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Une équipe de scientifiques de l'Inra
(Institut National de Recherches Agronomiques) a déterminé sans
équivoque possible que l'exposition chronique et indirecte à une
dose très faible d'un pesticide de type néonicotinoïde, ainsi que
l'infection par un parasite commun des abeilles, affectent très
fortement la survie des reines en conditions naturelles et modifie
leur physiologie.
L'interaction entre l'imidaclopride (un néonicotinoïde) et Nosema
cerana (un parasite de la classe des fongidés autrefois classé par
erreur parmi les protozoaires) est encore plus néfaste sur les
reines que chaque stress pris séparément.
Alors qu'une reine peut normalement vivre de 4 à 5 ans, les
apiculteurs constatent des mortalités anormales depuis plusieurs
années, au point de contraindre certains d'entre eux de changer
systématiquement une partie importante de leur cheptel de reines
afin d'éviter la perte de leurs colonies. Si la cause de cette
mortalité accélérée restait inconnue, un pas important sur sa
compréhension vient d'être effectué par une équipe de recherche de
l'Inra conduite par la Dr Claudia Dussaubat, auteure de nombreuses
publications dans ce domaine et considérée comme une sommité
mondiale dans l'étude des pathologies liées à l'apiculture.
Les scientifiques ont ainsi élevé en laboratoire 4 groupes de 10
reines, et ont reconduit l'expérience pendant 2 années. Un des
groupes a été nourri par des ouvrières elles-mêmes exposées à un
pesticide néonicotinoïde (imidaclopride), un deuxième groupe a été
exposé au parasite Nosema cerana seul, le troisième groupe aux deux
stress cumulés, tandis que le quatrième groupe servait de groupe
témoin. Les jeunes reines ont été ensuite installées, comme le font
les apiculteurs, dans de petites ruches placées dans des champs,
afin qu'elles puissent sortir s'accoupler et revenir pondre leurs
œufs.
Les résultats de l'expérience démontrent que l'exposition chronique
et indirecte (par le biez d'ouvrières nourricières) à une dose très
faible d'un pesticide néonicotinoïde, l'imidaclopride (0,7
microgramme par litre, dose à laquelle les abeilles peuvent être
confrontées dans la nature), ainsi que l'infection par un parasite
commun des abeilles, Nosema cerana, affecte très fortement la survie
des reines en conditions naturelles et modifie leur physiologie.
Dans le cas d'interaction entre les deux types de stress
(néonicotinoïde et Nosema cerana), entre 90% et 100% des reines ont
disparu dans un délai de 45 à 90 jours.
Si les insecticides de la famille des néonicotinoïdes étaient déjà
au centre de la controverse à cause de leur toxicité élevée pour des
organismes non-cible comme les pollinisateurs, leur rôle dans la
mortalité accrue des reines, et par voie de conséquence des
colonies, ne fait plus à présent aucun doute.
Il est à noter que les chercheurs de l'Inra ont bien observé une
réponse de protection contre l'action de l'imidaclopride, et
notamment contre le stress oxydant dû à l'interaction parasite -
pesticide, à travers l'augmentation de l'activité d'enzymes
spécifiques dans la tête et l'intestin des reines. Cependant, ces
mécanismes de protection n'apparaissent pas suffisants pour éviter
la mortalité prématurée des reines.
Jean Etienne
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Note:
L'imidaclopride est une substance insecticide de la famille des
néonicotinoïdes. Ces insecticides dits systémiques, se retrouvent
aussi bien dans le nectar que dans le pollen des fleurs et se
retrouvent dans les produits de la ruche.
Depuis fin 2013, un moratoire européen interdit leur utilisation
pour le colza, le tournesol et le coton.
Il reste cependant autorisé en France en pulvérisation sur les
arbres fruitiers et conifères de forêts, ainsi qu'en enrobage de
graines sur le blé d'hiver, avoine, l'orge d'hiver le seigle, la
betterave et le triticale (plante fourragère).
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