Les poissons d'élevage se sont à ce point
répandus sur l'étal des poissonniers que pour certaines espèces,
leur forme sauvage est devenue pratiquement introuvable. Or, leurs
qualités nutritionnelles, tant vantées par les diététiciens,
s'effondrent.
Contrairement aux poissons sauvages, qui doivent trouver leur
nourriture dans la nature (comme des poissons de petite taille pour
les carnivores), les poissons issus de la pisciculture intensive
sont nourris d'aliments industriels. En soi, et jusqu'il y a
quelques années, cela n'influait guère sur leur qualité, car cette
nourriture contenait d'importantes quantité de farine et d'huile de
poisson provenant de poissons sauvages de faible intérêt commercial.
Mais l'importance du secteur est aujourd'hui devenue telle que cette
pratique est devenue insoutenable, car il est impossible de capturer
davantage de poissons sauvages pour nourrir un nombre toujours plus
important d'espèces d'élevage, aussi les éleveurs se sont-ils
tournés vers une alimentation industrielle, essentiellement à base
de farine de soya. Ainsi, l’industrie de la pisciculture a utilisé
deux fois plus de farine de soya que de farine de poisson en 2008,
et on prévoit qu’en 2020, le recours aux ingrédients végétaux aura
progressé de 124 pour cent par rapport à 2008.
Or, selon une récente étude publiée par la Dr Jillian Fry,
directrice du programme de santé publique et d’aquaculture durable
au Centre John Hopkins et de l'Université Mc Gill (Québec, Canada),
cette pratique exerce une incidence sur les bienfaits apportés par
certains poissons et fruits de mer sur la santé humaine.
Impact sur la nutrition humaine
"Les poissons d’élevage vont chercher l’EPA et le DHA, ces acides
gras oméga‑3 si bons pour la santé, dans leur alimentation, plus
précisément dans l’huile de poisson", explique la chercheuse,
qui ajoute "Notre analyse a révélé que l’augmentation de la
proportion d’ingrédients végétaux pouvait changer la teneur en
acides gras des poissons d’élevage et avoir ainsi des conséquences
sur la nutrition humaine".
Le remplacement des huiles de poisson par des huiles végétales
modifie la teneur du poisson en acides gras et la valeur nutritive
de ce dernier pour l’être humain, ajoutent les chercheurs. Comme on
encourage les Américains à consommer des poissons et fruits de mer
riches en acides gras oméga‑3, qui favorisent la santé
cardiovasculaire et le développement du cerveau, ce virage n’est pas
sans conséquence, tant pour l’industrie piscicole qu’en ce qui a
trait aux recommandations nutritionnelles. On devra approfondir les
recherches, précisent les auteurs, pour mieux comprendre les
répercussions de cette nouvelle alimentation sur les bienfaits de la
consommation de poissons d’élevage.
Jean Etienne
Source principale :
Environmental Health Impacts of Feeding Crops to Farmed Fish,
par Jillian P. Fry, David C. Love, Graham K. MacDonald, Paul C.
West, Peder M. Engstrom, Keeve E. Nachman et Robert S. Lawrence
(Environment International, 11 mars 2016. Doi :
10.1016/j.envint.2016.02.022).
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