14 avril 2016

 

L'arrivée des Européens en Amérique : un cataclysme !

 
Par quelles routes, et à quelle époque la race humaine est-elle arrivée sur le continent américain ? Ces questions sont longtemps restées sans réponse. Désormais, une étude génétique retrace le parcours de ces populations depuis leur première arrivée jusqu’à leur rencontre avec les Européens. Et ce contact a été bien plus cataclysmique qu’on le pensait.

Jon Erlandson, un archéologue de l’université de l’Oregon, a mis la génétique à contribution dans une nouvelle étude qui se base sur des données uniques : 92 squelettes et momies provenant de l’Est de l’Amérique du Sud, des personnes qui ont vécu voici 500 à 8600 ans dans des régions qui s'étendent du Mexique au Chili. L'équipe de chercheurs a séquencé chaque échantillon du génome mitochondrial, des gènes qui se transmettent de la mère à ses enfants. Par leur expertise, ces gènes ouvrent donc une fenêtre sur l’héritage matrilinéaire des Américains natifs.

De la Sibérie vers le Nouveau Monde

En numérisant les mutations aléatoires qui s’accumulent chez les populations qui ont été séparées, les généticiens peuvent remonter l’arbre génétique pour déterminer que deux groupes possèdent un ancêtre commun. Et lorsque les chercheurs ont appliqué cette technique à 92 momies et squelettes, ils ont constaté que les ancêtres des Américains natifs avaient été en contact direct avec les populations sibériennes d'il y a 23.000 ans. Ensuite, un groupement qui comprenait en son sein entre 2.000 et 10.000 femmes s’est totalement séparé des autres ensembles, et cela pendant 6.000 ans. Cela suppose l’idée que les futurs Américains ont passé quelques millénaires en Béringie, un passage qui existait alors entre l’Alaska et la Sibérie, avant que les calottes glaciaires commencent à s'étendre et ouvrent des passages vers le Nouveau Monde.

Il y a 16.000 ans, ces populations sont passées de la Béringie vers ne Nouveau Monde, où elles ont eu accès à des ressources bien plus abondantes qui leur ont permis de se développer rapidement. Selon Alan Cooper, biologiste à l'université d’Adelaïde (Australie), cette route longeait la côte du Pacifique, car les calottes glaciaires étaient encore très épaisses et leur passage très difficile. Par contre, si vous longez la côte avec des embarcations, vous pouvez vous déplacer rapidement, annonce Theodore Schurr, un anthropologue généticien de l’université de Pennsylvanie. Cela expliquerait le déplacement rapide des populations, et de fait, des preuves archéologiques montrent que le Monte Verde au sud du Chili était occupé il y a 14.500 ans. Ce qui laisse 1.500 ans pour couvrir tout le continent selon Cooper.

Mais la suite a été plus surprenante. Chaque groupe s'est installé dans son petit coin, en se gardant bien d'entrer en contact avec les "autres". Et en quelques milliers d'années, de nombreuses lignées se sont différenciées génétiquement, ce qui indique que les personnes d'un groupe donné ne faisaient plus d'enfants avec un autre groupe. En tout cas, si on regarde, aujourd'hui, l'ADN mitochondrial qui en subsiste, les mères ne se déplaçaient plus. Sur 94 échantillons provenant d'autant de squelettes et momies examinés, les chercheurs ont nettement différencié 84 lignées génétiques séparées.

Le contact avec les Européens : un cataclysme !

Cette structure est restée en place, de façon immuable, jusqu'à l'arrivée des Européens. Puis elle s'est effondrée, et de façon tellement brutale, pour ne pas dire cataclysmique, que les chercheurs s'avouent incapables de le modéliser correctement. De fait, il est actuellement impossible de trouver une seule personne vivante portant encore les gènes de ces 84 lignées génétiques.

A l'arrivée des cohortes européennes (appelons un chat un chat…), de nombreuses populations ont disparu jusqu'à leur dernier représentant, affirme Bastien Llamas, un généticien de l’université d’Adelaide et premier auteur de l’étude. Ripan Malhi, un généticien de l’université de l’Illinois, estime que le génome et sa diversité ont subi des pertes catastrophiques après le contact avec les Européens.

Jean Etienne

Source principale :

Ancient mitochondrial DNA provides high-resolution time scale of the peopling of the Americas (Science Advances 01 Apr 2016 - Vol. 2, no. 4, e1501385 - DOI: 10.1126/sciadv.1501385).

 

 

 
En vert clair, les terres exposées lorsque la mer était à son niveau le plus bas, la situation actuelle apparaissant en vert foncé et la partie glaciaire en blanc. Les populations sibériennes peuvent transiter vers l'actuel détroit de Bering et l'Alaska, mais sont bloquées dans leur progression vers l'est par la Cordillières des Andes.
 
 
 

 
Par la mer et via les côtes du Pacifique, elles progressent ensuite vers les côtes du Sud.
 

 

 
 
 

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