13 septembre 2016

 

Une armée de "bactéries-robots" pour délivrer un médicament au sein d'une tumeur cancéreuse

 
Une équipe de chercheurs canadiens vient de mettre au point de nouveaux agents nanorobotiques capables d'évoluer à travers le système sanguin pour délivrer avec précision un médicament en ciblant les cellules actives d'une tumeur cancéreuse.

Cette façon inédite d'injecter un antitumoral, qui vient d'être publiée sous la signature de scientifiques de Polytechnique Montréal, de l'Université de Montréal et de l'Université McGill, évite de compromettre l'intégrité des organes et des tissus sains environnants. Grâce à cette nouvelle approche, la dose de médicament, hautement toxique pour l'organisme humain, pourrait être largement réduite. L'article fait état des résultats de recherches effectuées sur des souris chez lesquelles on a administré, avec succès, des agents nanorobotiques dans des tumeurs colorectales.
 

Le professeur Sylvain Martel.

"Cette armée d'agents nanorobotiques était en fait constituée de plus de 100 millions de bactéries flagellées - donc autopropulsées - et chargées de médicaments qui se déplaçaient en empruntant le chemin le plus direct entre le point d'injection du médicament et la zone du corps à traiter", explique le professeur Sylvain Martel, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en nanorobotique médicale et directeur du Laboratoire de nanorobotique de Polytechnique Montréal, qui dirige les travaux de l'équipe de chercheurs. "La force de propulsion du médicament a été suffisante pour parcourir efficacement le trajet et pénétrer profondément dans les tumeurs".

Lorsqu'ils parviennent à l'intérieur d'une tumeur, les agents nanorobotiques peuvent, de manière entièrement autonome, détecter les zones tumorales appauvries en oxygène (dites "hypoxiques"), et y livrer le médicament. Cette hypoxie est causée par l'importante consommation d'oxygène engendrée par la prolifération rapide des cellules tumorales. Les zones hypoxiques sont reconnues comme étant résistantes à la plupart des traitements, incluant la radiothérapie.

Accéder aux tumeurs en empruntant des voies aussi petites qu'un globule rouge et en traversant des microenvironnements physiologiques complexes comporte toutefois plusieurs défis. Le professeur Martel et son équipe ont donc eu recours à la nanotechnologie pour y parvenir.
 

Magnetococcus marinus, la bactérie utilisée par les chercheurs.

Des bactérie équipées d'une boussole

Pour se déplacer, les bactéries utilisées par l'équipe du professeur Martel comptent sur deux systèmes naturels. Un genre de boussole, créée par la synthèse d'une chaîne de nanoparticules magnétiques, leur permet de se déplacer dans le sens d'un champ magnétique, alors qu'un capteur de concentration d'oxygène leur permet d'atteindre et de demeurer dans les zones actives de la tumeur. En exploitant ces deux systèmes de transport et en exposant les bactéries à un champ magnétique contrôlé par ordinateur, les chercheurs ont démontré que ces bactéries pouvaient imiter parfaitement les nanorobots artificiels du futur, imaginés pour ce genre de missions.

"Cette utilisation novatrice des nanotransporteurs aura un impact non seulement sur la création de concepts d'ingénierie plus poussés et de méthodes interventionnelles inédites, mais elle ouvre aussi tout grand la voie à la synthèse de nouveaux vecteurs de médicaments, d'imagerie et de diagnostic", poursuit le professeur Martel. "La chimiothérapie, si toxique pour l'ensemble du corps humain, pourrait utiliser ces nanorobots naturels pour amener le médicament directement à la zone ciblée, ce qui permettrait d'éliminer les désagréables effets secondaires tout en augmentant l'efficacité thérapeutique".

Source principale :

Magneto-aerotactic bacteria deliver drug-containing nanoliposomes to tumour hypoxic regions (Nature Nanotechnology (2016) doi:10.1038/nnano.2016.137).

 

 
 
Les légions d'agents nanorobots sont en fait composées de plus de 100 millions de bactéries
flagellées - et donc auto-propulsés - et chargés avec des médicaments qui se sont déplacés
en prenant le chemin le plus direct entre le point d'injection du médicament et la zone du corps à
guérir. Crédit: Laboratoire de nanorobotique de Polytechnique à Montréal.
 

 

 
 
 

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