de la lumière. Oui, mais voilà : avec une telle célérité, les sondes traverseraient le système en quelques dizaines de secondes utiles. Bien peu pour effectuer des observations intéressantes. Il est donc impératif de freiner. Oui, mais comment ?

Aujourd'hui, les chercheurs proposent d'utiliser les deux étoiles du système d'Alpha du Centaure comme freins gravitationnels. Mais cela nécessite aussi de réduire la vitesse de départ des sondes à "seulement" 4,6 % de la vitesse de la lumière.

Selon Renée Heller, du Max Planck Institute for Solar System Research, et son collègue Michael Hippke, il est parfaitement envisageable d'utiliser non seulement la gravitation, mais aussi la pression de radiation des étoiles d'Alpha du Centaure pour ralentir les sondes, et même les diriger vers la naine rouge Proxima Centauri et la planète similaire à la Terre qui l'accompagne.
 

Dimensions comparées du Soleil avec Alpha du Centaure A et B, et Proxima du Centaure.

Breakthrough Starshot Initiative se base sur des hypothèses plausibles, mais qui ne sont pas encore à notre portée. Les sondes miniatures seraient alimentées par d’immenses voiles recevant la pression de radiation émise par de gigantesques lasers situés sur Terre. On sait fabriquer des lasers et des voiles solaires, mais pas de cette dimension. Mais même si on arrive à accélérer ces sondes à 20 % de la vitesse de lumière, si on ne les ralentit pas, elles ne pourront que survoler le système Alpha Centauri en quelques secondes.
 
 

Alpha du Centaure est un système de trois étoiles : Alpha Centauri A et Alpha Centauri B sont les deux étoiles principales qui forment une étoile double, tandis que Proxima Centauri (Alpha Centauri C) est une naine rouge bien moins lumineuse, qui est aussi l'étoile la plus proche du Soleil. À l'œil nu, ce système apparaît comme l'étoile la plus brillante de la constellation du Centaure et la troisième plus brillante de tout le ciel.

 

Des solutions existent déjà


La solution est de redéployer la voile de la sonde pour qu’elle soit ralentie par la radiation des étoiles dans le système Alpha Centauri. René Heller, un astrophysicien travaillant sur la mission PLATO (un observatoire spatial dédié aux exoplanètes similaires à la Terre qui orbiteraient à côté d’étoiles proches) et Michael Hippke ont réussi à créer des modèles informatiques sur la façon de ralentir les sondes.

Leurs calculs se basent sur une sonde d'un poids inférieur à 100 grammes, propulsée par une voile de 100.000 mètres carrés à 4,6 % de la vitesse de la lumière, soit 13.800 km/seconde. Lorsque la sonde s'approchera de l'étoile, la pression de radiation augmentera progressivement. Cerise sur le gâteau, cette vitesse "réduite" permet de se passer des lasers géants et ne n'utiliser que la pression de radiation de notre Soleil pour l'accélération initiale.

A une vitesse supérieure, les sondes dépasseraient l'étoile visée, tandis que si l'on se contente de ces 13.800 km/seconde, elles ne seraient pas seulement repoussées par la radiation stellaire, mais subiraient aussi son champ gravitationnel. Un type de manœuvre qui a déjà été réalisé avec succès dans notre Système solaire.

Un sérieux inconvénient apparaît toutefois : à 4,6 % de la vitesse de la lumière, les sondes atteindront Alpha du Centaure en 100 ans au lieu de 20 ans. Une simple étincelle à l'échelle astronomique, mais bien peu de gens assisteront à la fois au départ des sondes et à la réception des données… qui mettront encore plus de 4 ans à nous parvenir à la vitesse de la lumière. Quant à l'option qui permettrait de visiter Proxima du Centaure et la planète de type terrestre qui l'accompagne, elle impliquerait une manœuvre de contournement des deux étoiles d'Alpha, puis un nouveau voyage à une vitesse alors réduite qui prendrait encore une cinquantaine d'années.

Si la mission voit le jour, ce sont nos arrière-petits-enfants, au mieux, qui en verront les résultats.

Jean Etienne

Voir aussi sur notre site :

Faut-il envoyer une sonde vers Alpha du Centaure ?

Source principale :

Deceleration of high-velocity interstellar photon sails into bound orbits at α Centauri (Cornell University Library, ApJ Letters, 2017, Volume 835, L32, 30 janvier 2007).

 

 

 

Trajectoire des sondes depuis la Terre, et dans le système d'Alpha du Centaure.
Crédit : René Heller et Michael Hippke (mission PLATO).

 

 

 
 
 

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