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Le premier lanceur Changzheng 5 (CZ-5 ou
Longue Marche 5) a décollé ce jeudi 3 novembre 2016 à 12h43 TU
depuis la base de Wenchang, sur la côte nord-est de Hainan (Chine),
emmenant le satellite expérimental Shijian-17 YZ-2. Une mission
considérée comme risquée, mais dont le succès est absolu.
CZ-5 est actuellement le plus puissant lanceur spatial chinois.
Selon le constructeur en chef Li Dong, ils est constitué à 92,5 % de
nouvelles technologies, alors que les précédentes versions de la
même famille de lanceurs n'en utilisaient que 30 %, ce qui leur
conférait une meilleure fiabilité potentielle. Le succès enregistré
ce jour ne peut que confirmer la parfaite assurance acquise par la
science spatiale chinoise, alors qu'elle ne cesse de proclamer sa
volonté d'établir, à terme, une future base lunaire.
Pourtant, la réalisation du programme devant aboutir à la mise au
point du CZ-5 avait été émaillée par de nombreux accidents et
échecs, posant des problèmes technologiques importants qui en
auraient rebuté plus d'un. Ainsi, selon les données rendues
publiques, les quatre premiers essais du moteur principal du CZ-5
(kérosène et oxygène liquides) avaient échoué. Les deux premiers
prototypes du moteur ont explosé après leur mise en marche, les
autres ont pris feu en raison de fuites de combustible.
Longue Marche 5
Ce lanceur est actuellement un des plus puissants en service dans le
monde. Haut de 56,97 mètres pour un diamètre à la base de 5 mètres
et une masse au décollage de 867 tonnes, il est capable d'emmener 25
tonnes de charge utile en orbite basse, près du triple de son
prédécesseur.
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De nombreux défis ont dû être relevés par les
ingénieurs avant d'aboutir au succès de ce jour. Ainsi, bien que le
premier étage de la fusée fasse cinq mètres de diamètre, pour des
raisons de poids, l'épaisseur de son fuselage ne peut pas dépasser
trois millimètres. Trois années de recherches ont été nécessaires
pour garantir la solidité du fuselage, non sans avoir au passage
découvert une fissure au niveau d'une partie soudée au lanceur lors
d'un essai, annonce Yang Hujun, responsable de l'équipe. "Des
experts étrangers avaient estimé que les ingénieurs chinois
n'arriveraient jamais à passer du stade de projet au produit fini",
s'amuse le constructeur en chef Li Dong.
"Ce lanceur devait impérativement être construit, être lancé et
devenir un succès, sinon le programme spatial chinois serait resté
un nain dans l'ombre des géants", déclare un membre de l'équipe
dirigeant le projet, cité par le journal South China Morgen Post.
Lorsque le projet d'un programme spatial avait été lancé, les
relations de la Chine avec les Etats-Unis étaient au beau fixe, ce
qui lui permettait de compter sur l'assistance de spécialistes
américains. Mais les évènements de la place Tian'anmen en 1989
avaient provoqué un embargo de la part des USA, portant un coup dur
au programme spatial chinois. Coup dur qui aura cependant eu pour
effet de contraindre les scientifiques chinois à développer leur
propre technologie, sans laquelle le succès enregistré aujourd'hui
n'aurait peut-être pas été possible.
La décision de Pékin de créer sa propre station spatiale était aussi
une raison de plus de concevoir une fusée porteuse lourde. En effet,
le module de base de la future station chinoise pèsera plus de 20
tonnes, alors que le plus puissant lanceur chinois actuel, CZ-2, ne
peut emporter qu'une charge utile de moins de 10 tonnes.
Missions militaires
Outre des missions civiles comprenant aussi des vols vers la Lune et
Mars, les experts chinois de l'espace affirment que le nouveau
lanceur lourd CZ-5 servira à réaliser des missions militaires. Le
concurrent américain du CZ-5, Delta IV Heavy, est capable de placer
une charge utile de 28 tonnes en orbite basse et les États-Unis
comptent effectuer quatre tirs de ce vecteur en 2016 afin de lancer
deux satellites-espions, un satellite de télédétection et un
satellite de télécommunication militaires.
Les satellites militaires chinois créés sur la nouvelle structure
(plateforme) Dingfanghong-5 auront un poids d'au moins 10 tonnes, ce
qui implique aussi l'utilisation d'un lanceur lourd. La Chine
envisage ainsi d'utiliser le CZ-5 pour mettre en orbite
géostationnaire haute en 2017 son premier satellite de
télécommunications militaire conçu sur la plateforme DFH-5.
Selon Liang Xiaohong, un haut responsable du programme spatial
chinois, l'agence travaille actuellement sur la conception t la mise
au point d'un lanceur de nouvelle génération, le CZ-9 (Changzheng 9
ou Longue Marche 9), dont le diamètre à la base avoisinera les 10
mètres. Rivalisant en puissance avec la Saturne V américaine,
celui-ci pourra transporter les premiers astronautes chinois vers la
Lune.
Jean Etienne
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