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Depuis des décennies, les neuroscientifiques
débattaient âprement de l'implication du sommeil paradoxal, phase où
les rêves apparaissent, dans la formation de la mémoire.
Dans une étude publiée dans Science, des chercheurs de l'Institut
universitaire en santé mentale Douglas (Université McGill) et de
l'Université de Berne montrent pour la première fois que le sommeil
paradoxal joue ce rôle essentiel dans la consolidation de la mémoire
-- tout du moins chez des souris.
"Nous savions que toute nouvelle information était stockée dans
différents types de mémoires (spatiale ou émotionnelle) avant d'être
consolidée et intégrée", annonce Sylvain Williams, chercheur et
professeur titulaire à l'Université McGill (département de
psychiatrie).
"La façon dont le cerveau accomplissait cette tâche restait
floue. Du moins jusqu'à maintenant. Nous montrons pour la première
fois que le sommeil paradoxal ou 'REM sleep (rapid eye movement)'
est crucial dans la formation de la mémoire spatiale chez les souris",
explique Williams, dont l'équipe fait partie d'un des centres de
recherche du CIUSSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal. Antoine
Adamantidis, coauteur de cette étude, est chercheur à l'Université
de Berne et au
Sleep Wake
Epilepsy Center de l'hôpital universitaire de Berne.
Une quête de rêve
Des centaines d'études ont essayé d'isoler l'activité neurale durant
le sommeil paradoxal avec des méthodes expérimentales classiques. En
vain. Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé l'optogénétique,
une technologie récente leur permettant de cibler avec précision une
population de neurones et d'en contrôler l'activité par un faisceau
lumineux.
"Nous avons choisi de cibler les neurones qui régulent l'activité
de l'hippocampe, une structure connue comme le GPS du cerveau et
essentiel dans la formation de la mémoire lors de la période d'éveil",
affirme Williams.
Afin de tester la mémoire spatiale à long terme des souris, les
scientifiques les ont entraînées à reconnaitre un nouvel objet placé
dans un environnement où sont disposés deux objets de forme et de
volume similaires. Spontanément, ces souris passent plus de temps à
découvrir le nouvel objet, preuve de leur apprentissage et de leur
mémorisation. Grâce à des impulsions lumineuses, les chercheurs ont
ensuite désactivé les neurones associés à la mémoire lors du sommeil
paradoxal des rongeurs. Et ce, afin de déterminer si cela avait un
impact sur la consolidation de leur mémoire.
Le lendemain, après cette nuit de sommeil "modifié", les mêmes
rongeurs n'ont pas réussi l'exercice de mémoire spatiale relevé haut
la main la veille. Comparativement au groupe témoin, leur mémoire
semblait effacée ou du moins drastiquement diminuée.
"Par contre, nous n'avons pas constaté d'effet sur la mémoire si
les mêmes neurones étaient mis 'sous silence' en dehors des phases
de sommeil paradoxal. L'activité neuronale pendant cette phase de
sommeil est donc essentielle pour consolider la mémoire",
précise Richard Boyce, doctorant et auteur principal de l'étude,
qui, ironie du sort, est souvent resté debout la nuit pour mener à
bien ses expériences.
Impacts sur les maladies cérébrales
Le sommeil paradoxal est une des phases essentielles du sommeil chez
tous les mammifères, y compris les humains. De plus en plus, on
associe une piètre qualité de sommeil aux déclenchements de maladies
cérébrales (Alzheimer, Parkinson).
Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, le sommeil paradoxal est
souvent très perturbé. Selon les chercheurs, les résultats de leur
étude permettraient de penser que la perturbation du sommeil
paradoxal pourrait contribuer aux troubles de mémoire observée pour
cette maladie.
Source principale :
Causal Evidence for the Role of REM Sleep Theta Rhythm in Contextual
Memory Consolidation (Science 13 mai 2016, Vol. 352, n°
6287, pp. 812-816. DOI: 10.1126/science.aad5252). |
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