Les glaces composant la comète
67P/Churyumov-Gerasimenko existent essentiellement sous une forme
cristalline, trahissant une même origine que la nébuleuse primitive
ayant donné naissance à notre Système solaire.
Cette découverte a été permise par l'analyse des données transmises
par l'instrument
Rosina (Rosetta Orbiter Spectrometer for Ion and Neutral
Analysis), situé à bord de la sonde Rosetta de l'Agence spatiale
européenne, actuellement en orbite autour de la comète.
En effet, la mission Rosetta dévoile peu à peu les secrets des
comètes et permet enfin de résoudre une question restée en suspens
depuis plusieurs décennies, portant sur la nature des glaces qui les
composent : s'agit-il de glace cristalline, où les molécules d'eau
sont arrangées de manière périodique, ou de glace amorphe, où les
molécules d'eau sont désordonnées ? Une question dont la réponse
porte à conséquence sur l'origine et la formation du Système solaire
en entier.
La réponse à cette question essentielle a été apportée par
l'instrument Rosina, un spectromètre de masse installé à bord de la
sonde. En octobre 2014, l'appareil a pu déterminer avec précision
les abondances en diazote (N2), monoxyde de carbone (CO)
et argon (Ar) dans la glace recouvrant 67P. Ces données ont ensuite
été comparées à celles obtenues en laboratoire lors d'expériences
sur de la glace amorphe, ainsi qu'à celles de modèles décrivant la
composition d'hydrates de gaz, un type de glace cristalline où les
molécules d'eau peuvent emprisonner des molécules de gaz.
Confirmation de la glace cristalline
Les taux de diazote et d'argon mesurés sur 67P correspondent
parfaitement aux modèles d'hydrates de gaz entrant dans la
composition de glaces cristallines, tandis que la quantité d'argon
déterminée sur la comète est 100 fois inférieure à celle que la
glace amorphe pourrait piéger. La glace de 67P est donc bien de
structure cristalline.
Ces mesures permettent de dater l'âge des comètes, car les hydrates
de gaz sont des glaces cristallines qui n'ont pu se former qu'au
sein de la nébuleuse primitive à l'origine du Système solaire, à
partir de la cristallisation de grains de glace d'eau et de
l'adsorption de molécules de gaz sur leurs surfaces au cours du lent
refroidissement de la nébuleuse.
Et si les comètes sont composées de cette glace cristalline, cela
implique une formation contemporaine du Système solaire, et non
antérieure dans le milieu interstellaire comme cela avait été
autrefois suggéré parmi d'autres théories. Cette structure
cristalline démontre aussi que la température de la nébuleuse
primitive était suffisamment élevée pour sublimer la glace amorphe
provenant du milieu interstellaire.
Ainsi, les modèles actuels impliquent que les hydrates de gaz
agglomérés par 67P ont dû se former entre -228 et -223°C pour
produire les abondances mises en évidence par l'instrument Rosina.
Les mêmes travaux confortent également les scénarios de formation
des planètes géantes ainsi que de leurs satellites, qui nécessitent
aussi l'agglomération de glaces cristallines.
Cette recherche a été effectuée par une équipe internationale de
chercheurs conduite par le professeur d'Astrophysique
Olivier Mousis,
membre du CNRS et du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM),
ainsi que d'autres scientifiques cités dans le lien donné
ci-dessous.
Jean
Etienne
Source principale :
A protosolar nebula origin for the ices agglomerated by
67P/Churyumov-Gerasimenko (The Astrophysical Journal
Letters, 8 Mars 2016 – DOI :
dx.doi.org/10.3847/2041-8205/819/2/L33).
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