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Annoncé en 2005 à coups de beaux spots
publicitaires et de milliards de dollars de fonds budgétaires, le
lanceur américain privé d'Elon Musk n'est toujours pas fiable plus
d'une décennie plus tard. Ce que d'aucuns qualifient désormais de
rêve éveillé va-t-il prendre fin ?
Pire, avec l'explosion survenue lors d'un simple essai au sol le 1er
septembre dernier sur la base de Cap Canaveral en Floride, la fusée
fétiche de SpaceX accuse trois échecs cuisants sur 29 lancements,
soit un taux de fiabilité de moins de 90 %, remarque Laurent de
Angelis, auteur du "Guide des lanceurs spatiaux" et éditeur de
l'ouvrage "60 ans de coopération". Et de conclure qu'après un grand
nombre d'efforts, la firme n'est toujours pas arrivée à assurer un
fonctionnement stable du lanceur.
"Plus de 10 % d'échecs, c'est beaucoup trop pour un lanceur
moderne", indique Laurent de Angelis, qui note que cependant,
certains sites américains ne mentionnent pas le Falcon comme un
échec. Pourtant, assure l'auteur, "c'est non seulement un échec,
mais c'est encore pire que cela puisque l'explosion s'est produite
au sol, et qu'un tel accident est aujourd'hui devenu un évènement
rarissime".
Selon de Angelis, avec deux explosions en une seule année, SpaceX
n'a plus droit à l'erreur. Tout nouvel échec mettrait l'ensemble du
programme en grande difficulté, car aussi bien les opérateurs que
les assureurs ne lui feraient plus confiance. Et cela d'autant que
l'explosion du 1er septembre semble résulter d'une large brèche dans
le système d'hélium cryogénique du réservoir d'oxygène liquide du
deuxième étage, une technologie parfaitement maîtrisée par les
autres opérateurs spatiaux et qui n'est plus considérée comme
critique. De plus, la déclaration de SpaceX précisant que si "l'origine
de la fuite n'est pas encore connue, elle n'aurait aucun lien avec
l'explosion d'un lanceur identique (mission CRS-7) l'année dernière"
ne fait qu'ajouter un motif d'inquiétude, car cela donne deux causes
différentes de dysfonctionnement sur un lanceur pourtant annoncé
comme fiable…
Le récupérable, une technologie prometteuse ?
Le spécialiste de longue date remarque également qu'à ce jour, aucun
autre acteur majeur dans le domaine du spatial (Europe, Etats-Unis,
Russie, Chine, Japon, Inde, Brésil…) ne s'intéresse réellement au
concept d'étages de fusées réutilisables. "Si cette technologie
était réellement prometteuse, il y a longtemps que les Américains,
les Russes, les Européens ou les Chinois auraient présenté des
projets", indique de Angelis. Même les accélérateurs de la
navette spatiale, dont près de 300 exemplaires ont pris la route de
l'espace, ne se sont jamais avérés réellement économiques.
Et de souligner qu'Elon Musk, P-Dg de SpaceX, a reçu près de 4
milliards de dollars de la Nasa. Pourtant, aucun lanceur n'est
vraiment rentable selon les critères de l'économie libérale normale,
puisque les opérateurs ne paient pas le coût du lancement réel. "Appliquer
des critères de rentabilité au spatial restera encore longtemps du
domaine du fantasme, il n'y a pas de réelle rentabilité",
conclut Laurent de Angelis.
Autrement dit, selon le spécialiste, en cas de nouvel échec, le rêve
éveillé d'Elon Musk pourrait très bien prendre fin.
Jean Etienne
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