6 juin 2016

 

Vers la fabrication d'un génome humain synthétique

 
Le projet baptisé "Human Genome Project-Write" ou "HGP-write" vise à créer de l'ADN humain en laboratoire à coût réduit, ce qui devrait déboucher sur d'importantes avancées scientifiques et médicales.

Selon George Church, professeur de génétique à la faculté de médecine de Harvard et Jef Boeke, du Centre médical Langone de l'Université de New York, l'aboutissement de ces travaux permettra de créer des organes humains pour des transplantations, et aussi de produire des lignées de cellules résistantes à tous les types de virus et cancers. "Il sera aussi possible de fortement accélérer la production de vaccins et de développer des médicaments en utilisant des cellules humaines et des organes synthétiques", ajoutent les deux chercheurs.

De fait, cette perspective est déjà partiellement sortie du domaine de la science-fiction, puisqu'il y a un an, les scientifiques sont déjà arrivés à synthétiser le génome d’une souche de levure. Toutefois, il ne s'agissait alors "que" d'assembler 16 chromosomes, formés de près de 10 millions de paires de bases. Mais cette fois, ils sont plus ambitieux puisqu’ils veulent synthétiser les 3 milliards de paires de bases de l’ADN d’une cellule humaine.

L'obstacle éthique

Cependant l'aspect éthique, et même théologique, de l'initiative suscitent une violente polémique, et le mois dernier, les quelque 25 promoteurs du projet ont tenu une réunion à huis clos afin d'éviter d'enflammer le débat. Ils voulaient ainsi formaliser la proposition afin de répondre aux implications sociales, éthiques et légales qui ne manqueront pas d'être soulevées. Les suppositions ont ainsi fusé sur la question de savoir si les scientifiques pourraient créer des enfants qui n'auraient pas de parents…

Les chercheurs répondent à cela que les prétentions de HGP-write se limitent à permettre la fabrication de larges brins d'ADN et tester leur efficacité dans les cellules, tout en repoussant les limites de la faisabilité technique et conceptuelle, la fabrication d'un embryon humain étant, et pour très longtemps encore, du domaine de l'utopie.

Cellule, mode d'emploi

Selon Torsten Waldminghaus, biologiste généticien de l'Université Philipp de Marbourg (Allemagne), cette approche d’apprendre en construisant permettrait de mieux comprendre le fonctionnement et l'architecture du génome. "Vous connaissez toutes les parties nécessaires pour faire un chromosome et vous prenez ces parties pour le reconstruire. Si ça fonctionne, alors vous savez que vous êtes sur le bon chemin", annonce-t-il.
 
 

 
George Church, docteur en chimie, biologie et génétique moléculaire, un des promoteurs et organisateurs du projet. Crédit : Université Duke, Harvard Medical School.
 
Au cours de cette recherche, les chercheurs devront déterminer une lignée de cellules potentiellement appropriées et susceptibles d'agir comme un hôte, et ensuite échanger d'importantes parties de son génome contre de l'ADN synthétique. Toutefois, on ignore encore totalement comment cet ADN va s'adapter dans une cellule mammalienne, et surtout, comment créer des séquences génétiques pour que la cellule hôte continue de fonctionner normalement. Il y aura forcément des erreurs à corriger. Des erreurs noyées dans des millions de bases…

La publication cite plusieurs projets pilotes qui concernent diverses applications médicales. On a ainsi l'exemple d'une lignée de cellules humaines dites "ultrasafes", sécrétant des protéines utilisées dans les traitements médicaux, et que l'on pourrait modifier pour qu'elles résistent aux virus. On cite également des cellules souches injectées dans un patient comme une thérapie pour que des gènes suppresseurs de tumeur ne mutent pas et ne provoquent pas de cancer. On peut aussi créer des cellules humaines qui pourraient survivre à un milieu de culture plus simple sans acides aminés ni vitamines. Le dernier exemple cité par les auteurs consiste dans la création d'un génome de porc dans lequel seraient supprimés les gènes viraux intégrés tout en introduisant des gènes qui encodent pour des molécules immunogénétiques, ce qui permettrait de cultiver des organes de porc pour les transplantations humaines.

Et le coût ?

Actuellement piloté par une organisation à but non lucratif appelée Center of Excellence for Engineering Biology, le projet cherche à lever la somme de 100 millions de dollars auprès de différentes entreprises tant publiques que privées. Un montant qui n'est toutefois pas définitif, car selon les estimations, le coût final du projet pourrait atteindre le milliard de dollars. Mais sa réussite pourrait faire basculer la médecine dans une nouvelle ère, laissant définitivement sur place les entreprises qui tarderaient à emboîter le pas.

Jean Etienne

Sources principales :

Scientists reveal proposal to build human genome from scratch (Science, 2 juin 2016 / DOI: 10.1126/science.aag0588).

Scientists talk privately about creating a synthetic human genome (The New York Times, 13 mai 2016).

The Genome Project-Write (Science, 2 juin 2016 / DOI: 10.1126/science.aaf6850).

 
 

 
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