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Le Dr. Noam
Shomron |
Selon le Dr. Noam Shomron, qui dirige le Genomic
Intelligence Laboratory de l'Université de Tel-Aviv (Israël), le
cancer du sein reste à ce jour le plus meurtrier des cancers chez
les femmes, une sur huit y étant confrontée à court ou moyen terme.
Pourtant, et nonobstant les énormes efforts déployés dans le
développement de traitements sophistiqués et de plus en plus
coûteux, la survie des malades 5 ans après le diagnostic de la
maladie n'a augmenté que de 3% au cours des 20 dernières années, et
les chances de guérison se réduisent drastiquement après le
développement de métastases. Cette étape de la maladie constituant
pratiquement un point de non-retour dans le pronostic vital, le Dr.
Noam Shomron y a très logiquement concentré ses efforts, sans
exclure toutes les retombées de la découverte sur d'autres types de
cancers.
A la base, une constatation
Dans le cas du cancer, une métastase (en grec μετάστασις, du verbe
μεθίστημι, je change de place) définit le déplacement d'une cellule
tumorale depuis son site d'origine par voie sanguine ou lymphatique.
Ainsi, il a été depuis longtemps constaté que le cancer de la
prostate produit des métastases en direction des os, tandis que le
cancer du côlon tend à métastaser dans le foie. De la même façon,
chez les femmes, le cancer de l’estomac métastase souvent dans les
ovaires.
Cependant, le volume important des cellules cancéreuses devrait
s'opposer à un déplacement par le système sanguin, a fortiori
lymphatique. Pour cela, elles changent de forme, se rétrécissant
pour s'infiltrer dans la circulation sanguine, puis reprenant leur
aspect initial dès qu'elles arrivent dans le nouvel organe afin de
s'y enraciner et générer une nouvelle tumeur. C'est précisément le
mécanisme de ce changement de forme que s'est attelé à résoudre le
Dr. Noam Shomron et son équipe.
La première étape consistait à tenter d'identifier les gènes
impliqués dans cette modification de forme de la cellule cancéreuse.
Pour y arriver, les chercheurs ont mis à contribution d'énormes
sases de données situées surtout en Israël, mais aussi à l'étranger,
et croisé quatre types de données :
- Les mutations de l'ADN observées
cliniquement dans les cas de cancer du sein ;
- Un sous-ensemble de gènes reconnus
responsables de la modification de la forme de la cellule ;
- Les gènes qui présentent des domaines de
liaisons avec divers micro-ARN régulateurs susceptibles de
provoquer l'inhibition d'un autre gène ;
- Les données cliniques sur les mutations
effectivement constatées chez les patientes atteintes de cette
pathologie, telles qu'obtenues auprès du Pr. Eitan Friedman du
Centre médical Sheba à Tel Hashomer, qui est actuellement le
plus important hôpital d'Israël.
Un gène spécifique identifié
Un gène spécifique aux quatre groupes s'est
alors dégagé, et les chercheurs ont alors fait l'hypothèse que sa
désactivation pourrait réduire la production de métastases, donc de
se déplacer d'un organe à l'autre. Pour cela, ils ont mis à
contribution deux types de molécules de micro-ARN connues pour
prendre le contrôle du gène concerné (miR-96 et miR-182), l'ont
désactivé, avant de tester cette nouvelle thérapie sur des souris de
laboratoire.
"Trois semaines après le début du traitement, toutes les souris
traitées par les micro-ARN étaient presque totalement exemptes de
tumeurs secondaires", annonce le Dr. Noam Shomron, qui ajoute :
"Cela signifie que nous avons réussi à arrêter la propagation du
cancer. Nous pensons que le nouveau traitement que nous avons mis au
point, qui s’est montré efficace chez des souris de laboratoire,
possède le même potentiel chez les femmes atteintes du cancer du
sein en raison de la grande similitude entre les gènes examinés à la
fois chez les souris et chez les femmes dans les tumeurs".
La recherche continue, d'immenses espoirs à l'horizon
Bien que l'effet ait été constaté au-delà de toutes espérances, le
mécanisme d'action du micro-ARN reste encore à élucider. Si une
utilisation future dans le traitement du cancer du sein paraît
hautement probable, on ignore encore quel pourrait être l'action du
micro-ARN sur des métastases déjà installées, et surtout si ce
nouveau type de traitement pourrait être appliqué à d'autres types
de cancers à métastases, c'est-à-dire la majorité d'entre eux. Tout
en gardant à l'esprit qu'en l'absence de métastases, l'ablation ou
le remplacement d'un organe atteint par un cancer signifierait la
victoire quasi-totale contre cette maladie.
Jean
Etienne
Source principale (et rapport complet) :
Local
microRNA delivery targets Palladin and prevents metastatic breast
cancer (Nature Communications, art. 12868, DOI :
10.1038/ncomms12868, 19 septembre 2016).
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