Cependant ces statistiques dressent le portrait
d'un instant déterminé, donc figé. Pourtant la réalité est tout
autre, et les conditions de vie ne cessent d'évoluer, que nous le
voulions on non. En effet, la plupart des prévisionnistes estiment
que la population mondiale approchera les 9,7 milliards d'ici l'an
2050, tandis que les nutritionnistes prévoient que les besoins de
calories par jour et par personne augmenteront en raison de
l'augmentation de l'âge moyen de la population, considérant le fait
que les enfants consomment moins de calories que les adultes. Or,
les chiffres sont sans appel. Si la production alimentaire globale
actuelle est conservée, les terriens de l'an 2050 ne disposeront
plus que de 2153 kilocalories par jour et par personne, une quantité
nettement insuffisante.
Patrick Meyfroidt, du
Earth and Life Institute, Georges Lemaître Centre for Earth
and Climate Research (Université Catholique de Louvain – UCL,
Belgique), lance un cri d'alarme en indiquant qu'il serait alors
nécessaire d'augmenter la production agricole à l'échelle planétaire
de 40 à 50 %. Et le pire, dans cette projection, c'est que la FAO a
tenu compte d'un nombre de 400 à 500 millions de personnes qui
souffriraient malgré tout de malnutrition à cette échéance.
Plusieurs scénarii évoqués
De nombreuses solutions à ce problème existent. Ainsi l'hypothèse
selon laquelle si nous devenions tous végétariens, il serait
parfaitement possible d’arriver à rencontrer les besoins en calories
sans impact grave sur l’environnement. Dans ce scénario, on aurait
besoin d'extraire 6,7 millions de tonnes de biomasse sèche des
terres agricoles, tandis que dans celui où nous consommons un régime
alimentaire très riche avec beaucoup de viande, la production
devrait atteindre 19,9 millions de tonnes, soit trois fois plus.
Cependant, ce scénario se base sur une utopie, car jamais l'espèce
humaine ne se convertira au végétarisme, et c'est peut-être mieux
ainsi…
A contrario et dans le scénario d'une alimentation riche, il sera
donc nécessaire d'augmenter très significativement ma part des
surfaces cultivables au détriment des espaces sauvages, sinon
d'augmenter les rendements encore plus rapidement que prévu. Un
espoir subsiste pourtant, même s'il ne représente pas une solution
complète. Car selon la FAO, l'augmentation continue de la
consommation de viande devrait ralentir d'elle-même, car les
populations asiatiques, chinoises surtout, qui ont commencé à manger
de la viande il y a quelques années, maintiendront leur consommation
sans l’augmenter fortement.
D'autres études se basent encore sur une corrélation existant entre
les revenus et la consommation de viande, qui indiquent quant à
elles que l'accroissement de production de 40 à 50 % prévu par la
FAO se situerait plutôt dans le bas de la fourchette, présageant une
hausse de la demande en cas de rétablissement économique. Optimistes
s'abstenir...
En tout état de cause, tous les scientifiques et autres
prévisionnistes abondent à affirmer que si nous continuons à
consommer de la viande au rythme actuel, les producteurs devront
adopter des procédés de plus en plus intensifs avec de moins en
moins de pâturages et plus de cultures. "Si nous devions réaliser
la production de viandes selon les prévisions de la FAO en plein
air, l’espace finirait rapidement par manquer", annonce Patrick
Meyfroidt. "Ceci se ferait au détriment des forêts. Entre 2000 et
2012 le bilan net de la déforestation est de 12,5 millions
d’hectares de forêts par an. L’autre solution est de produire plus à
l’hectare avec des moyens les plus écologiques possible. Sur le plan
socio-économique, il faudra trouver une bonne balance et des prix
suffisamment élevés pour rémunérer correctement les agriculteurs et
des prix abordables. Il ne faut pas oublier que nous voyons de plus
en plus des populations pauvres en zone urbaine directement touchées
par des prix trop importants", ajoute le chercheur.
La seule conclusion qui s'impose est celle-ci :
la production agricole devra obligatoirement augmenter à l'horizon
2050, peut-être même avant, car les solutions ne pourront être mises
en place du jour au lendemain. Et actuellement, personne ne sait
comment y arriver.
Jean
Etienne
Sources multiples, dont :
Exploring
the biophysical option space for feeding the world without
deforestation (Nature Communications 7, Article number :
11382)
|