15 juin 2016

 

Le Sénat US contraint d'acheter des moteurs RD-180 russes

 
Dérivé du moteur RD-170 qui équipait le lanceur soviétique Energya, le RD-180 est actuellement utilisé sur le lanceur américain Atlas V de la société United Launch Alliance. Mais son origine irrite le gouvernement US qui voudrait pouvoir s'en passer…

La fusée Energya était, et reste à ce jour le plus gros et plus puissant lanceur spatial de tous les temps. Ses 3271 tonnes au décollage surpassaient largement les 2900 tonnes de la fusée lunaire Saturne 5, et s'il ne fut utilisé que deux fois, ce furent deux succès (lancement de la station militaire expérimentale Poliot, même si celle-ci manqua sa mise en orbite suite à un problème de trajectoire, et surtout de la navette spatiale soviétique Bourane, qui n'effectua qu'un seul vol).

Le premier étage d'Energya était composé de quatre propulseurs d'appoint d'un diamètre de 4,20 mètres pour une hauteur de 39,46 mètres et d'une masse de 372,5 tonnes, brûlant un mélange de kérosène et oxygène liquides. Chacun de ces propulseurs comprenait un moteur à quatre chambres de combustion - le RD-170 - alimentées par une seule turbopompe, fournissant une poussée de 740 tonnes chacun.

Mais ces moteurs, parmi les plus puissants jamais réalisés dans cette catégorie, ont un prix. Elaborés dans une ambiance de guerre froide où les préoccupations économiques étaient complètement occultées par le souci de prestige national, ils rassemblaient toutes les technologies de pointe de l'époque (les axes d'entraînement étaient notamment réalisés en titane fripé, un matériau dont le coût de fabrication est supérieur à celui de l'or). Et cela au point que les agences spatiales ont renoncé à en produire l'équivalent, à commencer par la Nasa elle-même…
 
 

 
Le moteur RD-180. Crédit : Nasa.
 
Aussi, l'agence américaine décidait-elle au début des années 1990, par le biais de la Division des Systèmes Spatiaux de General Dynamics (qui sera achetée en 1993 par Lockheed Martin) d'acquérir les droits d'utilisation du RD-180 pour ses programmes de lanceurs spatiaux Atlas et EELV. Dans ce cadre, le motoriste américain Pratt & Whitney avait acquis une licence de production auprès de NPO Energomach afin d'adapter le moteur, le réduisant de quatre à seulement deux chambres de combustion. Devenu le RD-180, il propulsait (et propulse encore) le lanceur Atlas V. Ce moteur est actuellement vendu conjointement par Pratt & Whitney et par Energomach, mais reste jusqu'à présent uniquement produit en Russie.

Mais terriblement chatouilleux à l'idée qu'un moteur ex-soviétique reste à la base des lancements gouvernementaux américains, le Sénat US tentait, en 2014 et sur l'initiative du sénateur John McCain, d'interdire à l'agence spatiale d'acheter des moteurs russes et lançait un concours pour la création d'un équivalent américain.

Cependant, devant les délais de conception et de mise en œuvre de ce nouveau moteur, qui n'existe toujours pas, la décision vient d'être invalidée par le Sénat lui-même après des mois d'hésitations et d'atermoiements, estimant cet achat "indispensable à l'industrie spatiale américaine", et autorisant du même coup l'acquisition supplémentaire de 18 moteurs RD-180 russes avant 2022, destinés à propulser principalement les satellites gouvernementaux américains.

Jean Etienne

 

 

 
Le moteur RD-180 en phase de test sur une fusée Atlas V. Crédit : Nasa.
 

 

 
 
 

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