L'Univers est perpétuellement en mouvement. Il
change, crée de nouvelles structures qui fusionnent entre elles,
tandis que l'ensemble ne cesse de croître. Mais comment
évolue-t-il ?
Pour mieux le modéliser, et surtout le comprendre, une équipe de
physiciens de l'Université de Genève (UNIGE) a mis au point un
nouveau code de simulation numérique qui offre un meilleur aperçu du
processus complexe de la formation des structures en cosmologie.
Tout en se fondant sur les équations d'Einstein, ils ont réussi à y
introduire les mouvements de rotation de l'espace-temps et calculer
l'amplitude des ondes gravitationnelles, dont l’existence a été
confirmée pour la première fois le 12 février 2016.
Et l'avancée est énorme. Car jusqu'à présent, les chercheurs qui
tentaient de déterminer le processus de formation des grandes
structures de l'Univers ne pouvaient se baser que sur des codes
numériques hérités de la gravitation newtonienne. Le problème, qui
constituait aussi la limite de ce genre de raisonnement, étant que
l'Espace était alors considéré comme figé, n'évoluant pas, alors que
le temps, lui, s'écoule. Si ce procédé fournit des simulations
précises sur une matière qui bouge lentement, jusqu'à 300 kilomètres
par seconde environ, les calculs deviennent approximatifs à des
vitesses supérieures. De même, elles ne permettent pas d'introduire
ni décrire les fluctuations de l'énergie sombre, à laquelle on
attribue pourtant la responsabilité de l'expansion accélérée de
l'Univers. Il était donc nécessaire d'imaginer une nouvelle manière
de simuler la formation des structures cosmologiques et permettre
l’étude de ces deux phénomènes.
La théorie de la Relativité générale introduite dans la
simulation
L’équipe de Ruth Durrer, du Département de physique théorique de la
Faculté des sciences de l’UNIGE, a ainsi créé un code, nommé
gevolution, basé sur la théorie de la relativité générale
d’Einstein. En effet, la relativité générale considère
l’espace-temps comme étant dynamique, c’est-à-dire que l’espace et
le temps sont en perpétuel changement, contrairement à l’espace figé
de la théorie newtonienne. Et cela avec pour objectif de prédire
l’amplitude et l’impact des ondes gravitationnelles, ainsi que ceux
du frame-dragging (la rotation de l’espace-temps) induits par la
formation des structures cosmologiques.
Pour ce faire, les physiciens de l’UNIGE ont découpé dans l’espace
une portion cubique constituée de pas moins de 60 milliards de zones
contenant chacune une particule (c’est-à-dire une portion de
galaxie), afin d’analyser la manière dont elles bougent vis-à-vis de
leurs voisines. Le résultat de ces calculs donne des spectres
permettant de quantifier la différence entre les résultats obtenus
grâce à gevolution en utilisant les équations d'Einstein à ceux
issus des codes newtoniens. Ceci a permis de mesurer l’effet du
frame-dragging et des ondes gravitationnelles introduits dans le
modèle.
Ceci ouvre la voie à la confrontation des résultats de simulation de
l’expansion de l’Univers à la réalité de celle-ci. Les physiciens de
l’UNIGE vont ainsi pouvoir tester la théorie de la relativité
générale à des échelles beaucoup plus grandes qu’actuellement.
Afin de permettre aux chercheurs de mieux s'engager dans cette voie
prometteuse, la professeure Ruth Durrer et son équipe vont rendre
leur code gevolution libre d'accès. Avec l'espoir que les mystères
de l'énergie sombre puisse être bientôt résolu.
Jean Etienne
Source principale :
General relativity and cosmic structure formation (Nature
Physics 12, pp. 346 - 349 (2016) doi: 10.1038/nphys3673).
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