23 septembre 2016

 

Une bactérie développe une étonnante résistance au cuivre

 
Alors qu'un grand nombre de bactéries deviennent de plus en plus résistantes aux antibiotiques, l'une d'entre elles a mis au point une stratégie de survie face à un agent antibactérien naturel utilisé depuis des temps immémoriaux : le cuivre.

Tous les organismes ont besoin d'une faible quantité de cuivre pour assurer leur métabolisme et survivre, mais l'excès de cet élément est responsable de maladies neurodégénératives (telles que Parkinson ou Alzheimer) ou encore de la maladie de Wilson, qui se manifeste par des atteintes du foie et du système nerveux. Réguler la concentration de ce métal est donc essentiel pour tous les êtres vivants. Toutefois, l'Homme exploite couramment les propriétés toxiques du cuivre pour lutter contre les pathogènes dans l'agriculture (bouillie bordelaise), ou dans le domaine médical par l'usage d'instruments en cuivre.

Cependant, il apparaît à présent que l'usage intensif de ce métal induit progressivement le même effet chez les bactéries que l'utilisation abusive des antibiotiques : une résistance se développe.
 
Émeline Lawarée, post-doctorante de l'Université de Namur (Belgique) et chercheuse à l’URBM (Unité de Recherche en Biologie des Micro-organismes) a étudié la bactérie aquatique modèle Caulobacter crescentus, espèce fréquemment rencontrée dans les zones polluées par le cuivre et d’autres métaux lourds. Caulobacter appartient à un groupe de bactéries plus large qui compte de nombreuses bactéries pathogènes pour les animaux (dont l’Homme) et les plantes. Plusieurs découvertes réalisées chez cette bactérie modèle ont d’ailleurs pu être extrapolées à des bactéries pathogènes.

Cette étude a permis de mettre en évidence une stratégie de survie originale dans un environnement riche en cuivre, afin d'échapper au pouvoir fatal de celui-ci. Une cellule mère se divise de façon asymétrique en générant deux cellules filles morphologiquement et fonctionnellement différentes : une cellule flagellée mobile et une cellule pédonculée ancrée à son substrat via son pédoncule. L’hypothèse émise depuis longtemps par les scientifiques sans jamais avoir été démontrée, était que ces deux types de cellules différentes permettaient de mieux résister à des conditions stressantes. Aujourd’hui, la démonstration est faite !

Tandis que la cellule flagellée fuit la source de cuivre pour se réfugier dans un environnement moins stressant, la cellule pédonculée met en route un système de détoxification rapide composé seulement de deux protéines, PcoA et PcoB. La première le cuivre Cu+ (forme toxique) en Cu2+ (forme moins toxique), que la seconde éjecte hors de la bactérie. Ce système permet donc à la cellule pédonculée de réduire sa concentration en cuivre, et ainsi de survivre dans des conditions environnementales difficiles.

Cette nouvelle étude met en évidence l'extrême capacité d'adaptation des bactéries face à un environnement défavorable, à l'instar des capacités de défense que l'on observait déjà devant les antibiotiques.

Jean Etienne

Source principale :

Caulobacter crescentus intrinsic dimorphism provides a prompt bimodal response to copper stress (Nature Microbiology , article 16098 (2016). DOI:10.1038/nmicrobiol.2016.98).

 

 

 
Caulobacter crescentus en cours de division, montrant la partie flagellée à gauche et la partie pédonculée à droite. L'ADN figure en bleu, le plasmide en orange. Crédit image : Université de Stanford.
 

 

 
 
 

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