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30 septembre
2016 |
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La colonisation
de Mars selon Elon Musk : est-ce bien sérieux ? |
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Fondateur de SpaceX, Elon Musk affirme
pouvoir, d'ici 6 ans, lancer un premier vaisseau géant emportant
plusieurs centaines de colons vers la Planète rouge, pour 200.000
dollars le siège. Ce qui est parfaitement possible, chaque lancement
de la navette spatiale américaine n'ayant coûté que 10 millions de
dollars.
10 millions de dollars le lancement de navette ? J'imagine tous les
lecteurs de cet article sursautant devant ce chiffre en me traitant
de vieux débile (*)… Pourtant,
il s'agit bien du coût annoncé par la Nasa au Congrès américain au
début des années 70 pour promouvoir le projet. Par la suite, le prix
de chaque lancement s'est élevé à 600 millions de dollars (minimum),
mais l'objectif de cet énorme coup de bluff était atteint : le
coûteux engin a été construit. Et utilisé durant deux décennies...
Elon Musk est-il, à lui tout seul, en train de rééditer la manœuvre
de la Nasa ? Ouvrons une petite parenthèse, pour noter que les
résultats financiers de SpaceX sont loin d'être transparents. Car en
effet, en tant que société privée et non publique, rien ne l'oblige
à publier ses chiffres. Raison pour laquelle, d'ailleurs, notre
bouillant P-Dg ne s'empresse nullement d'introduire sa société en
bourse, ce qui le contraindrait à plus de transparence… Au
contraire, il préfère présenter SpaceX comme une "entreprise privée
efficace" qui se distingue avantageusement des sociétés
traditionnelles et, d'autant plus, des structures d'État, mais aussi
et surtout comme une alternative aux services similaires des pays ne
faisant pas partie du monde occidental.
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Départ pour Mars !
(Selon Elon Musk...). Crédit : SpaceX. |
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Les rares données accessibles démontrent que la
survie de SpaceX est suspendue à deux facteurs essentiels : le
gonflement artificiel de sa valeur intrinsèque, aux fins d'attirer
de nouveaux financements à des conditions avantageuses, et l'octroi
de commandes publiques de la part de structures telles la Nasa ou,
mieux, le Pentagone. Et pour atteindre cet objectif, la propagande
joue un rôle essentiel.
La Lune V/S Mars
Ce projet martien pourrait ne sembler que la réédition de la
conquête de la Lune, réalisée il y a plus de quarante ans, alors que
la technologie n'était que l'ombre de ce qu'elle est aujourd'hui.
Pourtant, on peut noter de sérieuses différences.
Le programme Apollo, qui a connu le premier débarquement humain sur
la Lune en 1969, prévoyait d'envoyer sur notre satellite quelques
vaisseaux de conception minimale emmenant chacun deux hommes, sans
aucune visée colonisatrice. Car Apollo était un programme
exclusivement militaire, dont le seul but était de supplanter les
Soviétiques dans le cadre de la guerre froide. Dans cette optique,
le coût n'avait aucune importance, et 200 milliards de dollars (en
valeur actuelle) ont été engloutis pour atteindre cet objectif. Elon
Musk nous promet la même chose, avec quelques différences minimes :
Mars au lieu de la Lune, quelques centaines de passagers au lieu de
deux… et un coût divisé par plusieurs milliers !
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Le vaisseau d'Elon
Musk en approche de la Planète rouge. Crédit : SpaceX. |
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Qu'est-ce qui lui permet pareil optimisme ?
Certes, l'économie a augmenté et le budget des Etats-Unis a été
multiplié par cinq par rapport à l'époque d'Apollo. Des technologies
nouvelles ont vu le jour et le coût de la mise en orbite a diminué,
mais légèrement. On n'en n'est pas encore au tourisme spatial de
masse… Acheminer un seul kilo de fret en orbite basse coûte toujours
plusieurs milliers de dollars. Quant à envoyer quelques tonnes vers
Mars, cela risque toujours d'engloutir le PIB annuel d'un pays en
voie de développement.
Sur le plan purement technologique, même en faisant fi du coût, un
simple vol habité vers la Planète rouge avec une courte escale et un
retour sur Terre sera une mission incomparablement plus compliquée
qu'un vol vers la Lune, et pourtant, Elon Musk parle bien de
colonisation martienne avec la création de bases permanentes et
autonomes. Cela avec toutes les contraintes induites par un tel
programme, comme la production sur place de combustible, de
nourriture et de médicaments, mais aussi la création de toute une
économie industrielle en miniature. Sans compter toutes les
inconnues subsistant encore concernant la réaction de l'être humain
durant un séjour sur Mars après un long séjour en milieu spatial, ce
qui fait encore l'objet d'études médicales et biologiques, autant en
Russie qu'aux Etats-Unis.
Un bluff à la fois technologique et économique ?
Actuellement, et vu ce qui précède, rien ne prouve que SpaceX
réalise actuellement un quelconque profit de ses prix de lancement
extrêmement bas, fixés aujourd'hui à 4.654 dollars par kilogramme en
orbite basse. Un tel prix serait cependant envisageable en admettant
qu'il vise, sur une assez longue période, à évincer ses concurrents
en produisant à perte afin de s'attribuer à terme une place au
soleil après les avoir éliminés. Il est à noter que Brett Tobey,
autrefois vice-président de United Launch Alliance (ULA,
coentreprise de Boeing et de Lockheed Martin), qui fabrique et
commercialise aussi des lanceurs spatiaux, avait aussi projeté un
modèle de fonctionnement similaire à SpaceX à l'occasion d'une
intervention devant ses actionnaires en mars dernier. Ce qui lui a
d'ailleurs valu d'être licencié…
Quoi qu'il en soit, pour qu'une telle stratégie réussisse, il est
nécessaire de s'attirer l'intérêt du public, ce qui passe
obligatoirement par l'opinion favorable des medias. Et dans ce
contexte, force est de constater que la publicité, particulièrement
bien répercutée, des futurs vols colonisateurs vers Mars est en
train de se transformer en une stratégie bien réfléchie. Je vous
laisse conclure...
Jean Etienne
(*)
Vieux, je laisse à votre appréciation, débile, attendez-vous à des
représailles... :-) |
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Elon Musk, lors de
la présentation de son projet de colonisation martienne lors du 67e
Congrès international d'astronautique à Guadalajara, au Mexique, le
mardi 27 septembre 2016. Crédit : SpaceX. |
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"Voilà ce que nous
voulons !" s'est exclamé Elon Musk au moment où cette image est
apparue sur le grand écran derrière lui durant sa présentation.
Crédit : SpaceX. |
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