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Alors que le PDG de SpaceX affirme avoir
identifié la cause de l'explosion de la fusée Falcon 9 le 1er
septembre dernier et avoir résolu le problème, la Nasa se déclare
très préoccupée par la sécurité de la stratégie de ravitaillement de
cette firme privée.
Elon Musk, le bouillant PDG de SpaceX, a récemment publié un
communiqué officiel affirmant avoir identifié la cause de
l'explosion de son lanceur il y a deux mois, mentionnant au passage
qu'il s'agissait du "casse-tête le plus ardu" auquel il avait été
confronté, et annonçant dans la foulée la reprise des vols à la
mi-décembre.
Comme un petit doute…
Lors d'une interview devant les caméras de la chaîne de télévision
américaine CNBC, Elon Musk a annoncé que la cause de l'explosion "
implique fondamentalement l'hélium liquide, les composites avancés
de fibre de carbone et l'oxygène solide. L'oxygène est si froid
qu'il entre en phase solide", explique-t-il.
Et qu'est-ce que cela implique ? Il faut ici préciser que pour
optimiser le rendement de ses lanceurs, SpaceX utilise de l'oxygène
non seulement liquide, mais en état de "surfusion", c'est-à-dire
amené à une température proche de la solidification. Ce procédé,
beaucoup plus délicat à mettre en œuvre, amène en effet l'oxygène à
occuper encore moins de place dans les réservoirs, autrement dit à
en entreposer une plus grande quantité dans un volume donné. Car en
effet, le souci de l'entreprise de vouloir récupérer les étages
après leur utilisation exige une quantité d'ergols supplémentaire
utilisée lors du retour.
Seulement voilà, une telle technologie est entièrement novatrice,
tellement novatrice d'ailleurs que même la Nasa ne l'a pas encore
expérimentée à ce jour… Et lors du dernier lancement, l'oxygène en
surfusion aurait légèrement dépassé un point critique, et se serait
tout simplement solidifié. Ce qui n'était évidemment pas censé
arriver…
Les experts ayant examiné le problème ont estimé que cet oxygène
solide aurait pu entrer violemment en contact avec un des trois
réservoirs d'hélium liquide qui se trouvent à l'intérieur même du
réservoir d'oxygène, et qui sont chargés de remplir et pressuriser
l'espace vide lorsque le gaz s'échappe en direction des chambres de
combustion. Or, ces trois réservoirs "secondaires" sont construits
en fibres de carbone, un matériau susceptible de réagir avec
l'oxygène solide en entraînant une explosion.
Mais un problème reste… Car SpaceX refuse toujours, à l'heure
actuelle, d'apporter des précisions supplémentaires sur la
déclaration d'Elon Musk sur CNBC. Et de plus, ce qui n'est pas le
moins important, on ne sait toujours pas ce qui aurait pu provoquer
la formation d'oxygène solide, alors que de nombreux capteurs de
température sont en place.
En tout état de cause, SpaceX affirme pouvoir reprendre son
programme de vols d'ici décembre 2016, en améliorant le processus de
chargement de l'hélium de sorte que cet accident ne se reproduise
pas.
La Nasa doute…
Car au-delà des simples vols de ravitaillement de la Station
Spatiale Internationale (ISS), l'agence américaine entend aussi
confier à SpaceX l'envoi d'astronautes. Or, une note de 2015
démontre que les scientifiques en charge de la station sont très
préoccupés par la sécurité de la stratégie de ravitaillement de
SpaceX.
En effet, l'architecture même des lanceurs Falcon 9 exige qu'elles
soient ravitaillées en oxygène surfondu seulement 30 minutes avant
la mise à feu, car une température aussi basse est difficile, voire
impossible, à être maintenue plus longtemps. Or, à ce moment,
l'équipage est déjà à bord, une pratique qui va à l'encontre des
standards de sécurité.
Pourtant, SpaceX affirme avoir travaillé avec la Nasa sur une
analyse détaillée de chaque risque potentiel dégagé durant les 18
derniers mois, et dont les procédures de sécurité ont été approuvées
par un Conseil de sécurité de l'Agence américaine en juillet
dernier. Elon Musk admet cependant qu'il reste beaucoup de travail à
faire pour démontrer que ces procédures sont en place, et que
certaines restent à ajuster si nécessaire suite à l'accident de
septembre dernier.
Néanmoins, ces constatations et avis montrent que la Nasa émet des
doutes sérieux quant à la capacité de SpaceX d'acheminer des
astronautes vers la Station Spatiale Internationale, celle-ci devant
avoir encore avoir effectué un nombre conséquent de missions en
toute sécurité, et surtout avoir démontré la fiabilité de ses
lanceurs.
Jean Etienne
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