4 novembre 2016

 

Longue Marche 5 : un pas de géant pour l'industrie spatiale chinoise

 
Le premier lanceur Changzheng 5 (CZ-5 ou Longue Marche 5) a décollé ce jeudi 3 novembre 2016 à 12h43 TU depuis la base de Wenchang, sur la côte nord-est de Hainan (Chine), emmenant le satellite expérimental Shijian-17 YZ-2. Une mission considérée comme risquée, mais dont le succès est absolu.

CZ-5 est actuellement le plus puissant lanceur spatial chinois. Selon le constructeur en chef Li Dong, ils est constitué à 92,5 % de nouvelles technologies, alors que les précédentes versions de la même famille de lanceurs n'en utilisaient que 30 %, ce qui leur conférait une meilleure fiabilité potentielle. Le succès enregistré ce jour ne peut que confirmer la parfaite assurance acquise par la science spatiale chinoise, alors qu'elle ne cesse de proclamer sa volonté d'établir, à terme, une future base lunaire.

Pourtant, la réalisation du programme devant aboutir à la mise au point du CZ-5 avait été émaillée par de nombreux accidents et échecs, posant des problèmes technologiques importants qui en auraient rebuté plus d'un. Ainsi, selon les données rendues publiques, les quatre premiers essais du moteur principal du CZ-5 (kérosène et oxygène liquides) avaient échoué. Les deux premiers prototypes du moteur ont explosé après leur mise en marche, les autres ont pris feu en raison de fuites de combustible.

Longue Marche 5

Ce lanceur est actuellement un des plus puissants en service dans le monde. Haut de 56,97 mètres pour un diamètre à la base de 5 mètres et une masse au décollage de 867 tonnes, il est capable d'emmener 25 tonnes de charge utile en orbite basse, près du triple de son prédécesseur.
 
 

 
Le lanceur Longue Marche 5 en voie d'acheminement vers son aire de lancement.
 
De nombreux défis ont dû être relevés par les ingénieurs avant d'aboutir au succès de ce jour. Ainsi, bien que le premier étage de la fusée fasse cinq mètres de diamètre, pour des raisons de poids, l'épaisseur de son fuselage ne peut pas dépasser trois millimètres. Trois années de recherches ont été nécessaires pour garantir la solidité du fuselage, non sans avoir au passage découvert une fissure au niveau d'une partie soudée au lanceur lors d'un essai, annonce Yang Hujun, responsable de l'équipe. "Des experts étrangers avaient estimé que les ingénieurs chinois n'arriveraient jamais à passer du stade de projet au produit fini", s'amuse le constructeur en chef Li Dong.

"Ce lanceur devait impérativement être construit, être lancé et devenir un succès, sinon le programme spatial chinois serait resté un nain dans l'ombre des géants", déclare un membre de l'équipe dirigeant le projet, cité par le journal South China Morgen Post.

Lorsque le projet d'un programme spatial avait été lancé, les relations de la Chine avec les Etats-Unis étaient au beau fixe, ce qui lui permettait de compter sur l'assistance de spécialistes américains. Mais les évènements de la place Tian'anmen en 1989 avaient provoqué un embargo de la part des USA, portant un coup dur au programme spatial chinois. Coup dur qui aura cependant eu pour effet de contraindre les scientifiques chinois à développer leur propre technologie, sans laquelle le succès enregistré aujourd'hui n'aurait peut-être pas été possible.

La décision de Pékin de créer sa propre station spatiale était aussi une raison de plus de concevoir une fusée porteuse lourde. En effet, le module de base de la future station chinoise pèsera plus de 20 tonnes, alors que le plus puissant lanceur chinois actuel, CZ-2, ne peut emporter qu'une charge utile de moins de 10 tonnes.

Missions militaires

Outre des missions civiles comprenant aussi des vols vers la Lune et Mars, les experts chinois de l'espace affirment que le nouveau lanceur lourd CZ-5 servira à réaliser des missions militaires. Le concurrent américain du CZ-5, Delta IV Heavy, est capable de placer une charge utile de 28 tonnes en orbite basse et les États-Unis comptent effectuer quatre tirs de ce vecteur en 2016 afin de lancer deux satellites-espions, un satellite de télédétection et un satellite de télécommunication militaires.

Les satellites militaires chinois créés sur la nouvelle structure (plateforme) Dingfanghong-5 auront un poids d'au moins 10 tonnes, ce qui implique aussi l'utilisation d'un lanceur lourd. La Chine envisage ainsi d'utiliser le CZ-5 pour mettre en orbite géostationnaire haute en 2017 son premier satellite de télécommunications militaire conçu sur la plateforme DFH-5.

Selon Liang Xiaohong, un haut responsable du programme spatial chinois, l'agence travaille actuellement sur la conception t la mise au point d'un lanceur de nouvelle génération, le CZ-9 (Changzheng 9 ou Longue Marche 9), dont le diamètre à la base avoisinera les 10 mètres. Rivalisant en puissance avec la Saturne V américaine, celui-ci pourra transporter les premiers astronautes chinois vers la Lune.

Jean Etienne

 
 

 
Mise à feu du lanceur (capture d'écran de la télévision chinoise).
 

 

 
 
 

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