Alors que les fossiles ne conservent que
l'empreinte d'êtres préhistoriques après dissolution ou
désagrégation complète de leur organisme, le piégeage par l'ambre,
au contraire, en conserve l'intégrité et autorise une étude bien
plus exhaustive.
Cependant, le principe même de cette conservation par
l'enfouissement par de la sève provenant d'arbres préhistoriques ne
pouvait s'appliquer, par définition, qu'à de très petits organismes
tels des insectes. Et pourtant, un groupe de paléontologues a
découvert en Asis du Sud-Est des reptiles fossiles figés dans des
morceaux d’ambre, et dont l’âge est estimé à quelque 100 millions
d’années.
Selon ces scientifiques, et compte tenu de leur âge et de leur
anatomie, certains des reptiles retrouvés sont susceptibles de
représenter des chaînons manquants dans l'évolution de plusieurs
espèces de caméléons et de geckos modernes. Les douze reptiles en
question, précisent les chercheurs, ont été retrouvés dans l'Etat de
Kachin, au nord de la Birmanie. Ils vivaient sur ce territoire au
milieu du Crétacé, il y a environ 100 millions d'années, à l'époque
où les dinosaures régnaient en maîtres sur terre.
Piégés dans de l'ambre, les reptiles sont ainsi presque intacts, ce
qui a permis aux chercheurs d'étudier de plus près leur anatomie. Un
des lézards, affirment les paléontologues, possède des pattes
adhésives semblables à celles du gecko moderne, tandis qu'un autre a
une langue étirée et pointue, unique en son genre. Des
caractéristiques bien évidemment impossibles à déterminer s'il
s'était agi de simples fossiles, tels que les musées en recèlent des
millions.
Un autre morceau d'ambre présente un lézard piégé avec un scorpion
et un mille-pattes, deux arthropodes qui faisaient vraisemblablement
partie de son régime alimentaire.
Le reptile examiné révèle une anatomie particulière, non sans
rappeler celle du caméléon moderne, ce qui soulève pléthore de
questions, les caméléons ayant apparu sur terre il y a seulement 25
millions d'années. En outre, le lézard se distingue par une faible
mâchoire peu appropriée à capter de petits insectes, ce qui permet
de supposer qu'il utilisait sa langue, étirée et adhésive, pour
attraper sa proie, comme le font les caméléons modernes.
Bref, cette découverte remet sérieusement en cause non seulement le
schéma évolutif de l'espèce, mais aussi l'origine africaine du
genre, que les chercheurs considéraient pourtant bien établie.
Jean Etienne
Source principale :
Mid-Cretaceous amber fossils illuminate the past diversity of
tropical lizards (Science Advances, 4 mars 2016, Vol. 2, no.
3, e1501080, doi : 10.1126/sciadv.1501080, par Juan D. Daza, Edward
L. Stanley, Philipp Wagner, Aaron M. Bauer et David A. Grimaldi).
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