20 septembre 2016

 

Pluton émet des rayons X… et ce n'est pas possible !

 
Pluton voudrait-elle se venger des hommes pour l'avoir dégradée de son statut historique de planète ? Car depuis le passage de la sonde New Horizons en 2015, la désormais "planète naine" se révèle d'un dynamisme insoupçonné sur le plan géologique malgré le fait qu’elle soit confinée dans les recoins du système solaire. Et à quatre reprises, entre février 2014 et août 2015, Carey Lisse du Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory et ses collègues ont pris Pluton pour cible au moyen du télescope spatial Chandra, et découvert que l'astre émettait en rayonnement X.

Et théoriquement, ce n’est pas possible. Pluton est une planète glaciale, rocheuse et sans aucun champ magnétique. Elle ne possède aucun des mécanismes internes qui lui permettraient d’émettre ce rayonnement. Il existe cependant un précédent, puisque l’équipe avait déjà détecté il y a deux décennies les rayons X provenant d’une comète grâce à l’interaction du gaz entourant les corps célestes et le vent solaire.

Pluton est le plus gros objet connu de la ceinture de Kuiper, une vaste zone s'étendant de 30 à 50 fois la distance Terre-Soleil dans laquelle évoluent nombre de petits corps en orbite.
 
 

 
Le télescope spatial en rayons X Chandra. Crédit : Nasa.
 
"Nous avons détecté pour la première fois, un rayonnement X en provenance d'un objet situé dans la ceinture de Kuiper, et appris que Pluton est en interaction avec le vent solaire d'une manière inattendue et énergique", annonce Carey Lisse, astrophysicien au Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory (APL) à Laurel, Maryland, qui dirige l'équipe d'observation de Chandra en collaboration avec Ralph McNutt de l'équipe de recherche de New Horizons. "Nous pouvons désormais nous attendre au même type d'observation au sujet d'autres objets parmi les plus importants de la ceinture de Kuiper".

Les scientifiques étudiant les résultats obtenus récemment via la sonde New Horizons sont particulièrement intéressés à en apprendre davantage sur l'interaction entre les gaz dans l'atmosphère de Pluton et le vent solaire. Il est maintenant établi que cette interaction est beaucoup plus importante que prévu, mais surtout que l'atmosphère de la planète naine est beaucoup plus stable qu'on ne le pensait jusqu'à présent.
 

La sonde New Horizons. Crédit : Nasa.

En fait, les observations ont déterminé que l'interaction de Pluton avec le vent solaire s'apparentait plus à l'interaction avec l'atmosphère de Mars plutôt qu'avec celle d'une comète, comme on le pensait auparavant. Cependant, bien que Pluton produise suffisamment de gaz atmosphérique pour justifier le rayonnement X observé, l'intensité de vent solaire à une telle distance paraît largement insuffisante pour l'engendrer.

Les scientifiques suggèrent plusieurs possibilités pour expliquer le phénomène. Celles-ci comprennent notamment une "queue" de fuite beaucoup plus large et contenant plus de gaz s'échappant de l'astre que ce que l'instrument SWAP de New Horizons a réellement détectée. D'autres possibilités prévoient que les champs magnétiques interplanétaires concentrent plus de particules concentrent plus de particules de vent solaire que prévu dans l'environnement de Pluton, ou qu'a contrario, la faible densité du vent solaire dans la partie externe du Système solaire où évolue Pluton favorise la formation d'un tore de gaz neutre centré autour de l'orbite du planétoïde.

Et New Horizons est loin d'avoir terminé sa mission, car elle pourra aider les scientifiques à confirmer leur récente découverte de manière indirecte. En effet, la sonde, de la taille d'un piano à queue, se dirige actuellement vers 2014 MU69, qu'elle atteindra en janvier 2019, un autre objet de la ceinture de Kuiper. Si ses instruments détectent aussi un rayonnement X, cela indiquera qu'il existe une particularité, jusqu'ici inconnue, permettant un tel rayonnement de la part de tous les corps de la ceinture de Kuiper. Dans le cas contraire, alors c'est que Pluton est dotée d'une caractéristique unique, une interaction avec le vent solaire dont la nature et le mécanisme restent à expliquer.

Jean Etienne

Source principale :

X-ray Detection Sheds New Light on Pluto (Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, 14 septembre 2016).

 

 

 

 

 
 
 

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